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Phoques

Après nous avoir tenu compagnie pendant près de 3 semaines, Lucas et Nicolas sont repartis hier, ne pouvant pas attendre plus longtemps la libération de Vagabond. Ils espèrent rejoindre Svea, la civilisation la plus proche, en moins de 3 jours, si les bédières et les rivières ne sont pas trop difficiles à franchir. France et moi sommes donc seuls à bord à nouveau, à moins de 2 km de l'eau libre... Des dizaines de phoques se sont installés sur la banquise qui nous entoure encore, et nous observons de temps en temps un ours venant chasser, nous rendant parfois une petite visite en passant. Les chiens aussi sont curieux et, sans se soucier des flaques que nous traversons allègrement, nous entraînent à toute allure vers l'un ou l'autre de ces pinnipèdes. Jin et Frost semblent alors drôlement désemparés de le voir disparaître avant de l'atteindre !


Courrier hélitreuillé

Le Super Puma du gouverneur de l'archipel du Svalbard nous a apporté le courrier ! L'équipe en a profité pour faire un entraînement d'hélitreuillage, l'opération fascinante a duré près d'une demi-heure. C'est donc un secouriste, superbe dans sa combinaison étanche rouge sur fond bleu, qui est descendu du ciel pour nous remettre 2 colis (le précédent facteur remonte au mois de mai). Il est reparti avec quelques lettres à poster, et un peu de matériel superflu pour Lucas et Nicolas, qui devront certainement faire le trajet retour à pied, la débâcle étant plus tardive que prévue. Les 50 nœuds de vent de la nuit précédente ont toutefois dégagé l'entrée de la baie d'Inglefield, et il ne reste 'plus' que 3km de banquise entre la mer libre et Vagabond... Pour couronner cette journée animée, un gros ours est venu nous rendre visite hier soir, Frost a bien rempli son rôle en nous alertant à temps, et un seul pétard a suffit pour freiner sa curiosité ! Cela fait aujourd'hui 9 mois que Vagabond a quitté la civilisation.


Grillades

Malgré le vent frais qui souffle depuis 2 jours, nous n'avons pas résisté hier soir à faire un feu sur notre petit bout de plage, à 200 m de Vagabond. Bien installés sur un gros tronc d'arbre échoué venant de Sibérie, ou assis sur une vertèbre de baleine, entourés par la banquise, c'était un plaisir de faire griller quelques côtelettes locales et du pain frais. Il était encore tôt ce matin quand un ours est venu visiter notre petit territoire. Comme d'habitude, c'est Frost qui nous a alerté, Jin restant blotti tout au fond de sa niche. 2 pétards et 4 fusées ont fini par faire partir le curieux. Quand à la banquise, elle fait toujours 1m30 d'épaisseur dans les environs du bateau, comme il y a 2 mois !


Plage et banquise

Après une semaine de mauvais temps (températures autour de zéro, chutes de neige et de pluie), le soleil chauffe à nouveau. Le sol se découvre de plus en plus, et il est maintenant possible de faire quelques pas sur la plage, où algues, vertèbres de baleines et troncs d'arbres échoués réapparaissent. Quel plaisir de marcher sans ski ni raquette ! De plus en plus de flaques et de mares d'eau envahissent la banquise, toujours solide autour de nous. C'est donc les pieds trempés sur nos skis que nous avons tenté de nous approcher de l'eau libre, à 9 km de Vagabond, attirés par le doux bruit du ressac ; mais quelques fractures nous ont dissuadé d'aller jusqu'au bord de l'eau. Si l'épaisseur de la banquise n'a perdu que 4 cm en 1 mois, presque toute la neige a fondu et s'est écoulée par les fractures et par les trous de phoque. La glace s'en retrouve considérablement allégée, elle est remontée de 15 cm (mesure du franc bord). Un relevé hydrographique nous a aussi permis d'observer la rapide évolution de la température et de la salinité de la mer, très variables entre la surface et le fond (95m). Beaucoup de phoques et d'oiseaux, qui n'ont pas l'air pressés de voir leur banquise préférée partir à la dérive...


Solstice d'été

La banquise est de plus en plus inondée. La neige fond en surface et de véritables lacs se développent tout autour de nous. Le ski devient de plus en plus nautique ! L'eau de fonte ne peut s'écouler que par les fractures de la banquise le long du littoral, ou au voisinage des icebergs, parfois aussi par les trous de respiration des phoques qui ressemblent maintenant à de gros siphons bouillonnants. Depuis Vagabond, nous avons observé un ours chasser. A l'affût pendant de longues heures, immobile, il a attrapé un phoque par surprise, alors qu'il venait respirer par le trou qu'il entretient dans la banquise. L'ours a déplacé le phoque de 50 ou 60 kilos d'une centaine de mètres avant de le dévorer. 2 heures plus tard, il était assoupi non loin de la carcasse, soigneusement nettoyée. Dans la nuit, l'ours est passé entre les niches et Vagabond, curieux, mais un pétard a suffit pour le faire partir, il n'était évidemment pas affamé ! Les chiens ont pu ronger quelques restes de viande fraîche laissée par l'ours, la fin du travail est maintenant assuré par les oiseaux et renards.


RFI

Nous serons en direct par téléphone sur Radio France Internationale demain 21 juin, à 13h45 (11h45 TU), émission d'Arielle Cassim, 'Le Quotidien de la Mer', après la météo marine (www.rfi.fr).


4 à bord

Lucas et Nicolas, après 5 jours de ski à travers les glaciers qui nous séparent de la côte ouest du Spitsberg, sont arrivés vendredi à bord de Vagabond. Avec eux, un peu de courrier, dont 2 lettres 'égarées' à Longyearbyen depuis plus de 6 mois... l'une d'elle, datée du 12 décembre dernier, annonçait la naissance d'un neveu ou d'une nièce de France pour le 17 juin, jour de réception de la lettre à bord. Et hier matin, 18 juin, nous avons appris que le petit garçon était né dans la nuit ! La médecine est étonnante.

Nous sommes donc 4 à bord, prêts à reprendre la mer. La saison de navigation a d'ailleurs bien commencé, depuis une dizaine de jours, sur la côte ouest. Mais notre baie est si bien protégée que la débâcle sera probablement très tardive, alors nous profitons au mieux de la douceur de l'été. France a entrepris la fabrication d'une aile de traction, pour aller plus vite à ski, avec les restes de la tente déchirée par les ours. En creusant sous la neige, nous avons pu dégager un petit cours d'eau, fini donc les collectes de glace pour avoir de l'eau douce.


Voiles

Belle journée hier pour vérifier nos voiles. Superbe soleil, vent d'ouest de 15 noeuds, pendant 4 heures Vagabond semblait filer au près sur une mer lisse et enneigée... étonnante sensation de pouvoir tourner à pied autour du bateau toutes voiles dehors, c'était comme évoluer dans une photo. Vu d'un petit sommet voisin, la banquise ne montre pour l'instant aucun signe de faiblesse autour de nous... voiles et moteurs ne suffisent pas encore pour rejoindre la mer libre !


Crevettes

Des milliers de crevettes vivent sous la coque ! Voilà ce que j'ai pu découvrir en plongeant sous la banquise tout à l'heure. J'ai donc profité du trou percé avec peine le mois dernier, et qui reste bien ouvert maintenant, grâce au soleil qui brille depuis 3 jours. J'ai même pu refaire surface à l'arrière du bateau, dans le trou créé par le rejet d'eau de mer du générateur. Imaginez la surprise des chiens qui se prélassaient sur la neige, au soleil, quand ils ont d'abord entendu des bulles, puis vu un drôle d'animal sortir, pour enfin reconnaître le son de ma voix ! Vagabond est complètement décollé de la glace maintenant (il flotte !), la lumière crée un joli halo tout autour, magnifique vu de dessous, tandis que l'obscurité règne partout ailleurs sous la banquise. C'est surprenant en cette saison, car le jour permanent nous fait oublier la nuit. Au fil de l'hiver, la coque a laissé son empreinte dans la banquise, qui s'est épaissit peu à peu, et qui s'est également abaissée lors de chaque grosse chute de neige. L'architecture qui en résulte est étonnante. Encore près de 10 km de banquise solide nous séparent de la mer libre... Les visites d'ours ne sont donc pas terminées, le dernier a emporté la peau de phoque que France s'apprêtait à tanner !


Jin retrouvé

Séjour intense pour Fred, Jean et Lucas : brève plongée sous la banquise, bain de mer encore plus bref, chasse au phoque, visite d'un ours... La météo est redevenue mauvaise pour le trajet retour. Il restait encore juste assez de neige pour reconduire la motoneige jusqu'à Svea, d'où nos 3 amis reprenaient l'avion. Sans aucune visibilité, concentré sur le GPS, conduisant doucement à travers les glaciers, je n'étais pas très fier de remorquer ainsi les 3 skieurs. A 12 km de Vagabond, Jin a soudain fait demi-tour. L'un de nos 2 chiens nous suivait fidèlement vers Svea, pour m'accompagner au retour, afin de m'aider à tirer la pulka et veiller sur ma tente pendant la nuit. Je suis revenu en arrière sur quelques kilomètres, j'ai appelé en vain dans la tempête. Il ne me restait qu'à retrouver les autres et espérer que Jin ne se soit pas égaré. En arrivant à Svea quelques heures plus tard, après un périple éprouvant, France nous a appris par téléphone que Jin n'était pas revenu au bateau. Dès le lendemain matin, j'ai salué nos 3 amis, laissé la motoneige, récupéré le courrier, avant de repartir avec ma lourde pulka vers la baie d'Inglefield, à 45 km de Svea. 36 h après avoir aperçu les dernières traces de Jin, j'ai planté la tente au même endroit, espérant le voir revenir. Ce n'est qu'en reprenant ma route, le jour suivant, que j'ai croisé ses traces, le long de la moraine qui sépare les glaciers Edvard et Nordsyssel, à 10 km de Vagabond. J'ai exploré les environs pendant quelques heures, avant de me résigner à rejoindre Vagabond, en raison du mauvais temps annoncé. Ce dernier coup de vent fût bref heureusement, France et moi avons pu retourner sur place rapidement, installer un camp pour continuer les recherches avec Frost, malgré le brouillard persistant. Hier enfin, au pied du Storbollen, en bas du glacier Edvard, Jin a entendu nos appels. Emotion de le voir revenir en courant vers nous, après plus de 5 jours de vadrouille ! Le gouverneur aussi sera rassuré, Jin ne fera pas comme ce chien égaré au printemps qui tuait des rennes pour se nourrir et se cachait des motoneiges qui le cherchaient. Aucune visite d'ours à bord pendant notre absence, et Vagabond a même retrouvé son assiette, dégel aidant.