Cool job
Pour étudier la croissance de la coralline, outre les plongées qui permettent de récupérer régulièrement quelques uns des échantillons préparés en septembre et de vérifier le bon fonctionnement des capteurs (pH, salinité, lumière, température), nous suivons un protocole de prélèvements d'eau sur les deux sites. C'est mon job du jour.
Même après vingt ans de manips sur la banquise, je trouve toujours que ce job est cool.
A ski, je tracte mon traîneau jusqu'au premier site où j'installe la tente et le mini labo. J'ouvre le trou, c'est facile en cette saison même si l'épaisseur de la banquise est de plus de 1,6 mètre, et je descends la bouteille Niskin à 15m, juste à côté des échantillons de coralline. C'est cette eau là qui nous intéresse. Auparavant, pour filmer l'opération, j'ai plongé la caméra 360 degrés confiée par Exocéan. Bien installé dans la tente, je suis scrupuleusement le protocole pour remplir différentes bouteilles et flacons qui seront conservés congelés ou dans l'obscurité jusqu'au labo de Jessica Gould. Elle vient d'obtenir un prix prestigieux pour ses travaux !
Par radio VHF, je questionne Léonie qui fait habituellement ce travail de labo à bord de Vagabond, lorsqu'il fait trop froid pour installer un mini labo sur la banquise. Sur Internet, je vérifie le bon réglage de la pipette. C'est incroyable d'être si bien connecté sur le terrain, avoir un téléphone portable en hivernage est totalement nouveau pour nous ! Les 25 communautés du Nunavut ont un réseau cellulaire depuis septembre 2019.
Zachary revient de la chasse et s'arrête pour me saluer. Il propose de m'emmener en motoneige jusqu'à l'autre site ! J'accroche juste mon traîneau derrière sa machine pour les 10 minutes de trajet. Il m'aide à installer la tente, nous partageons un thé et échangeons quelques photos. Il a raté une oie ce matin, à 3h au sud du village. Je lui montre à quoi ressemble les fonds marins sous nos pieds, il est surpris par leur richesse et aurait parié que j'ai pris la photo sous les tropiques ! Il faut dire que le contraste avec la banquise en surface est spectaculaire. Il y a trois jours, Zachary nous rendait visite à la Pointe Victor, où nous campions en famille, et me montrait une image d'un jeune phoque égaré sur la banquise, trop loin de son trou. Une quinzaine de phoques se sont perdus ainsi ces dernières semaines dans la région d'Arctic Bay, comme celui trouvé près de Vagabond en 2012. Dans deux jours, il partira pêcher l'omble arctique et chasser le phoque avec son père Mishak qui collabore par ailleurs avec le programme SmartIce : des mesures d'épaisseur de banquise similaires à celles que nous effectuons régulièrement pour Christian Haas (co-fondateur de SmartIce), seuls ou avec lui.
Le temps de finir les prélèvements d'eau, de tout ranger dans le traîneau et de terminer un timelapse, le vent se lève gentiment. C'est tracté par un kite que je parcours l'essentiel des 4 km qui séparent le deuxième site de Vagabond. De la science, la visite d'un chasseur, du ski, du snowkite, de la photo, le tout sur et sous la banquise. Magnifique journée. Ca doit être ma fête.