15 Juin

Mourmansk intime …

L'envie de quitter le bateau pour aller découvrir une nouvelle ville ne me vient jamais très rapidement. J'aime observer depuis la " maison " les gens, les couleurs, le vas et vient des bateaux voisins et quel trafic ! Il est privilégié ce temps, possible, si rien ne force à aller plus vite… L'horizon autour de Vagabond est déjà découvert.

Devant nous, dans une sorte de radoub flottant, le Taïmyr, énorme brise-glace nucléaire, se refait une santé. La superbe flotte des brise-glaces de la Mourmansk Shipping Compagnie, les plus gros monstres des mers à parcourir la route du Nord Est, se trouvent ici. Ainsi le Kapitan Dranytsin, visité dans la baie d'Ammassalik il y a 2 ans, revient tout juste d'un tournage. Publicité grandeur nature pour une nouvelle voiture : celle-ci tracte le brise-glace rempli d'hélium afin de prouver sa robustesse, c'est Hollywood en Arctique ! La Polarnaya Pravda en fait sa couverture le jour où elle sort notre premier article.
Et le ballet des grues. " Nuits " et jours les bras jaunes ou oranges qui couvrent un bon quart de notre horizon allongent leurs bras dans de lentes, lentes rotations… En dessous, les wagons déchargés de leur charbon circulent, indéfiniment.
Ici, c'est la ville qui vient à nous. Tout le monde connaît notre histoire ! Curieux, discrets ou bavards, civils, marins et militaires viennent poser pour se faire photographier devant le voilier français rouge et blanc; nous accueillons même deux jeunes mariés pour une photo souvenir à l'avant ! De l'autre coté des pontons, les plus pressés, ceux qui prennent les navettes (sorte de remorqueurs usés) pour venir quotidiennement de l'autre coté du fjord, regardent, placides, dans notre direction. Ceux là ne sont pas en vacances.
Lorsque la ville m'attire enfin, je me retrouve à l'opposé du centre, dans de calmes et larges avenues rectilignes aux couleurs passées et aux crépis délabrés, gardant secrète leur tranquillité. En effet, point de vitrines pour allécher le client. Depuis la chute de l'Union Soviétique les échoppes se sont remplies, on trouve de tout, mais on ne change pas une ville en un clin d'œil. Mourmansk existe depuis 1917. La ville, totalement rasée pendant la seconde guerre mondiale, fut reconstruite sur un modèle aussi soviétique que l'on peut l'imaginer. Donc, si une porte est ouverte, il suffit d'entrer pour découvrir dans des enfilades pas toujours bien éclairées un comptoir de vodka (au moins 15 marques différentes !), un étalage de viandes fraîches, un congélateur rempli de glaces, parfois un coin chaussures ou deux mètres carrés de papeterie… De toute façon, la surprise est garantie puisqu'il n'y a toujours qu'écrit " magasin ", en russe, au dessus de la porte !
Belle sensation d'aller sans préjugés, totalement démunis, sans comprendre le cyrillique ni la langue. J'aime cette approche, douce liberté…