Glaciers autour du Jones Sound
La chance est avec nous ! A peine sortis du fjord Fram après un jour d'attente forcé, plus de vent ni de houle, stoppée par la glace toujours abondante. Nous faisons toutes les stations prévues devant le glacier Jakeman amarrés à des plaques de banquise. Une station, c'est une CTD (instrument mesurant la salinité en fonction de la profondeur tout le long de la colonne d'eau) et deux ou 3 prélèvements d'eau à des profondeurs choisies, à l'aide de bouteilles Niskin de 10 litres. S'ensuivent parfois jusqu'à 4 heures de filtrations à l'aide d'une pompe péristaltique et de simples seringues prolongées de filtres, dont voici la liste pour donner une idée des objectifs : des filtrations pour les nutriments, les isotopes d'oxygène, la chlorophylle, les particules de carbone, isotopes de carbone dissolu organiques et inorganiques, le mercure sous 3 formes différentes, les protéines, ADN, ANA, minéralogie, nombres de bactéries et aussi de phytoplancton. Chaque filtre est soigneusement répertorié puis entreposé au frigo, au congélateur ou dans un spécial -80°C.
Après la traversée du Jones Sound, nous reprenons le travail sans interruption de 6h du matin jusqu'à 2h du matin le lendemain, profitant des conditions idéales pour étudier les interactions entre l'océan et le magnifique glacier Belcher.
Plus à l'ouest, après avoir longé l'île Devon, Vagabond tente d'entrer dans la baie du glacier Sverdrup. Mais l'endroit est totalement vierge de sondes et parsemé de hauts fonds. Sans compter la houle peu engageante pour une reconnaissance. Le jour suivant, nous tentons un passage, évitant plusieurs hauts fonds, et quel bonheur de découvrir plusieurs barrières rocheuses bien visibles à marée basse qui procurent alors un vaste abri contre la houle. Nous glissons doucement vers le front du glacier à 10 km de l'entrée et la paix s'installe. Finalement nous pouvons une fois de plus travailler au calme tandis qu'à peine plus au nord la houle et le vent s'installent plus fort... Nous y travaillerons 4 jours en jetant l'ancre chaque soir tout proche du glacier. Entre deux stations on ne se rend même plus compte si l'on est simplement à la dérive ou au mouillage ! Léonie fait sa part du travail scientifique de filtrations, et permet ainsi de réduire notablement le temps de chaque station !
Sur le canal 26 de la radio nous écoutons nos amis de Grise Fiord, au nord du Jones Sound, qui échangent en naviguant à la recherche de phoques et de narvals. C'est émouvant de reconnaître chacun par sa voix, de comprendre les conditions de mer qui sont les leurs plus au nord. Nous nous sentons moins isolés.