De Beechey à Beechey, via Resolute

  • Vagabond et le brise-glace Des Groseillers

15 août : collecte spectaculaire, inattendue, à l'île Beechey. Les rares rochers sont recouverts de coralline, parfois en couche assez épaisse, et nos filets sont pleins en fin de plongée ! Jochen est ravi, il va pouvoir décrire l'océan et le climat des siècles passés, à Beechey, en analysant les échantillons prélevés.

En particulier, nous pourrons en savoir plus sur les conditions endurées par l'expédition britannique qui cherchait le passage du Nord-Ouest en 1845. Franklin et ses 129 hommes avaient passé un premier hiver ici, à l'île Beechey. Trois d'entre eux y sont enterrés. Leurs deux navires, l'Erebus et le Terror, ont été abandonnés en 1848, un peu plus loin dans le passage, il n'y a eu aucun survivant. Pendant dix ans, 40 navires vont chercher leurs traces. Ce n'est qu'en septembre 2014 que l'épave de l'Erebus a été retrouvée.

Cette année, une vingtaine de voiliers et de nombreux bateaux de croisières empruntent le passage du Nord-Ouest, parfaitement libre de glace. Et même un paquebot de 1700 personnes, un record ! En visitant les tombes, cairns et vestiges laissés sur l'île Beechey, nous trouvons un drone perdu la veille par un cinéaste de l'Ocean Endeavour ! Notre ami David Reid est guide à bord de ce navire à passagers, c'est avec lui que je ferai le tour le l'île Bylot à ski en avril prochain (une belle balade en perspective!).

Notre mission se poursuit dans les îles proches de Resolute Bay. Déception générale, Yves et moi ne rapportons que de très minces fragments de coralline. Pour Jochen, cette zone autour de l'île Cornwallis était primordiale, car nous possédons des données sur l'épaisseur de la banquise en hiver qu'il souhaite utiliser dans ses analyses. Après examen de la carte géologique de la région, il apparaît que les zones de sédiments glacio marins ne sont pas propices au développement de coralline. Finalement, Jochen modifie largement la suite de notre itinéraire et les sites à explorer.

Un coup de vent est annoncé, nous nous réfugions à Allen Bay, près de Resolute Bay, d'où Jochen, Pia et Dirk repartent en avion, comme prévu. En attendant Alicia, l'étudiante de Jochen qui embarque pour gérer la suite des prélèvements de coralline, nous passons la journée à terre. Outre les formalités d'entrée au Canada, c'est l'occasion de revoir la base scientifique, le village, et surtout quelques amis. Nous sommes accueillis par notre amie Joyce, assistante sociale, rencontrée lorsque nous habitions à Grise Fiord il y a 3 ans. Par chance, des amis de ce petit village sont aussi en transit à Resolute, retrouvailles chaleureuses avec Liza, Geela, Suzie, Eva, Jaypeetee, Mark, bonheur d'échanger des nouvelles de vive voix !

La traversée de Resolute jusqu'à l'île Beechey est plutôt musclée, il nous faut ensuite près d'une journée de repos pour reprendre des forces. Et pour réparer la trinquette qui a souffert des vents violents et irréguliers. A nouveau, les plongées sont fructueuses, et Alicia est bien occupée après nos plongées pour trier et inventorier les échantillons. C'est pour assurer une bonne récolte que nous sommes revenus à Beechey. Yves a aussi trouvé une assiette, qu'il a laissé au fond, respectant la règle. Peut-être que Franklin mangeait dedans il y a 170 ans ?

Chaque jour, un bateau différent fait escale à l'île Beechey. L'Akademik Ioffe, puis le National Geographic Explorer, puis le brise-glace Des Groseillers. Ce dernier est un navire de la garde côtière canadienne, nous sommes accueillis à bord par les 40 marins qui veillent à la sécurité dans l'Arctique canadien. Vagabond est invité à s'amarrer à couple pour faire le plein d'eau douce, discuter des dernières cartes des glaces, savourer un repas, et faire une visite complète du bateau ! En quittant la baie Erebus et Terror, nous croisons L'Austral : grandes salutations du commandant, nous avons rendez-vous le lendemain pour faire une conférence pour les 230 passagers.

De l'autre côté du détroit de Lancaster, notre recherche de coralline se poursuit à Port Leopold, où Caledonia, le beau voilier d'un couple allemand, vient jeter l'ancre à côté de Vagabond. L'occasion pour Céline et France d'aller boire une verre de vin en écoutant le récit de leur passage du Nord-Ouest : pas de vent, pas de glace, ils semblent déçus !