20 Juin

Au bout de 15 jours sans se laver les cheveux, autant de matins à économiser l'eau sans savoir encore comment se ravitailler et un certain nombre d'heures à arpenter la ville entre grains, soleil et poussière, l'option gagnante est celle du bagna. Karen m'accompagne et nous entrons, pour 50 roubles, dans le royaume des ablutions. Pendant deux heures si nous le désirons, séparées du monde, nous pouvons laisser aller toutes les crasses incrustées dans notre peau à force de douches, de sauna, de bains froids, de frottages et de fouettages à coup de branches feuillues.
Quelle étrangeté de se retrouver soudain nue au milieu de ces femmes, énormes pour la plupart, qui se récurent consciencieusement sans oublier un centimètre carré de peau !
Et il s'agit de garder le rythme : avec trois douches pour 12, il faut opérer un certain roulement pour qu'après le passage au sauna et au gant de crin, ne se crée pas d'embouteillage. L'une d'elle parle un peu l'anglais et nous initie à ce rituel.
Dans la chaleur lénifiante sur les bancs du sauna, alors, les conversations s'installent plus posément, ponctuées de coups d'œils entendus ou de rires discrets, chacune intervenant librement dans ce que l'on appellerait, je le devine, une " conversation de cuisine ". Le temps n'existe plus. La seule préoccupation reste le soin que l'on peut apporter à son corps. J'ai un peu de mal au début à entrer dans cet état d'esprit tant le mien est monopolisé par la nouveauté : écouter les sons, la musique du langage dans ce cadre inhabituel... J'ai l'impression d'entrer dans l'intimité de ces femmes qui laissent simplement apparaître la lenteur de leurs mouvements, la fermeté de leurs gestes, les replis de leur chair.
En ressortant du bagna, je suis surprise de retomber brutalement dans la réalité rude de ce mardi matin froid et pluvieux, de devoir contourner les flaques d'eau sur les trottoirs et prêter attention aux voitures qui éclaboussent.
Retour au monde public !

Des personnages.

Depuis que nous sommes amarrés à ces pontons (puisque nous changeons souvent de place, pour laisser passer une grue flottante par exemple !), certains visages nous deviennent familiers. Nombreux sont ceux qui nous soutiennent, qui croient en notre projet. Qu'il est bon de sentir cet entourage bienveillant !