A propos des îles de glace, par Preben Gudmandsen (Institut National Spatial du Danemark)
Eric, je crois que nous observons actuellement un nouveau phénomène, mais que sait on du passé, lorsque nous n'avions pas de satellite pour nous aider ?
Mes premières observations de vêlage du glacier Petermann, dans les années 90, étaient basées sur des images satellites du chenal Kennedy qui présentaient trois plaques de banquise différentes de toutes les autres en provenance de la mer de Lincoln. Ces images SAR furent enregistrées par hasard par le satellite européen ERS-1 quelques semaines après son lancement en 1991. Par chance, d'autres observations prises deux et quatre semaines avant ont montré que ces morceaux de banquise venaient du glacier Petermann. En me basant sur des observations aériennes antérieures, j'en ai déduit que le vêlage aurait lieu tous les 9 ou 10 ans.
Le vêlage suivant a eu lieu en 2000, j'avais donc raison, mais le climat a changé depuis et le vêlage majeur suivant eu lieu en 2008, toutefois plus petit qu'avant et que ce que nous avons vu récemment. Comme vous le savez, nous avons eu d'autres vêlages du glacier Petermann en 2010 et aussi en 2012. Ces vêlages majeurs proviennent de plus haut sur la langue flottante du glacier, ce qui signifie que l'épaisseur et donc le tirant d'eau a augmenté (le principal processus de fusion de la langue du glacier a lieu à partir de l'eau sous-jacente).
Cela signifie que nous avons plus d'îles de glace qu'avant, et en raison de l'augmentation du tirant d'eau, la probabilité d'échouage augmente. Oui, c'est une situation particulière que nous vivons.
Les images d'ERS-1 de la mer de Lincoln ont montré que, en 1991, il y avait aussi une île de glace venant du glacier Steensby ou du glacier Ryder mais je n'ai qu'une seule observation. Ce que nous voyons aujourd'hui, c'est que cela arrive de nouveau et plus fréquemment qu'auparavant.
De plus, vous observez une situation unique avec ces nombreux fragments de vêlages du Groenland, disséminés le long de la côte de l'île de Baffin, sondant la bathymétrie côtière (méconnue). Ne connaissant pas le tirant d'eau exact des icebergs, cela est toutefois d'intérêt mineur. Plusieurs d'entre eux se sont échoués sur leur parcours, ont repris leurs dérives pour s'échouer un peu plus au sud.
Oui, vous rencontrez quelque chose de très intéressant.