Essais d'embâcle
Ce fut finalement au troisième essai que l'embâcle s'installa. Les premières plaques de jeunes banquises furent d'abord soufflées par les quelques dizaines de nœuds de vent qui se levaient dans la nuit, et raclèrent la coque dans un bruit étrange. Par deux fois, je me suis levé le matin pour découvrir que la glace avait disparu et refait place à l'eau libre.
Avec leurs petits canots, les locaux continuent de chasser quand la banquise ne fait encore que quelques centimètres d'épaisseur. C'est comme ça que Robbie est passé prendre un café il y a quelques jours, en fendant la glace fraîche. Et puis la glace est reparti. Tout à refaire.
Un jour où l'horizon était bien dégagé, le soleil est venu nous saluer dans ce qui sera sa dernière apparition de l'année, illuminant la baie de ses lumières rasantes en traversant le fjord à l'horizontal, d'un versant à l'autre, en l'espace de moins d'une heure.
Hier, alors que la glace avait repris, c'est Johnny qui m'a fait la surprise d'une visite, cette fois pour m'emmener à terre, quelques heures à peine, le temps d'un déjeuner chez Yves et Céline. Bonheur de rompre ma solitude l'espace de quelques instants.
Au retour, j'ai demandé à son frère Amo, qui me ramenait avec son puissant canot, de pousser un peu Vagabond pour qu'il pointe vers le Nord, le nez face aux vents dominants. Il m'a d'emblée dit non, puis s'est mis à faire tourner son embarcation, cassant la fine couche de glace qui entourait le voilier. De nouveau libre, le bateau a oscillé dans le vent encore quelques heures avant de se figer dans le froid de la nuit.