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Transarctique

  • Itineraire trois poles Transarctique Charcot
  • Team science pole nord magnetique©Antoine Le Guen
  • 140750 Mesures temperature carotte banquise©EB
  • 143033 Immersion pompe Takuvik©EB

Une vingtaine de scientifiques ont embarqué à bord du brise-glace Le Commandant Charcot du 6 au 26 septembre 2024 pour une traversée de l'océan Arctique, de Nome (Alaska) à Longyerbyen (Svalbard) en passant par le pôle Nord. Ils ont répondu à l'appel à projet de ARICE (navires et plates-formes d'opportunités) en coopération avec la compagnie PONANT. Nous étions quatre coordinateurs scientifiques pour accompagner ces chercheurs.

Les possibilités d'atteindre cette région centrale de l'Arctique sont très rares mais la contribution des bateaux de croisières à la recherche polaire suscitent hésitations et débats (lire l'avis du CNRS : Les campagnes d’opportunité : des partenariats éthiques pour la recherche scientifique ?).

Les travaux scientifiques effectués pendant la Transarctique se sont concentrés sur : - les propriétés thermohalines et biogéochimiques de l'océan Arctique - les glaces de mer - les écosystèmes marins (pélagiques, glace de mer et bioaérosols) - le cycle du carbone - la plastisphère - les performances et la réponse structurelle du navire - l'étude ethnographique des expéditions scientifiques polaires

L'équipe internationale de chercheurs aux expertises complémentaires : Maurizio Azzaro, Elena Adasheva-Klein, Leticia Barbero, Indiana Bruzac, Nicolas Cassar, Federico Citterich, Fuat Dursun, Francesco Filiciotto, Caroline Guilmette, Christian Haas, Ricarda Kluge, Jan Kubiczek, Alireza Merikhi, David Pearce, Alessandro Ciro Rappazzo, Elisabeth Rosselli, Franz von Bock und Polach, Shiye Zhao, Lixin Zhu.

Voir l'album photo.


Géologie dans Gardar, opus II

  • Derniere station sismique installee programme Protero-Litho2©EB
  • 1616 Installation premiere station sismique proche de la calotte glaciaire©EB
  • 1245 Vagabond mouillage fjord Qaleradlit©EB
  • 1116 Installation station sismique ile Qeqertaq fjord Kangerdluarssuk©EB
  • 1000 Changement equipage Vagabond a Narsarsuaq©EB
  • 1700 Sismometres pour projet Protero-Litho2©EB

Léonie, Aurore et moi retrouvons Eric, son équipage et Vagabond à Narsarsuaq après avoir déménagé de Saint Pierre et Miquelon. C'est en descendant du Pilatus PC-12 de notre ami Hubert que nous foulons le tarmak groenlandais et après une joyeuse soirée et nuit sur Vagabond, ses super pilotes Georges et Sophie repartent avec nos quatre saint-pierrais ravis pour un joli vol retour ! Notre équipage familial est fin prêt pour accueillir les géologues.

Cette année diffère beaucoup de l'été 2023, même si Laurent Geoffroy en est toujours le chef d'orchestre. C'est par cargo au printemps que sont arrivés les instruments à mettre en place sur le terrain bien étudié l'an passé. Les instruments ? Des stations munies de sismomètres, afin de déceler les mouvements internes de la terre, à installer pour une année sur des sites savamment étudiés, constituant un système de deux transects sur une centaine de kilomètres.

Nous sommes dans la phase 2 de l'enquête entamée l'été dernier sur la formation étonnante de cette région au sud du Groenland !

Le cargo ayant déposé le conteneur IPEV avec l'ensemble du matériel à Narsaq, c'est là que nous convergeons après chaque installation. Vagabond s'alourdit à chaque rotation de 3 stations : blocs de bétons et batteries nous font les bras à chaque embarquement et débarquement du matériel ! Il y en a 15 en tout. Laurent est accompagné de Christian Schiffer, géophysicien spécialiste des sismomètres. Il est allemand et danois, et vit en Suède. A nous 6 règne une ambiance sympathique et active à bord de Vagabond !

Au bout de trois semaines, les 15 stations sont installées et Christian nous quitte. C'est le moment pour nous d'accueillir à bord Marie et Charlie, fine équipe féminine et artistique venue s'imprégner des lieux et des ressentis de nos filles afin de nourrir le scénario de leur projet de film d'animation : l'histoire d'une petite fille embarquée sur un bateau scientifique avec son père capitaine, dans l'Arctique...!

Laurent, toujours en quête d'indices géologiques, nous emmène alors dans la baie paradisiaque de Tasiussaq, atteinte après une lente progression dans la brume lumineuse d'un fjord encombré d'icebergs. Après avoir visité une ferme isolée, les filles vont nager dans un lac de faible altitude tandis que Laurent et Eric font le tour géologique de la vaste baie.

Quelques jours avant notre départ en avion, laissant Vagabond sagement amarré au port de Narsaq sous la surveillance de nos amis Paul et Monika, un léger tremblement de terre, chose rare dans la région, vient nous secouer... moins de 8 jours après la pose de l'ensemble des instruments. Le bonheur !

A propos du projet Protéro-Litho2.


Plongées au Labrador

  • Eric et Vincent plongeurs@Rachel Robert
  • Marilyne et Natasha pretes a plonger aidees par Hoel@Eric Brossier
  • Minoli et Natasha tri coralline@Eric Brossier
  • Rencontre avec famille de Hopedale@Eric Brossier

26 juin : famille, amis et musique sur le quai Eric Tabarly... Beaucoup d'émotions en quittant l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon après 3 années riches en rencontres et découvertes. Pour adoucir ce grand départ, je suis accompagné de 4 amis de l'archipel : Maryline Lecourtois, Rachel Robert, Hoel Chaigne et Vincent Rinaldo. Reportage, par SPM la 1ère.

Malgré des conditions délicates (météo, éloignement...), Vagabond a été bichonné ces derniers mois. La mer est agitée dès la sortie du port mais nous partons sereins. Amarinage difficile pour certains !

Escale logistique à Saint-Jean de Terre Neuve, où nous embarquons les paléoclimatologues Minoli Dias, responsable du programme scientifique, et Natasha Leclerc, assistante et plongeuse. Elles sont déjà venues à bord de Vagabond pour de la collecte de coralline au Groenland ou au Nunavut, et c'est un plaisir de se retrouver pour cette nouvelle mission après de longs préparatifs (financement, logistique, permis et autorisations...).

3 juillet, 21h : Vagabond accoste pour la nuit au village de Hopedale au Labrador. Dernières mises au point et rencontre avec nos interlocuteurs de la communauté avant de rejoindre, le lendemain matin, le site de plongée à 20km à l'est du village.

Depuis 10 ans, Vagabond et son équipage contribuent à la collecte de coralline pour Jochen Halfar, de l'université de Toronto, et pour ses collègues. Il s'agit généralement de prospecter en étudiant les cartes et images satellites dans un premier temps, puis à l'aide d'une caméra opérée depuis l'annexe de Vagabond. Lorsque ces recherches sont fructueuses je plonge sur le site avec marteau, burin et filet, le plus souvent avec un coéquipier, pour tenter de prélever des échantillons de coralline les plus sains et les plus épais possible.

Cette année nous sommes 4 plongeurs et le site est déjà connu pour des échantillons records. Pendant une semaine, Vagabond reste au mouillage et les plongées s'enchaînent. L'eau est froide, la visibilité parfois assez faible, mais l'équipe est soudée et la collecte dépasse toutes nos ambitions : plus d'une demi tonne de coralline est remontée sur le pont ! Un tri important est alors nécessaire, Minoli conserve tout de même 304 kg d'échantillons, qui seront acheminés jusqu'à son laboratoire à Toronto.

Minoli et Natasha nous quittent à Hopedale le 9 juillet, lourdement chargées mais très satisfaites, tandis que mes équipiers saint-pierrais poursuivent avec moi pour 4 jours de traversée jusqu'au Groenland. Les glaces barrent l'entrée des fjords, il nous faut les contourner par le nord et batailler dans le pack pour parvenir à se faufiler jusqu'à l'entrée du fjord Ikersuaq. Nous atteignons Narsaq le 14 juillet !

Article à propos des travaux de Minoli Dias.


Ski pulka à Terre Neuve, de l'herbe sous les skis !

  • 143908 Pause snack©EB
  • 133618 Traverser lac a ski pres de Buchans Terre Neuve©EB
  • 153230 Terrain complique car rivieres ouvertes©FPDS
  • 105746 Campement du 2 mars©FPDS

12 jours d'échappée belle, dont 8 en mode nomade, avec l'autonomie tranquille rangée dans nos pulkas tirées à skis.

Buchans, petit point en bout de route sur la carte de Terre Neuve, conserve en théorie son climat continental, froid et enneigé en hiver. Il sera notre point de départ, comme l'an passé. Cependant, au 1er jour de notre périple est annoncé un affreux redoux et de la pluie. En réalité, des trombes. Le grand lac convoité est une piscine recouverte d'eau; sur de la glace toujours solide, certes, mais vive... et avec le fort vent, équilibre et trajectoires y sont plutôt hasardeux. Nous optons donc pour un itinéraire moins ouvert qui musarde à travers rivières, collines et petits lacs. Mais rapidement, nous comprenons que les rivières en cru ont cassé les belles pistes de glace sur lesquelles nous pensions glisser à maintes reprises. Ce changement important occasionne un grand nombre de traversées dans des sous bois encombrés où louvoyer entre les troncs en traînant une pulka n'est pas de tout repos. Dépaysement garanti et variété de terrain également, nous nous en réjouissons chaque soir ! Les changements de météo également sont fréquents : la traversée d'un petit lac gelé peut commencer sous le soleil pour se terminer sous des bourrasques enneigées qui font dégringoler soudainement les degrés.

L'outil de notre liberté et de notre sécurité, Eric le détient dans sa poche : sous forme d'applications téléchargées auparavant contenant morphologie comme constitution du terrain, ainsi que des tracés plus ou moins anciens de pistes. Ainsi nous pouvons évaluer les possibilités d'atteindre un point ou un autre, de traverser un bois ou de rejoindre une piste... et de trouver un coin abrité du vent pour le bivouac du soir.

Au passage, la nature nous offre ses surprises : un lemming qui passe entre nos skis, des repères d'orignaux dans les sous bois, un écureuil trop gourmand pour être craintif, des sculptures de glace dues aux crues des rivières, les couleurs magistrales de soleil couchant, et l'étrange sensation de glisser (parfois de frotter) sur les herbes de marais encore un peu gelés...

Vive l'aventure, quelle qu'en soit son visage !

Voir l'album.


Retour vers Saint-Pierre et Miquelon

  • 1230 Vagabond a Nuuk©EB
  • 0942 Vagabond traverse la mer du Labrodor©France Pinczon du Sel
  • 1900 Vagabond St Johns
  • 1159 Rencontres pendant escale a Saint-Jean de Terre-Neuve©EB

Arrivés à Nuuk à 18h avec les photographes le 6 septembre, Eric et moi repartons vers Saint-Pierre dès 15h le lendemain : on ne laisse pas passer un créneau favorable pour gagner du sud.

Il porte, le vent, et avec vigueur : dès la sortie des îles, la houle formée balance notre coque sans ménagements. Pointes à 8 nœuds, mais les estomacs ne sont pas à la fête et le repos difficile. En deux jours nous prenons une belle avance. Le troisième, repas et repos, nous revivons. Eric et moi nous relayons tranquillement pendant 48h de calme égaillées par la visite de nombreux dauphins et par des voûtes célestes scintillantes, où filent autant d’étoiles que de satellites.

Les côtes de Terre-Neuve se dessinent enfin au loin, puis le vent revient, mais de face. Le cyclone Lee est annoncé, notre créneau météo s'en trouve serré. Nous forçons les moteurs en espérant passer, mais le résultat n’est pas brillant : les impuretés du gasoil bien brassé encrassent les filtres et font caler à répétition les moteurs. Vers minuit par vent et houle de face, dans une brume poisseuse, l’entrée du port de Saint-Jean nous fait de l’œil. Elle est déjà presque derrière nous lorsque nous décidons d’opter pour repos et sécurité, alors notre sillage marque un tournant à plus de 90° qui nous offre l’abri.

L’escale tombe en fin de semaine, nous avons donc la chance de pouvoir effectuer un véritable pèlerinage dans les bars à cessions irlandaises où nous avons joué avec les Celtic Cods l’automne dernier !

Après un dernière étape de 36 heures nous retrouvons enfin Léonie et Aurore sur le quai de Saint Pierre !


Séjour photo

  • 0940 Baleine Ilulissat©EB
  • 1518 Retour a bord de Vagabond en annexe©Marc Querol
  • 1657 Stage photo avec Christian Morel©EB
  • 0941 Amarres a terre Uiffaap Qeqertanngui©EB

Dans le port encombré d’Ilulissat Vagabond trouve asile à couple de la Louise et c’est toujours un plaisir de retrouver son capitaine, Thierry Dubois.

En quelques heures, nous passons de la science à la photo : trois grenoblois, Ludivine, Marc et Christian rejoignent notre Christian Morel, animateur de ce séjour photo, et de Saint-Pierre nous arrivent Jessica accompagnée d’Amaury, son fiston de 8 ans aussi vif que perspicace et attentif !

Bien sûr le site de départ met la barre haute : les baleines ne manquent pas d’ajouter à la magie de l’imposant front de glaces. Cependant l’idée étant de redescendre vers Nuuk, il faut bien quitter ce décor pour retrouver les îlots et villages éparpillés le long de la côte.

La météo n’est pas idyllique. Il faudra ajuster vitesse et escales en fonction des coups de vents, savoir apprécier les nuances de gris et capter les instants lumineux. La nuit nous offre tout de même une magnifique pleine lune dite bleue (en fait rouge) et quelques aurores boréales. Les navigations de nuit, indispensables pour parcourir la distance dans le temps imparti, se font par quarts de deux, ce qui permet de bons moments de partage et offrent aux photographes l’occasion de découvrir cette ambiance particulière.

Une escale nature à l’abri de la houle, dans une mini passe, puis une escale entre trois îlots dont celui du village d’Itilleq, toujours pour s’abriter du vent de face… L’ancre de Vagabond y a la courtoisie de ne déraper qu’une fois tout le monde rentré à bord, après visite du village et pêche aux moules. Sur l’épaisseur d’algues qui semblent tapisser les fonds, re mouiller correctement n’est pas simple. Un jeune pêcheur groenlandais tente de nous aider, puis nous offre un char de sa pêche (omble arctique). Le lendemain il nous en offre sept de plus et nous raconte ses chasses au caribou ! Eric s’est d’ailleurs vu offrir café puis caribou frais la veille. Les souvenirs refont surface chez certains habitants qui se souviennent de Vagabond en escale chez eux, 9 ans auparavant, avec Léonie et Aurore toutes jeunes !

Toujours courant entre deux coups de vent, cherchant de nouveaux abris sur notre route, nous finissons par entrer dans un mini fjord très haut et étroit : ici, avec un amarre à terre de chaque coté en plus de l’ancre, nous étalons tranquillement les 40 nœuds de vent (50 au dehors) et la pluie battante.

Afin de parvenir à Nuuk avant les avions de nos amis, il nous faut repartir pour une nuit de quart… plus hasardeuse que jamais : ne pas s’écarter de la ligne de sonde qui passe entre une multitude de cailloux, dans la houle, le vent et la nuit. Mais surtout, il y a ce passage vraiment serré plus au sud. Nous y parvenons de nuit, la grand voile toujours plaquée au mat par vent arrière. La houle est canalisée par les îlots mais le courant est fort et la marée haute. Malgré notre vigilance, deux personnes dehors avec des torches afin de mieux voir, Vagabond heurte l’entrée du passage. Rien de grave, il y a toujours ce tapis d’algues. Mais l’étrave est déviée et nous manquons de grimper sur la cote rocheuse. - Marche arrière toute ! Puis - marche avant ! - mais un autre rocher surgit dans le phare ! Finalement, c’est en travers et la poupe en premier, portés par vent et courant, que nous traversons la passe. Adrénaline garantie.

Comme pour nous réconforter, le plus beau matin du monde s’ensuit dans ce que l’on nomme les Alpes de Maniitsoq. Photos à gogo, lumières plein les yeux et repos au fil des canaux intérieurs précèdent notre arrivée à la capitale.

Resteront les photos et les souvenirs imprimés dans nos mémoires.


Mission coralline

  • 0720 Christian Jochen et Jean observent echantillons coralline©EB
  • 1731 Jochen et Eric plongeurs Akunap Nuna collecte coralline©Jean Perrin
  • 0753 Eric et Jean apres une belle plongee©France Pinczon du Sel
  • 1408 Prelevements eau de mer baie de Disko©EB

Eric et moi remontons jusqu’à Nuuk afin de retrouver Jochen, pour qui nous collectons depuis 2015 de la coralline, cette fameuse algue calcaire marqueur paléoclimatologique. Cette fois, son équipe est familiale : Martina sa compagne, Citlali et Krista ses deux filles. Christian notre ami photographe et Jean, autre ami plongeur, viennent compléter notre équipage. L’idée est avant tout de récupérer des instruments de mesure posés en 2019 sur de bons sites de coralline pour un an. C'était avant le Covid... Que sont devenus ces instruments ?

Le site le plus proche de Nuuk ne s’avère pas des plus simples : il faudra 3 plongées pour parvenir à nos fins ! A la première, le courant est trop violent pour les plongeurs et la bouée censée servir de repère coule, emportée à l’horizontale. A la deuxième plongée synchronisée avec l’étale de courant le soir même, la visibilité devient rapidement insuffisante pour les plongeurs et la sécurité depuis la surface s’en trouve hasardeuse. Le lendemain matin enfin, à l’étale de basse mer, nos plongeurs trouvent sans peine l'instrument qui a enregistré la température et la luminosité pendant 4 ans (3 ans de bonus) ! Avec les échantillons de coralline collectés près du capteur, des corrélations précises vont pouvoir être réalisées à l'université de Toronto.

Quatre jours de navigation plus tard vers le nord, sur le deuxième site. Photographe, femme et filles sont à terre, Jochen suit les opérations à la jumelle depuis Vagabond, les deux plongeurs sont sous l’eau et le vent monte, fort. Depuis l’annexe, tout en veillant sur les plongeurs difficiles à repérer dans le clapot, inquiète, je surveille Vagabond tirant sur son ancre en direction des cailloux tout proches… Les plongeurs remontent, le précieux capteur est retrouvé ! Nous repartons rapidement puisque le vent nous pousse, toujours au nord.

De navigation de nuit entre les cailloux de la route intérieure en passages houleux à l’extérieur, nous avançons rapidement jusqu’à Sisimiut où nous stoppons quelques heures afin de laisser passer grosse houle et coup de vent. C’est l’occasion pour Christian de se recueillir pour la première fois sur la tombe de Kampé, son défunt grand ami groenlandais. Julien, un ami français qui a vécu longtemps ici nous retrouve au port : il est aujourd’hui guide sur un paquebot de passage que nous visiterons, en plus d'une bonne douche offerte.

Après quelques pêches aux moules et à la morue entre les îlots semés sur la route ainsi que les derniers prélèvements d’eau effectués, nous finissons par apercevoir une fine ligne blanche auréolée de clarté : c’est le bouclier d’Ilulissat qui grossit, grossit pour devenir cette muraille d’énormes icebergs à touche touche que nous laissons défiler sous nos yeux. Le spectacle est toujours somptueux. Le carnet de croquis de Citlali, étudiante en art, s’en enrichit encore et ne cesse de nous ravir. Au delà de tout espoir, les 5 instruments de 2019 ont été retrouvés, mission 100% réussie !


Gardar épilogue

  • 0830 Longue reparation de la trinquette©EB
  • 1802 Tarte aux camarines et aux myrtilles©EB
  • 0835 Lecture qui interpelle©EB
  • 2059 Renne ile Tuttutooq©EB

Pour refermer notre belle page sudiste au cœur de Gardar, je vous livre ici tous ces petits riens qui sèment souvenirs et odeurs, qui animent l’ambiance du bord.

Vagabond sillonne une nature prodigue : outre les carpaccios de morue lorsque le poisson emplit déjà le congélateur, combien de fois avons nous plongé les bras dans les algues pour remonter des ventrées de moules. Au menu encore, tartes ou coulis de myrtilles et camarines, agrémentés de quelques graines de genévrier; de quoi ravir nos papilles.

Mais c’est l’esprit qui est comblé, au fil de petits déjeuners philosophiques informels lancés le plus souvent par Laurent; et quelle chance, parce que c’est lui le chef et il ne s’assombrit pas d’un léger retard sur le terrain. Fous rires face à la couverture du livre de Jordan, notre géologue anglais : « Entouré d'idiots ». Qui, nous ? Ou comment alimenter les fameux petit déjeuners : pourquoi, si souvent, nous ne nous comprenons pas ? Question de fonctionnements...

Au mouillage à Tuktutok (tuktu : caribou en inuktitut), un caribou surmonté de bois surdimensionnés, chef de la petite bande qui le suit, se découpe sur le ciel d’un soir, puis de tant de soirs. En effet, l’île se révèle héberger un élevage. On y trouve des enclos en entonnoirs jusqu’au bord de l’eau, puis les tas très blancs de bois enchevêtrés là où les bêtes ont fini le voyage.

Marc n’a pas évoqué les heures passées à recoudre la trinquette, muni comme il l’était de toute sa panoplie de voilerie. Ni du Foehn, ce vent fort et chaud venant de l’Est qui nous a poussé à bonne vitesse sur 20 milles jusqu’à la sortie d’un fjord.


Gardar

  • 0746 Laurent explique mission geologique a Jacky©EB
  • 1353 Laurent explore environs de Sidlisit©EB
  • 1319 Jordan echantillonne©EB
  • 0946 Observations de dykes pres de Sidlisit©EB

Gardar, la province magmatique qui fait rêver les tectoniciens et les magmatologues se trouve au SW du Groenland, dans l’ancien territoire des Viking.

On peut passer dans cette région sans rien remarquer, mis à part une végétation luxuriante (pour le Groenland) et un réseau de fermes très actives (avec élevage de moutons, notamment).

Mais la province de Gardar est un trésor. Ici, il y a un peu plus d’un milliard d’années, et pendant des dizaines de millions d’années, le continent du futur Groenland subit des forces en traction qui entraînent la fusion du manteau terrestre(1).

Dans le cas du Gardar, le magma est injecté dans des fissures verticales (ou dykes) dont la largeur est hors-norme au niveau mondial, depuis le début de l’histoire de la Terre (jusqu’à 1000m alors qu’ils sont en général larges de quelques mètres).

Et ce n’est pas tout : la composition minéralogique et chimique des roches magmatiques produite est étonnante, pour les spécialistes du sujet(2). Ces magmas viennent-il réellement de la fusion du manteau sous-lithosphérique, comme c’est le cas dans les zones en extension plus récentes ou de la fusion (partielle) de la lithosphère elle-même ?

Outre les dykes géants, des volcans ponctuaient cette région, dont on ne voit aujourd’hui, après érosion, que les grands réservoirs magmatiques. Certains géologues ont comparé le Gardar au grand rift Est-Africain, où l’extension est marquée par un effondrement par failles accompagné de l’injection de filons (de faible épaisseur) et qui est également ponctué de grands volcans. Nous ne le pensons pas; ce rift, si on peut l’appeler ainsi, est unique dans sa structure et ses éléments.

Les continents au Protérozoïque moyen (l’âge du Gardar) avaient-il les mêmes propriétés mécaniques que les continents actuels ? Si la réponse à cette question est négative, qu’est-ce que cela peut nous apprendre sur la vitesse du refroidissement permanent de la Terre depuis sa formation ?

Telles sont certaines des questions auxquelles le programme Protero-Litho2 (2023-2025), soutenu par l’IPEV (Institut Polaire Français) se propose de répondre, avec l’aide logistique et la chaleur humaine du Vagabond, le vecteur préféré au Groenland du porteur du programme scientifique.

(1) enveloppe de roches situées sous la croûte et dont la partie la moins profonde constitue, avec la croûte, la lithosphère, matériau des plaques tectonique.

(2) leurs teneurs en éléments chimiques dits « incompatibles » est très forte, constituant un potentiel économique très fort, aux conséquences environnementales difficilement évaluables.