De Nuuk à Kulusuk
Deux choses que les navigateurs redoutent dans les hautes latitudes : toucher un haut-fond non cartographié, percuter un iceberg. Choses faites pour Vagabond ! Tout d'abord la coque, au Canada, peu de temps après avoir quitté notre site d'hivernage. Puis le nez, au Groenland, après l'escale à Nuuk. Les responsables : brume épaisse et baisse de vigilance en fin de quart de nuit. Ne pas quitter des yeux le sondeur et le radar... Vagabond est solide et encaisse, rien ne l'arrête, il poursuit sa route avec seulement de belles cabosses.
Attentifs, nous savourons la route entre les îles, protégée de la houle et plus ludique que celle du large. Des balises existent sur la majeure partie de la côte ouest du Groenland, pour les petits bateaux, et nous en croisons beaucoup. Malgré le peu d'escales, nous effleurons le paysage et côtoyons les Groenlandais. Là, un caribou perché sur un rocher, ici, un renard qui cherche sa nourriture sur une plage. Du bon "rase-cailloux". Devant Paamiut, l'épave d'un gros bateau de pêche encourage à la prudence ! D'autant plus que la nuit, la vraie, noire, se manifeste à nouveau, au sud du Groenland (60°N). Les températures et la végétation augmentent.
Le 31 juillet, nous arrivons à Ipiutaq, escale très attendue ! Nous retrouvons nos amis Ina (7 ans), Agathe et Kalista. Cette petite famille franco-groenlandaise élève des moutons et propose des chambres d'hôtes dans un environnement magnifique. La vie de la ferme, l'excellente cuisine franco-groenlandaise d'Agathe, la pêche à l'omble... La journée passe trop vite, nous reviendrons !
Nous évitons le redoutable cap Farvel. Près de 100 km de fjords permettent aux bateaux de passer de la côte ouest à la côte est du Groenland, entre des montagnes de plus de 1500m d'altitude. Nous ne connaissions pas ce passage en 2003 (Tour de l'Arctique), et il était encore bloqué par la glace en 2011 (Brest - Grise Fiord), ainsi étions nous impatients de le découvrir. Le 3 août, nous jetons l'ancre quelques heures, puis filons vers la sortie des fjords dès le retour du jour.
Démesure et contrastes de la côte Est, si sauvage : beaucoup de glaciers et d'icebergs, enneigement important (début août !), cartes 10 fois moins précises et fausses (décalage de l'ordre du kilomètre), fort courant contraire (en provenance directe de l'océan Arctique), nombreux hauts-fonds qui imposent de ralentir, pas de balise, pas de village, personne sur plus de 700 kilomètres de côte... Seule rencontre, un bateau, un trois mâts, qui nous semble d'une autre époque !
Une houle de six mètres s'oppose à notre progression, des escales sont inévitables. Deux fois nous trouvons un abri correct, l'occasion de se dégourdir un peu les jambes en attendant que la météo s'améliore. Aurore et Léonie, amarinées, s'adaptent bien au rythme de la croisière : jouer, écouter de la musique ou des histoires, regarder un dessin animé (si pas trop de houle), lire, manger (souvent !), dormir, admirer le paysage et les animaux. Au final, un long mais beau périple de 17 jours, plus de 1400 milles (2600km) parcourus de Qikiqtarjuaq à Tasiilaq. Pour notre arrivée, la mer est belle (enfin !), la lune est pleine et la nuit moins sombre, juste sous le cercle polaire.
Le 9 août, nous enchaînons trois escales chargées de souvenirs. A Tasiilaq, chez Peroni, nous récupérons un fusil et le matériel des géologues. Douches et boutique aussi. Trois heures plus tard, à Kulusuk, Laurent Geoffroy et son équipe embarquent à bord de Vagabond. A Sermiligaaq, nous jetons l'ancre pour la nuit, et débarquons pour trouver un autre fusil, complet cette fois. Cela fait 13 ans que nous ne sommes pas revenus dans cette région, qui fût notre première destination en 2000 et en 2001, déjà pour les missions géologiques de Laurent Geoffroy.
Suivez ici l'itinéraire de Vagabond.