Plongée du dimanche
C'est dimanche, il fait beau (-35°C), sortie en famille sur la banquise, tout le monde se réjouit ! J'embarque dans le traîneau le matériel de sécurité habituel, le fusil, du carburant... et mon matériel de plongée. France s'installe sur la motoneige avec moi, nos filles Aurore (5 ans) et Léonie (8 ans) préfèrent se caler entre les peaux de boeuf musqué et de mouton dans le traîneau, bien emmitouflées dans leurs habits inuits. Il nous faut une demi-heure, sur une banquise bien enneigée mais peu accidentée, pour aller de Vagabond jusqu'au site de plongée.
Sammy est déjà sous l'eau pour une première plongée. Sa femme Ena est au bord du trou, elle tient la corde de sécurité qui relie Sammy à la surface. S'il tire trois fois, elle l'aidera à remonter au plus vite. A côté du trou, Sammy et Philip, deux des quatre plongeurs du village, ont installé une cabane avec un poêle, qu'ils déplacent à chaque changement de site (le trou est fait avec une tronçonneuse). J'y entre avec mon matériel pour qu'il dégèle, et c'est l'heure du pique-nique. Sammy sort de l'eau avec un filet rempli de clams (mya truncata et serripes groenlandicus). Tandis qu'il vient se réchauffer et boire un café dans la cabane, France m'aide à enfiler tout mon équipement. Les plongées durent en général trente minutes, dans 15 à 20 mètres de profondeur, l'eau est à -2°C. Un plongeur remonte lorsque sa bouteille est presque vide !
Je descends à mon tour, avec une lampe sur la tête, une caméra, un filet pour collecter des clams, des oursins et des algues. Bientôt je prendrai aussi de quoi prélever des sédiments et un instrument pour aspirer les algues qui poussent sous la banquise (très peu en cette saison faute de lumière). J'explore, je filme, je tâche de suivre les protocoles scientifiques, et je collecte des clams pour offrir à quelques amis au village et pour notre propre consommation ! En surface, nos femmes veillent sur nos lignes de vie. Elles sont heureuses de se retrouver; Ena est professeur d'Inuktitut à l'école du village, Aurore et Léonie l'adorent. Des chasseurs s'arrêtent de temps en temps, viennent prendre des nouvelles et des clams, boire un thé. Ainsi la plongée associe le loisir, le travail scientifique, la traditionnelle collecte de nourriture (ici modernisée !), l'échange social. Ces moments partagés en famille avec nos amis inuits sont précieux pour chacun de nous.