Sous le soleil de Qik
C'est le printemps, les températures sont positives en journée, les chutes de neige alternent avec de belles éclaircies. Ce matin le beau temps nous appelle dehors, Aurore et moi, pour divers bricolages puis pour un pique-nique. Takuli nous accompagne et tracte la pulkayak. Léonie est à l'école, France est au village, pour les filtrations au labo, puis pour dégraisser une peau de phoque que j'ai trouvée la semaine dernière sur la banquise, laissée par un chasseur.
Hier soir, lors de la remise des prix du tournoi de pêche, Sarah, Charlie, et d'autres de nos amis ont reçu des prix pour les poissons attrapés : le plus lourd, le plus grand, le plus petit, le premier... Le tournoi principal se déroulait sur un lac, à 3h de motoneige, tandis que pour ceux qui ne pouvaient pas se déplacer, une pêche au chabot était organisée devant le village.
Le lac se trouve dans le parc national d'Auyuittuq. Les Inuits sont libres de circuler et pêcher, dans le parc comme ailleurs. Pour les autres, il faut payer pour entrer dans le parc, pour planter la tente, pour pêcher, et il est interdit de conduire une motoneige. L'administration de Parcs Canada a finalement accordé la gratuité pour Aurore et Léonie, et nous a demandé de suivre la séance d'information avec Stanley, le correspondant local : respect de l’environnement, sécurité, techniques pour traverser les rivières (qui ne coulent pas encore en cette saison !)... Vendredi soir, en arrivant à proximité du campement où se rassemblent les familles qui participent au tournoi de pêche, nous décidons de rester à l'extérieur du parc, pour des raisons financières, et plantons la tente à 3km de là, seuls. Nous apprenons le lendemain matin qu'une tente du campement a brûlé dans la nuit. Et qu'un ours visitait les cabanes voisines il y a 3 jours. Pour davantage de sécurité, il serait judicieux un jour de faciliter le rassemblement de tous les participants, à l'occasion de cet évènement majeur dans la vie de la communauté...
Samedi, Léonie explique patiemment à nos amis très étonnés que ses parents ne peuvent pas conduire dans le parc, et se demande "peut-être que moi je peux ?" ! Les pilotes ne manquent pas pour conduire notre motoneige jusqu'au lac. Et c'est Aurore qui, la première, attrape un poisson : "Maman, ça bouge, ça tire...". Il lui faut un peu d'aide pour sortir son premier poisson ! C'est un omble chevalier de 44 cm. Outre deux mini poissons, ce sera la seule prise de la famille, dégustée le soir même, sur le lac gelé. Magnifique journée, beaux moments partagés, décor somptueux, et poissons délicieux.
Mauvais temps et rien de prévu le lendemain, nous décidons de ne pas retourner dans le parc et partons pour Nuilatuq, à 10km au nord du parc. Il neige et la visibilité est nulle, mais le GPS nous permet de trouver les cabanes de nos amis. Nous sommes aussitôt accueillis chez Loassie avec un plat de jeune phoque, un régal. Malgré la neige qui tombe, les filles préfèrent ensuite monter notre tente douillette, alors nous déclinons la cabane proposée par Philip. La vie est paisible sur cette petite presqu’île entourée par la banquise, grands et petits partagent volontiers leurs histoires et leurs repas (caribou, lagopède... quatre-quart breton et sucreries !).
Bien installées sur la peau de boeuf musqué, dans le traîneau, Aurore et Léonie apprécient le voyage. Nous aimons ce sentiment de liberté, pouvoir circuler aussi bien sur terre que sur mer, en autonomie pour plusieurs jours. C'est la saison idéale car il ne fait plus froid mais la neige n'a pas encore fondu.
Mardi, il est temps de reprendre les routines après ces 3 jours de pause exceptionnelle : carottes de glace, profils hydrographiques, prélèvements d'eau, plongée et collecte de bivalves, d'oursins, d'amphipodes et d'algues sous la banquise, filtrations au labo...