Mission coralline
Eric et moi remontons jusqu’à Nuuk afin de retrouver Jochen, pour qui nous collectons depuis 2015 de la coralline, cette fameuse algue calcaire marqueur paléoclimatologique. Cette fois, son équipe est familiale : Martina sa compagne, Citlali et Krista ses deux filles. Christian notre ami photographe et Jean, autre ami plongeur, viennent compléter notre équipage. L’idée est avant tout de récupérer des instruments de mesure posés en 2019 sur de bons sites de coralline pour un an. C'était avant le Covid... Que sont devenus ces instruments ?
Le site le plus proche de Nuuk ne s’avère pas des plus simples : il faudra 3 plongées pour parvenir à nos fins ! A la première, le courant est trop violent pour les plongeurs et la bouée censée servir de repère coule, emportée à l’horizontale. A la deuxième plongée synchronisée avec l’étale de courant le soir même, la visibilité devient rapidement insuffisante pour les plongeurs et la sécurité depuis la surface s’en trouve hasardeuse. Le lendemain matin enfin, à l’étale de basse mer, nos plongeurs trouvent sans peine l'instrument qui a enregistré la température et la luminosité pendant 4 ans (3 ans de bonus) ! Avec les échantillons de coralline collectés près du capteur, des corrélations précises vont pouvoir être réalisées à l'université de Toronto.
Quatre jours de navigation plus tard vers le nord, sur le deuxième site. Photographe, femme et filles sont à terre, Jochen suit les opérations à la jumelle depuis Vagabond, les deux plongeurs sont sous l’eau et le vent monte, fort. Depuis l’annexe, tout en veillant sur les plongeurs difficiles à repérer dans le clapot, inquiète, je surveille Vagabond tirant sur son ancre en direction des cailloux tout proches… Les plongeurs remontent, le précieux capteur est retrouvé ! Nous repartons rapidement puisque le vent nous pousse, toujours au nord.
De navigation de nuit entre les cailloux de la route intérieure en passages houleux à l’extérieur, nous avançons rapidement jusqu’à Sisimiut où nous stoppons quelques heures afin de laisser passer grosse houle et coup de vent. C’est l’occasion pour Christian de se recueillir pour la première fois sur la tombe de Kampé, son défunt grand ami groenlandais. Julien, un ami français qui a vécu longtemps ici nous retrouve au port : il est aujourd’hui guide sur un paquebot de passage que nous visiterons, en plus d'une bonne douche offerte.
Après quelques pêches aux moules et à la morue entre les îlots semés sur la route ainsi que les derniers prélèvements d’eau effectués, nous finissons par apercevoir une fine ligne blanche auréolée de clarté : c’est le bouclier d’Ilulissat qui grossit, grossit pour devenir cette muraille d’énormes icebergs à touche touche que nous laissons défiler sous nos yeux. Le spectacle est toujours somptueux. Le carnet de croquis de Citlali, étudiante en art, s’en enrichit encore et ne cesse de nous ravir. Au delà de tout espoir, les 5 instruments de 2019 ont été retrouvés, mission 100% réussie !