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Soleil de minuit

A partir de ce soir, le soleil ne se couche plus, et ce jusqu'au 21 août. Le jour permanent perturbe un peu le rythme de vie, mais désormais, nous ne risquons plus d'être surpris par la nuit (!), et il est plus facile de veiller sur les alentours. Ainsi nous avons pu voir arriver un ours hier soir, avec un collier, peut-être le même que dimanche dernier. Nous l'avons fait fuir lorsqu'il fût jugé trop proche de nous. Peu après, un ours plus gros a surgit à son tour ; le pistolet d'alarme a suffit pour le dissuader lui aussi. Ce deuxième ours suivait le premier, d'un pas déterminé, spectacle étonnant apprécié par chacun de nous jusqu'au milieu de la " nuit ". Ce matin, alors que l'équipe dormait encore, un ours qui venait droit vers Vagabond a pourtant changé de direction en me voyant sortir sans bruit, sans que les chiens aboient...


Tente

Juste avant l'arrivée de la nouvelle équipe, dimanche après-midi, nous avons pu longuement observer un ours à côté de Vagabond : il a commencé par détruire la tente, laissée par les derniers scientifiques pour entreposer du matériel, puis s'est soudain dirigé vers nous. 2 pétards et 2 fusées furent nécessaires pour le dissuader, sans pour autant le faire fuir. L'ours portait un collier et doit être suivi par satellite par des biologistes ; il est finalement parti, beaucoup plus sereinement que celui de vendredi. Nos amis hollandais Marina et Mark, qui vivent à Longyearbyen depuis une dizaine d'années, et qui ont hiverné à bord de leur voilier Jonathan au nord-ouest du Spitsberg il y a 2 ans, sont restés avec nous jusqu'à ce matin. Nous sommes désormais 5 pour le restant de la semaine, avec Florent, glaciologue, son guide Stefano, et Anne, artiste, venue s'inspirer du retour de la lumière au Spitsberg depuis la fin de la nuit polaire. Les températures remontent doucement, le soleil chauffe et la neige devient lourde.


Visites

Temps superbe depuis 4 jours, jour permanent, températures agréables et bonne neige légère, nous arpentons les environs, à ski ou en motoneige, avec ou sans les chiens, avec ou sans les instruments scientifiques, vers les sommets et les glaciers, ou vers notre banquise préférée du Storfjord ; nous savourons le printemps. Nous ne sommes pas les seuls d'ailleurs, comme en témoignent nos chiens, qui passent des heures allongés au soleil, ou ces fréquentes traces de renard, animal si discret, ou bien ces rennes qui traversent régulièrement la moraine voisine, ou encore ces 9 skieurs qui passèrent par là hier matin (groupe Grand Nord Grand Large)... sans oublier cet ours, le plus curieux de tous jusqu'à présent, qui s'est approché de Vagabond sans affoler les chiens, qui n'ont pas aboyé, et qui a fini par nous réveiller (8h20 vendredi, heure très raisonnable), en grimpant sur l'avant du bateau ! Le klaxon ne l'a pas perturbé, mais en frappant sur le double vitrage, alors qu'il avait la tête contre la vitre, je l'ai fait sursauter et il est rapidement descendu pour se diriger vers l'arrière. Très curieux mais pas agressif du tout, il a pu s'approcher à nouveau des chiens à moins de deux mètres, sans les inquiéter. France a tout de même lancé un gros pétard pour le faire fuir. Il a déguerpit aussitôt, superbement agile dans la neige profonde, silhouette en contre-jour sur la moraine. Dans quelques instants, la nouvelle équipe qui arrive pourra admirer les belles empreintes qu'il nous a laissé le long de la coque.


Beaucoup de neige

Après 3 jours de mauvais temps, températures proches de zéro et grosses chutes de neige, il était de nouveau possible de sortir aujourd'hui pour les relevés hydrographiques habituels. Par contre, l'épaisseur de neige fraîche est telle que la motoneige peine déjà avec une personne dessus, et il faut aussi remorquer le traîneau avec l'équipement nécessaire aux mesures. Je suis donc parti seul avec tout le matériel, sans oublier une paire de raquettes pour pouvoir revenir au bateau en cas de panne de la motoneige ! J'ai tout de même réussi à planter l'engin 3 fois, suées garanties pour repartir. Les résultats sont à la hauteur puisqu'on observe des " brines " à partir de 15 m de profondeur, et jusqu'au fond (90 m environ, aux 2 sites visités) ! Pour en savoir plus sur ce qui se passe sous la banquise au cœur du Storfjord, inaccessible en motoneige à cause des chaos de glace, un vol en hélico est prévu dans 15 jours, lorsque les océanographes responsables du programme seront là. Pour le moment, il neige à nouveau !


Science...

Retour du beau temps hier, ainsi nous avons pu replonger la bathysonde aux sites convenus (à 12 et 7 km du bateau), à la pêche aux "brines" (nombreux!), et parcourir la banquise avec le glaciomètre. Ce dernier nous a également permis de mesurer l'épaisseur de la glace (environ 70 cm) sur l'ensemble du site ayant accueilli les sismomètres la semaine dernière. Aujourd'hui, analyse complète de la couche de neige, au site habituel à 1 km de Vagabond, non loin du superbe front du glacier. Pendant ce temps, France a achevé d'installer nos panneaux solaires qui, lorsque le soleil se montre, donnent maintenant plus d'énergie que l'éolienne, même avec un vent violent ! Jolie balade avec les chiens ensuite, avant de s'attaquer à quelques travaux forcés pour récupérer sous la neige, niche, raquettes, skis, bâtons, pris dans la glace depuis déjà quelques temps. Bientôt viendra le tour de l'annexe...


2 petites semaines

Nous voilà seuls, France et moi, depuis hier matin, jusqu'au 17 avril. Le réseau sismique a quitté la banquise sans autre mésaventure, et selon Jean-Philippe, la banquise se déforme bien, elle craque, elle résonne, elle a donné une belle série de données, des signaux sismiques inattendus, et c'est ce qui est passionnant. Vent fort et basse température (35 noeuds et -28°C, température équivalente -64°C !), pas de sortie aujourd'hui, sauf pour nourrir et faire courir un peu les chiens. Vie tranquille à bord, bien au chaud, avec vue imprenable sur la tourmente. Cette nuit, le soleil est à moins de 6° sous l'horizon, définition du crépuscule ; finis les aurores boréales, les clairs de lune...


Ours sismologues

Jeudi soir, alors que la tempête se calmait, nous avons aperçu un ours sur le site d'étude de la déformation de la banquise... Une antenne GPS arrachée de son support, un batterie retournée. Aujourd'hui, les 2 scientifiques ont observés un ours intéressé par la même station sismique, la plus au nord, alors qu'il y en a 7 au total ! Ce deuxième ours, plus gros d'après les empreintes, a déplacé la station et la batterie, il a sectionné le câble de l'antenne GPS, il a même réussi à sortir 2 sismomètres de la glace. Les dégâts sont malgré tout minimes, et les capteurs ont enregistré les pas des ours sur la banquise, probablement inédit. Demain, le réseau sera démonté, l'expérimentation s'achève.


12 !

La banquise présente de jolies fractures, mais résiste et offre déjà d'intéressants résultats. 2 des 4 scientifiques sont partis, ainsi que le logisticien de l'IPEV et le guide, tandis qu'un caméraman nous a rejoint pour quelques jours. Samuel était à bord de Vagabond au Groenland, en 2001, et en Russie, dans le Passage du Nord-Est, en 2002. Nous sommes ravis de le retrouver ! Quand à nos 4 amis alpinistes, Marc, Jacques, Patrick et Philippe, partis de Longyearbyen à ski, ils nous ont fait l'honneur de monter leur camp à côté de Vagabond hier soir. Après nous avoir retrouvé au Kamtchatka il y a 2 ans, où les instructeurs secouristes de Chamonix avaient rencontré leurs homologues russes, nous avons déjà imaginé notre prochain rendez-vous... Ainsi nous étions 12 à bord pour une soirée bien animée ! L'étude de la déformation de la banquise se poursuit pendant les 4 jours à venir (nous sommes maintenant 5 à bord) ; France et moi partageons notre temps afin d'assurer le bon fonctionnement du bateau, la sécurité sur la banquise pendant les opérations scientifiques (veille aux ours), le tournage de Samuel, les prélèvements de neige, les mesures avec la nouvelle bathysonde... Les journées nous semblent de plus en plus courtes, malgré le jour qui sera bientôt permanent !


Banquise

La nouvelle équipe est arrivée vendredi 25 mars, 6 personnes dont Franck Delbart de l'IPEV (Institut Polaire Français) et Simen, le guide, chargé de la veille aux ours et des motoneiges. Ils furent précédés pas des visiteurs surprises, les premiers du genre, sans doute en raison du beau temps et des vacances de Pâques ! D'abord Kjell Tore, de l'Institut Polaire norvégien, et son amie, puis un journaliste de Svalbard Posten. Dès le premier jour, le réseau a été défini sur la banquise, à 6 km de Vagabond, sur une glace de mer vieille de 6 semaines environ, là où était la grande polynie de janvier dernier. La banquise travaille donc beaucoup dans cette zone, et c'est bien ce qui intéresse les 4 glaciologues - géophysiciens, qui achèvent aujourd'hui de poser les 27 sismomètres et 7 GPS (sans oublier tous les câbles et batteries) pour étudier les déformations de la banquise. Pendant 5 ou 6 jours, les capteurs vont mesurer les moindres mouvements de la glace, sur une surface d'un kilomètre carré, dans le but d'améliorer la modélisation de la banquise, et de mieux comprendre son rôle climatique. Espérons que la banquise résiste au mauvais temps qui menace et n'emporte pas tout ce précieux matériel, à moins que ce ne soit un ours trop curieux...


Brines

L'équipe "Brines" (saumures) du laboratoire d'océanographie de Jussieu (Paris) nous a quitté ce matin, sous la neige. Au vu des derniers résultats, Jean-Claude estime que l'objectif fixé au départ est en vue, et que nous l'atteindrons si la météo reste favorable. Nous voilà seuls à bord, France et moi, pour 2 jours, le temps de préparer l'arrivée de l'équipe "banquise". A suivre !