Aigles, baleines, pécheurs, par Marc Givry
16 juillet 2023, Narsarsuaq,
Je ne vous le cacherai pas, nous sommes au Groenland.
Nonchalamment mouillé au fin fond d'un fjord. Sous la ligne de flottaison, des morues, beaucoup de morues. Au dessus de nos têtes, des aigles, pas mal d'aigles.
On dit aigle mais pour faire sérieux il faudrait dire « Pygargue à queue blanche » (ou Haliaeetus albicilla pour faire savant). Toutefois comme les anglais disent « White-tailed Eagle », pour faire simple on dira juste aigles pour parler de ces volatiles à queue blanche. Effectivement, les queues sont bien blanches alors que le reste du plumage de nos aigles est brun sombre tacheté, du moins pour les plus grands. Les plus petits ont un plumage brun tacheté sur le dessus et brun crème rayé sur le dessous avec une queue blanchâtre. Les traités scientifiques nous expliquent que les grands sombres sont des adultes et les plus clairs des jeunes, mais au lieu de « jeunes » les traités disent « les immatures ». Comme je pense que notre belle jeunesse si mûre de nos jours n'aimerait pas se faire traiter d'immature j'éviterai d'employer dorénavant ce mot.
Mais matures ou pas, si nous sommes ici, c'est qu'on nous a filé l'info : il faut être là, au fond du fjord à la fin de la marée montante, bonne pèche garantie, aigles en prime. Pour la pèche, ça va, on a déjà sorti quelques belles morues lorsqu'un pécheur avec qui nous avons discuté nous en offre une deux fois plus grosse que les nôtres. Fair play (ou tentés par une boulimie morutière) nous acceptons le présent et dorénavant notre consommation à venir de protéines iodées est assurée.
L'info sur les morues et les aigles était bonne mais il manquait encore un ingrédient au spectacle du jour : les deux baleines à bosse qui vont venir faire leur numéro, soufflant leur jet puissant, respirant deux ou trois fois, puis plongeant pour sonder en mettant leur queue à la verticale.
Au fait, j'y pense, je ne vous ai pas dit qui nous avait donné cette info d'être au fond du fjord entre aigles et morues à la fin du montant. C'est un « bon gars » comme on dit chez nous en Savoie. Et ça, je peux me le permettre car Jacky est un Savoyard d'origine, mieux un Mauriennais et encore mieux un Modanais, un habitant de Modane ! Électricien de formation, il est depuis belle lurette au Groenland, d'abord au nord vers l’île de Disko puis ici autour de Narsaq où il a créé et développé une belle entreprise de transport et de logistique nommée Blue Ice. Bien qu'ayant passé la main et vendu sa boite, il continue avec Birgitte, sa compagne danoise, à bourlinguer activement dans ces parages. Alors, merci Jacky, merci Birgitte, la Savoie vous est bien reconnaissante !
Mais cessons cette nostalgie des alpages.
Je ne vous le cacherai pas, nous sommes bien au Groenland.