Village atteint par la banquise
Après deux semaines d'embâcle, la banquise nous a enfin semblé assez solide pour traverser les 3km jusqu'au village. Dès que la luminosité l'a permis, nous nous sommes faufilés entre des icebergs tabulaires, au nord de la route directe, afin de contourner des zones de glace trop fine. Il a fallu aussi guetter l'éventuelle réapparition du gros ours mâle aperçu la veille et dont les traces ont longé le bateau cette nuit. En cinquante minutes de marche, nous sommes arrivés sur la grève de Qikiqtarjuaq où s'est formé un chaleureux comité d'accueil qui a crée un petit embouteillage de quads, de pick-up et de piétons ! Nous avons été salué par les enfants, Mme la Maire, Sarah et Leelie qui nous ont invité chez eux pour prendre une douche. Nous avons apparemment gagné quelques galons en devenant les premiers à marcher sur la glace, à la fraiche ! Plusieurs ont observé la progression de nos silhouettes et se téléphonaient pour transmettre la nouvelle. Chacun nous félicite, nous souhaite un bon retour en ville et, comme toujours, plaisante : "Vous êtes toujours vivants ?".
On apprend aussi que les ainés ont parlé de nous à la radio locale, invitant la population à prendre soin de nous, à nous appeler quotidiennement car nous sommes "les voisins d'Aninatalik" (le nom du site d'hivernage, un endroit où se situent beaucoup de leurs souvenirs d'enfance et de chasse).
C'est vrai que chaque jour une personne nous appelait à la VHF, s'assurant que tout allait bien, pour nous renseigner sur l'état de la glace ou pour nous signaler un ours. On réalisera par la suite que beaucoup de monde a suivi nos conversations !
Nous apprécions cet esprit de communauté si fascinant et que les villes ont perdu. Les ainés, personnages très respectés, sont ceux qui insufflent cet esprit de partage et d'entraide. Maintenant que l'hiver est là, on nous promet visites en motoneige et très bientôt des chiens pour nous alerter de la présence d'ours.
On nous a aussi confié un crâne d'ours à nettoyer, nous l'avons immergé sous le bateau pour que les crevettes le débarrassent de sa cervelle. Chaque jour, on doit donc entretenir le trou sous peine que la glace s'épaississe, et vérifier le travail des crevettes ! C'est sur ce crâne que nous pouvons récolter escargots de mer et oursins afin d'apporter un peu de fraicheur à nos assiettes. Gouter à leurs produits ou s'initier à leurs techniques procurent aux Inuits une grande fierté et semble les garants d'une bonne réputation.
Nous sommes maintenant à mi-parcours de notre séjour de gardiennage et à partir d'aujourd'hui, le soleil n'illuminera plus Qikiqtarjuaq. Il va demeurer derrière les montagnes de la Terre de Baffin jusqu'au retour d'Eric, France, Léonie et Aurore.