Avec l'équipage actuel composé de Aurore 10 ans, danseuse gracieuse,
Léonie 13 ans, heureusement scientifique dans l'âme et moi artiste,
presque 50 ans, nous parvenons à faire une petite partie du programme
scientifique, au prix de tâtonnements que n'auraient pas connu Eric.
Par une belle après-midi toute notre petite troupe s'ébroue avec chien,
pulka remplie de tout le nécessaire et bonne humeur, jusqu'au site le
plus proche, à 2,3 km du bateau. Guillerettes, nous trouons la banquise
en trois trous de tarière, cassons à coups de tuk ce qui reste de glace
entre les trous (de loin le plus long!) pour n'en faire qu'un gros, afin
d'envoyer vers le fond la bouteille Niskin ré-apprivoisée auparavant.
Après avoir prélevé la précieuse eau du fond de la mer et rhabillé de
neige isolante notre petit chantier, une heure de marche joyeuse nous
ramène au bateau, où les choses sérieuses commencent. Avec Léonie en
reine du labo; je ne fais que l'assister. Carbone, chlorure de
mercure... dûment gantée et outillée de pipette et seringue, elle
filtre, elle assure... jusqu'à la dernière goutte disponible, alors
qu'il reste deux prélèvements à faire ! Rage, déception, trois heures de
manip dehors pour faire la moitié du boulot...
En plus, on comprend qu'il faut faire les prélèvements d'eau sur les
deux sites dédiés le même jour. Déjà, trouver le deuxième site. Chargée
de mes inébranlables souvenirs, je pars légère en reconnaissance. Mon
but est aussi d'entraîner Stone le chien à tirer une skieuse avant d'y
atteler une pulka. 12 km et trois heures plus tard, après bien des suées
pour cause d'éducation canine, je suis de retour au bateau, bredouille !
Rien vu du tas de glace et de son piquet qui auraient dus y être ! Deux
jours plus tard je repars munie d'un GPS, ré apprivoisé lui aussi, et
arrive droit sur la vision espérée. Avec tuk et tarière, je peux faire
les trous en avance, et admirer les progrès de Stone comme tracteur.
Arrive enfin le grand jour, nous sommes fin prêtes. Ce matin, laissant
Léonie et Aurore à leur école-bateau, pulka chargée et chien devant, je
traverse la baie et pratique les trois trous avant de m'apercevoir que
le tuk a disparu ! Sans m'encombrer je repars seule à ski en suivant nos
traces, mais Stone arrache sa broche à glace pour me rejoindre. Je me
ficelle à lui tant bien que mal avec la broche coupante pendante et
refais presque toute la route jusqu'à Vagabond avant de retrouver le
tuk. De retour près des trous je m’énerve : cette fois c'est la broche à
glace que j'ai semée. Le chien, longe enroulée autour d'un gros bloc de
glace le traîne comme un boulet, lentement mais sûrement autour de
moi... Ce prélèvement d'eau n'est pas de tout repos. De retour au
bateau, broche à glace retrouvée, Léonie officie dans la cuisine-labo,
je grignote le déjeuner tout prêt puis repars. Trois heures plus tard me
voilà de retour du deuxième site, après une manip comme je n'en avais
jamais encore faite : comme sur des roulettes ! Il est 18h30, Léonie a
fini le labo et nous avons enfin réussi à faire une journée de
prélèvement d'eau comme il se doit !