Un ours passe...
... de l'autre côté du fjord. Les traces sont fraîches, l'animal vient tout juste d'explorer le bout de ma piste. C'est là que je fais demi-tour, tous les trois jours, en mesurant l'épaisseur de la banquise à travers le fjord de 7km de large. Les glaces se sont fracturées, chevauchées, empilées le long de la berge, sous l'effet du marnage, comme sur la plage à côté de Vagabond, et les cachettes ne manquent pas ! Je suis d'autant plus vigilant que je suis seul avec la motoneige, sans les chiens. Six jours plus tôt, ils nous accompagnaient, Léonie et moi, pour les travaux scientifiques, et avaient attrapé tous les quatre ensemble, au même endroit, un renard polaire (lire le récit de Léonie) ! Les chiens sont sagement au camp depuis, ils vont y rester encore quelques jours pour nous assurer qu'ils n'ont pas la rage, ce qui est heureusement très peu probable. Un autre renard suit l'ours d'aujourd'hui, à distance respectueuse, comme en témoignent les petites traces que je croise également. Charognard en hiver, il est en quête de restes de phoque, l'essentiel de son alimentation avant l'arrivée des oiseaux et de leurs oeufs au printemps.
La motoneige me permet de faire des profils plus longs qu'à pieds, le glaciomètre (EM31) peut en théorie fonctionner jusqu'à une vitesse de 30km/h, selon l'état de la surface. Il faut en général ralentir à cause des congères de neige créées par le vent, même si la glace est très plane. La chaleur du moteur permet aussi de réchauffer la CTD (bathysonde), qui gèle instantanément en sortant de l'eau (il fait -35°C aujourd'hui), et de faire plusieurs relevés hydrographiques d'affilée. En contre partie, c'est moins satisfaisant de consommer de l'essence et c'est moins confortable de rester assis dans le froid, le bruit et l'odeur, que de marcher avec un chien qui tracte la pulka !
Suite au coup de vent du 23 janvier, les grosses congères de neige autour du bateau deviennent un superbe terrain de jeux pour Aurore et Léonie. Premiers essais du vélo des neiges (ktrak offert par Stéphane Rousson, et VTT prêté par nos amis de Grise Fiord) : il faut vraiment que la neige soit dure car la chenille arrière n'est pas large !
France, qui relève consciencieusement notre filet tous les soirs, a presque terminé la fabrication d'une magnifique paire de moufles en peau de phoque pour moi ! Merci Eva pour la peau.
Les couleurs du crépuscule à midi sont vraiment splendides, encore 8 ou 10 jours avant de revoir le soleil.