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Au royaume de Gardar , par Marc Givry

  • 1627 Bateau de croisiere et elevage de moutons pres de Igaliku©EB
  • 0632 Avec Eloise au petit-dej a Igaliku©EB
  • 0740 Observation d un ours depuis Igaliku©EB
  • 1321 Marc se protege des moustiques a la pause picnic©EB

26 juillet 2023, Igaliku,

Nous sommes au royaume de Gardar, mais ce n'est pas un royaume. Peut-être juste un paradis pour moutons. Pour touristes aussi maintenant. Bien entendu, loin de moi l'idée de comparer les touristes et les moutons. D'ailleurs, numériquement parlant pour l'instant ici les moutons gagnent encore.

Certes l'UNESCO a classé le palais épiscopal de Gardar au patrimoine mondial de l'humanité attirant de ce fait les multitudes touristiques. Ce fut en effet le siège d'un évêché de 1126 à 1377, à la belle époque des Vikings. Construite à partir de 1126 la cathédrale fut dédiée à Saint Nicolas, le Saint Patron des marins, un patronage qui ne pourra que vous plaire.

Question multitudes humaines, tachons de raison garder. L'hiver il doit y avoir une vingtaine de résidents permanents, l'été une quarantaine et quand un croisiériste mouille dans le fjord au maximum cela se compte en centaines. Ces chiffres indicatifs nous ont été communiqués par Eloise la cuisinière du Bydgehotel d'Igaliku. Le chiffre des croisiéristes elle le connaît bien, car quand un navire est annoncé elle se doit de préparer des dizaines de cafés gourmands. Mais pas plus de repas du soir que d'habitude. En effet si le croisiériste est gourmand il est aussi prudent car il revient toujours à son bord avant le repas du soir. Avant que les loups ne descendent de la montagne car on n'a pas dû lui dire qu'il y avait pas de loups ici. Des ours peut être, mais on en parlera plus tard.

Ceci dit les croisiéristes ont peut être tort de ne pas profiter de la cuisine du soir d'Eloise, délicieuse je vous le garantis. Eloise est en fait une cuisinière bourlingueuse patentée. Voyez son pedigree : formation hôtelière de haut niveau à Grenoble, professeur de cuisine dans un lycée hôtelier pendant 15 ans, cuisinière à Crozet pour un hivernage dans les terres australes, la cuisine est pour elle un moyen de voyager, si possible au frais sous les hautes latitudes, tout en revenant parfois au pays de ses ancêtres, à Gresse en Vercors, où au cimetière sept générations lui tendent les bras.

Mais revenons à nos moutons. Suivant un éleveur rencontré, il serait 18 000 chaque année à rejoindre l'abattoir de Narsaq. Juste pour une ferme, la ferme d'Ipiutak, Henning le nouveau fermier, qui a remplacé l'an dernier Agathe et Kalista des amis de France et d'Eric, nous a indiqué une production de 400 agneaux. Et il a décidé de s'agrandir.

Donc ici, les moutons ça va, les touristes ça va, les moustiques ça va (mais je n'en parlerai pas trop de peur de me laisser aller à quelques excès). Pour les ours je n'en dirai pas autant. Tout d'abord, ils ne sont pas très nombreux. Et s'il y en a un, c'est qu'il s'est trompé. En général, les ours descendent le long de la côte est, mais ils devraient s'arrêter bien avant le terminus des glaces. Et quand ils ont raté le dernier arrêt, ils n'ont plus qu'à remonter vers le nord par la terre. Mais leur parcours sera semé d’embûches. Lors de notre séjour, un ours fut annoncé et tout le village fut alerté. L'information était exacte et nous le vîmes qui parcourait tranquillement la grève puis les montagnes en direction du nord. Nous apprîmes plus tard qu'un autre ours avait été abattu le matin même à Qassiarsuk.

Donc nous sommes au royaume de Gardar, paradis des moutons, des touristes, et pas des ours. Paradis futur des géologues que nous venons d'embarquer ?

Mais pour eux Gardar n'est pas un royaume, juste une « province magmatique qui expose un système de rifts intracontinentaux datés du Protérozoïque moyen ». Pour votre gouverne, nous allons dorénavant nous promener dans une période qui doit dater d'un bon milliard d'années. Un chiffre qui me donne le vertige et vous comprendrez aisément que je doive me retirer discrètement de ce blog, pour laisser aux vaillants et savants géologues le soin de continuer.

Ami lecteur, mon semblable, mon frère (ou amie lectrice...) que j'espère par ces quatre épisodes diverti, qui que tu sois je te salue.

Marc, Groenland, juillet 2023


Chronique des aventuriers modestes, par Marc Givry

  • 0545 Approche cote Groenland©Marc Givry
  • 0747 Iceberg dans la brume sud Groenland©Marc Givry
  • 1707 Pangaea et Vagabond a Narsaq©EB
  • 1744 Retrouvailles avec Mike Horn©EB

17 juillet 2023, Narsarsuaq toujours,

Je viens de me rendre compte que dans ce récit décousu, je ne vous avais pas raconté comment nous étions arrivés ici. Pourtant un blog se devrait d'être chronologiquement ordonné.

Donc reprenons. Nous sommes partis de Saint-Pierre en musique par une nuit brumeuse et une mer plutôt clapoteuse. S'en suivi une traversée dans le brouillard mais avec une mer assez peinarde, un peu de vent et de mer vers la fin (merci aux approches du Cap Farewell) et une arrivée superbe, les icebergs et le soleil étant au rendez-vous.

« Les familles heureuses n'ont pas d'histoire », c'est ainsi que débute Anna Karenine, le roman de Tolstoi. Mais pour moi les traversées heureuses sont pleines d'histoires.

Tenez, par exemple, rappelez vous, avant de partir nous avions refait le noir de la carène du navire pour attirer les baleines et les sirènes. De sirènes point ne virent, mais des baleines que si. Ayant annoncé avec beaucoup d'aplomb « troupeau de globicéphales à bâbord », je fus repris par un « c'est pas des globicéphales, c'est des lagenorhynques à flancs blancs de l'Atlantique». Bien fait pour moi, la prochaine fois je dirai « Cétacés en vue, famille des Delphinidae, animaux de tempérament grégaire, se déplacent en troupeaux importants ».

Et puis à l'arrivée nous sommes tombés dans l'histoire, l'histoire de l'Aventure avec un grand A. En effet à Narsaq après quelques zigzags dans les glaces, nous nous sommes amarrés à côté d'un grand voilier. Impressionnant, plus de 30 mètres de long, gréé en ketch, son grand mat qui fait bien 35 mètres domine de sa majesté tout le port. On m'explique, presque avec vénération, qu'il s'agit du célèbre voilier P. qui appartient au non moins célèbre M., l'Aventurier avec un grand A, connu dans le monde entier pour les exploits hors du commun qui ont fait de lui un demi dieu, disons un héro puisqu'il est resté mortel. Mais pour le moment notre héro n'est pas mort. Peut être qu'Athéna la Déesse aux yeux pers veille sur sa destinée, comme je l'espère elle veille aussi sur la notre.

L'équipage, plutôt sympa, qui veille sur ce fleuron maritime, nous explique que M. n'est pas à bord mais qu'ils ont de quoi bien s'occuper. En effet, leur navire est un studio de production vidéo ambulant et leur raison d'être est d'informer la terre entière des exploits en cours. Il ne touche peut être pas la terre entière (laissons au Pape ce privilège Urbi et Orbi), mais au moins les millions de « followers » qui doivent être rassasiés régulièrement. Pour assurer ce festin médiatique, les groupes électrogènes tournent en permanence et nous sommes rassurés par ce ronronnement constant qui nous indique que l'aventure ne s'arrête jamais.

M., l'Aventurier avec un grand A, nous le rencontrerons à l'aéroport lorsque nous irons chercher les géologues. En fait c'est un pote à France et Eric. Ils se connaissent depuis au moins vingt ans. Ils se sont croisés en Alaska, eux allant vers l'est sur Vagabond, lui allant vers l'ouest sur un kayak à balancier.

Vingt ans après, les tailles des navires se sont inversés, le petit navire est devenu bien grand, mais la taille de Vagabond est toujours la même. Le tour de taille a même un peu diminué, les chocs dans la glace ayant fait plus de creux vers l'intérieur que de bosses vers l'extérieur (mais rassurez vous pas de perforations fatales, bien que parfois on ait eu peu chaud).

Le symbole des Chartreux c'est une croix posée sur une sphère, qui signifie « la Terre tourne, la Croix demeure ». Si j'étais prof d'art plastique, je donnerai bien à mes élèves le sujet suivant « la Terre tourne, Vagabond demeure » avec en prime « Traduisez la devise en latin ».

Pour finir ce récit décousu, je voudrai vous citer une dédicace. Sur un livre offert par ses amis à l'architecte Mario Botta, il y avait ceci « Mario, on t'aime, non pas pour ce que tu es devenu, mais pour ce que tu es resté ».

Vagabond, on t'aime pour ce que tu es resté : modeste.


Aigles, baleines, pécheurs, par Marc Givry

  • 0529 Aigle sur iceberg Narsarsuaq©EB
  • 0754 Baleine a bosse Narsarsuaq©EB
  • 1721 France peche la morue pres de Qassiarsuk©EB
  • 0746 Jacky France et Laurent©EB

16 juillet 2023, Narsarsuaq,

Je ne vous le cacherai pas, nous sommes au Groenland.

Nonchalamment mouillé au fin fond d'un fjord. Sous la ligne de flottaison, des morues, beaucoup de morues. Au dessus de nos têtes, des aigles, pas mal d'aigles.

On dit aigle mais pour faire sérieux il faudrait dire « Pygargue à queue blanche » (ou Haliaeetus albicilla pour faire savant). Toutefois comme les anglais disent « White-tailed Eagle », pour faire simple on dira juste aigles pour parler de ces volatiles à queue blanche. Effectivement, les queues sont bien blanches alors que le reste du plumage de nos aigles est brun sombre tacheté, du moins pour les plus grands. Les plus petits ont un plumage brun tacheté sur le dessus et brun crème rayé sur le dessous avec une queue blanchâtre. Les traités scientifiques nous expliquent que les grands sombres sont des adultes et les plus clairs des jeunes, mais au lieu de « jeunes » les traités disent « les immatures ». Comme je pense que notre belle jeunesse si mûre de nos jours n'aimerait pas se faire traiter d'immature j'éviterai d'employer dorénavant ce mot.

Mais matures ou pas, si nous sommes ici, c'est qu'on nous a filé l'info : il faut être là, au fond du fjord à la fin de la marée montante, bonne pèche garantie, aigles en prime. Pour la pèche, ça va, on a déjà sorti quelques belles morues lorsqu'un pécheur avec qui nous avons discuté nous en offre une deux fois plus grosse que les nôtres. Fair play (ou tentés par une boulimie morutière) nous acceptons le présent et dorénavant notre consommation à venir de protéines iodées est assurée.

L'info sur les morues et les aigles était bonne mais il manquait encore un ingrédient au spectacle du jour : les deux baleines à bosse qui vont venir faire leur numéro, soufflant leur jet puissant, respirant deux ou trois fois, puis plongeant pour sonder en mettant leur queue à la verticale.

Au fait, j'y pense, je ne vous ai pas dit qui nous avait donné cette info d'être au fond du fjord entre aigles et morues à la fin du montant. C'est un « bon gars » comme on dit chez nous en Savoie. Et ça, je peux me le permettre car Jacky est un Savoyard d'origine, mieux un Mauriennais et encore mieux un Modanais, un habitant de Modane ! Électricien de formation, il est depuis belle lurette au Groenland, d'abord au nord vers l’île de Disko puis ici autour de Narsaq où il a créé et développé une belle entreprise de transport et de logistique nommée Blue Ice. Bien qu'ayant passé la main et vendu sa boite, il continue avec Birgitte, sa compagne danoise, à bourlinguer activement dans ces parages. Alors, merci Jacky, merci Birgitte, la Savoie vous est bien reconnaissante !

Mais cessons cette nostalgie des alpages.

Je ne vous le cacherai pas, nous sommes bien au Groenland.


Départ en musique, par Marc Givry

  • 1314 Carenage Vagabond devant Hangar a sel de Saint-Pierre©Marc Givry
  • 2007 Celtic Cods depart Vagabond©EB
  • 2038 Celtic Cods depart Vagabond©EB
  • 2100 Depart Vagabond Saint-Pierre©Rachel Robert

5 juillet 2023, Saint Pierre et Miquelon

Mercredi 21 heures, c'est beau la musique, mais il faut y aller.

L'air est frais, mais pas glacial, 9 degrés environ. Toutefois un peu humide. Disons franchement humide. Un beau brouillard dont Saint-Pierre nous a gratifié depuis une bonne semaine. Un temps parfait pour ne pas chercher au loin un horizon qui un jour aurait été bleu. Juste se concentrer vers le bas pour gratter la coque du navire échoué à marée basse pour lui passer sa belle robe d'antifouling d'un noir du plus bel effet. Ce noir profond qui devrait rejeter les algues, repousser les abysses et peut être attirer les baleines ou les sirènes.

Pour les hauts, on se contentera de quelques retouches de rouge et de blanc. Pour redonner au navire sa flamboyance d'antan, il faudrait tout refaire mais le brouillard local n'incite guère à la besogne et puis cela ferait peut être trop neuf, voir trop pimpant pour un vaisseau qui bourlingue depuis plus de vingt ans dans l'Arctique.

Je me souviens, il y a vingt ans en 2003 nous étions au Kamtchatka. Le vaisseau était au milieu de son grand tour. Il avait fait son passage du Nord-Est, il allait entamer son passage du Nord-Ouest. Ayant réussi brillamment ses deux examens de passage, les divinités boréales décidèrent qu'il pouvait demeurer en ces lieux.

Muni de ce viatique, notre fier vaisseau n'a depuis plus quitté le Grand Nord. Avec 12 hivernages, au Svalbard puis au Nunavut, en mettant le navire au service d'une soixantaine de programmes scientifiques, notre vaillant équipage est resté fidèle à son projet d'origine : offrir une base logistique pour la science polaire.

En 2007 une Léonie est venue compléter l'équipage, puis une Aurore en 2009, mais le navire n'a pas changé de cap pour autant : glaces un jour, glaces toujours.

Et cette année, même si les filles sont allées goûter les délices estivaux de notre chaude métropole, il faut y retourner. La science ne saurait attendre et ce qui nous attend pour la première mission de l'été au Groenland, c'est du sérieux. Voyez le titre du projet : « Protero-Litho2 dans la province magmatique de Gardar ». Mais il est sans doute trop tôt pour en parler. Alors attendez un peu et si vous continuez à suivre ce blog, peut être que des sources généralement scientifiquement bien informées vous en diront plus.

Mais il est 21 heures et il faut y aller. Pourtant la musique était belle. Pour notre départ, le bord avait été envahi par le groupe de musique irlandaise les « Celtic Cods » (dont font partie France et Eric), les morues celtiques en bon français, un nom fait pour ravir le petit fils de morutier que je suis. Et donc trois violons, trois flûtes, une mandoline, une guitare, un accordéon et aussi un tambourin celtique, qu'il faut appeler bodhran, nous avaient offert une belle aubade. Pardon une magnifique sérénade, puisque c'était le soir et que l'aubade est réservée à l'aurore du matin.

Et après « Au bord de l'eau » de Rémi Geffroy, un morceau qui m'émeut toujours, nous larguons les amarres. Avalés par le brouillard, nous entendons de plus en plus loin une flûte qui joue «Cape Clear », une mélodie qui nous raconte l’île de Cape Clear, cette vigie impuissante d'hier devenue temple de mémoire, ses larmes de longue date séchées au vent. Joyau retrouvé de la splendeur océanique, elle cherche toujours ses enfants faméliques dans un repli de l'horizon.

C'est beau la musique, mais il faut y aller.


Explorations terreneuviennes hivernales

  • 2138 Premier bivouac pres de Buchans©EB
  • 1105 Eric sur la rive du lac Hinds©FPdS
  • 1522 France sur le lac Hinds©EB
  • 1254 Pause snack au soleil©EB

Depuis Saint-Pierre et Miquelon, la grande île canadienne de Terre Neuve nous tend les bras. Une heure et demi de ferry seulement.

En quête de grands espaces enneigés, et après quelques semaines de préparation, France et moi partons pour le coeur de l'île. Au départ du village de Buchans (de la même taille que Miquelon et 5 fois plus grand que Grise Fiord !), nous découvrons une région aux conditions exceptionnelles pour un joli raid à ski-pulka !

Les températures oscillent entre -20°C et -5°C, la couche de neige est épaisse, les zones boisées procurent de bons abris par grand vent, un grand lac gelé nous rappelle la banquise, les petites montagnes offrent de beaux panoramas, les traces d'animaux sont partout... Deux rencontres mémorables avec des orignaux, une autre avec un coyote.

Pendant une dizaine de jours nous tractons nos traîneaux et choisissons soigneusement nos bivouacs, quelle liberté ! Ce qui est inhabituel, presque étrange, c'est que nous n'avons ni instrument scientifique ni protocole !

Dans le seul refuge des environs (situé à 8km au nord de l'endroit indiqué sur la carte !), nous profitons du poêle à bois pour déglacer notre équipement et faisons connaissance avec quelques joyeux chasseurs de passage. Notre présence les intrigue, les seuls voyageurs étrangers dont ils se souviennent dans la région étaient deux allemands avec d'énormes sacs à dos, il y a quinze ans, en été, épuisés ! Assurément, nous avons dégotté la bonne région pour notre vagabondage hivernal.


Algues de Miquelon

  • Mesures algues©Eric Brossier
  • Plongee Miquelon©Pascal Leborgne
  • Prelevements algues Miquelon©Eric Brossier
  • Prelevements algues Miquelon©Pascal Leborgne

L'eau est fraîche et les coups de vent s'enchaînent en hiver à Saint-Pierre et Miquelon, mais ces 18 et 19 janvier les conditions météo sont exceptionnellement calmes.

Thierry et Pascal m'accompagnent pour une belle navigation du port de Saint-Pierre jusqu'à Miquelon, une nuit au mouillage devant le village, et une plongée fructueuse dans l'Anse le lendemain.

Notre mission ? Collecter une cinquantaine de Saccharina Latissima, une algue laminaire étudiée actuellement par Merinov sur l'ensemble des provinces atlantiques canadiennes. Peut-être découvrirons nous que les propriétés génétiques et nutritionnelles des algues de Saint-Pierre et Miquelon sont uniques, voire exceptionnelles ?


De Grise Fiord à Saint-Pierre et Miquelon

  • 0827 Loic premiers essais filtrations ADNe Grise Fiord©EB
  • 1103 Equipage Grise Fiord Saint-Pierre©EB
  • 0554 Vagabond voiles ciseaux sud Terre Neuve©EB
  • 0759 Vagabond a quai a Saint-Pierre©EB

Avant de lever l'ancre et de quitter Grise Fiord, je suis invité à la mairie pour des adieux. Il y a beaucoup de nos amis, des cadeaux, des discours tous plus intenses les uns que les autres, des embrassades, des larmes... "Merci de nous avoir apporté un autre regard sur la science", "A bord de nos petits bateaux, on se sent plus en sécurité lorsque Vagabond est dans les environs", "Revenez en famille dans pas trop longtemps". Instants très émouvants.

Loic Sanchez est arrivé trois jours avant le départ, ce qui nous a permis de mettre en place le système de filtration d'eau pour prélever de l'ADN environnemental. L'objectif est de mieux prédire l'impact du changement climatique sur les populations de poissons. L'ADN récolté dans les filtres permet d'identifier les espèces présentes dans la zone lors des 30 minutes qui précèdent le prélèvement. Notre ami Sébastien Roubinet participe également à ce programme scientifique inédit et nous échangeons fréquemment avec lui, tandis qu'il est lancé dans un incroyable périple !

France, Leni, Ana et Yves sont repartis par les airs vers le sud, et j'accueille avec enthousiasme mes quatre coéquipiers bretons : Marie, Christophe, Ronan et Yves. Le temps de faire le plein de vivres, d'eau douce et de carburant, puis cap au sud.

Les glaces bloquent le nord-est de l'île Devon, nous peinons pour sortir du Jones Sound surtout que l'obscurité est de retour et qu'il neige ! L'équipage s'adapte rapidement, les quarts sont intenses, l'eau libre est atteinte dès le deuxième jour. Nous voilà en baie de Baffin.

Première escale à Clyde River où je retrouve Philip. Il nous fournit de l'huile moteur et nous évoquons nos souvenirs de plongées !

Trois jours plus tard, retrouvailles très amicales à Qikiqtarjuaq où nous avons vécu en famille entre 2013 et 2016. Heureux de revoir tous nos amis, je prends et donne des nouvelles sans cesse pendant près de deux jours, sans oublier de gravir la colline qui surplombe le village avec mes coéquipiers.

C'est la météo qui décide de l'escale suivante, au nord du Labrador. Par chance, nous trouvons un bon abri pour deux jours dans une région magnifique. Un ours, des caribous, des myrtilles et autres baies en grande quantité et ramassées sous les aurores boréales !

Le 21 septembre, Loic, Ronan et Yves débarquent à Nain dans la nuit, il est temps pour eux de rentrer en France. Vagabond poursuit sa route sans tarder, profitant de chaque belle fenêtre météo.

Dernière escale à Cartwright, toujours au Labrador, pour laisser passer Fiona ! Il faut ensuite quatre jours à Vagabond pour contourner Terre Neuve et atteindre Saint-Pierre et Miquelon le 1er octobre à 1h du matin, à 3200 milles (5900 km) de Grise Fiord.


Explorations scientifiques entre Ellesmere et Devon

  • 1045 Yves collecte coralline Tiriqqualuk©EB
  • 1832 Leni filtrations©EB
  • 1122 Arrivee Borge Ousland et Vincent Colliard glacier Sverdrup©EB
  • 0551 Manips oceano depuis Vagabond dans le pack©EB

Les derniers évènements n'ont pas épargné l'équipage, Leni remplace Minoli qui débarque à contre-coeur.

Les glaces nous interdisent toujours l'accès au détroit de Narès (entre le Groenland et le Canada), alors la recherche de coralline se poursuit sur la côte sud de l'île Ellesmere. Rien du côté du fjord Harbour, rien non plus aux îles Cône et Smith, mais une vraie mine dans le fjord Starnes ! Les épais échantillons collectés offrent de belles perspectives d'analyses sclérochronologiques (l’équivalent aquatique de la dendrochronologie, étude des cernes des arbres).

Il nous faut vraisemblablement oublier la baie de Talbot cette année, mais le vent a chassé les glaces et le détroit de Jones est désormais navigable : Vagabond peut répéter les transects océanographiques à travers le détroit de Jones et devant le glacier Sverdrup, ainsi que les relevés hydrographiques au plus profond du détroit (852m), comme chaque année depuis 2019.

C'est au bout du glacier Sverdrup que nous récupérons Borge Ousland et Vincent Colliard. Ils viennent de traverser la calotte glaciaire de l'île Devon. C'est un plaisir de se retrouver ! Vince reste à bord quelques jours et vient joyeusement renforcer l'équipage.

Fin août, nous jetons l'ancre au site de l'hivernage 2011-12. C'est l'occasion pour l'équipage de se dégourdir les jambes et de gravir "notre pyramide" où deux batteries utilisées pour des prises de vue timelapse attendaient patiemment d'être récupérées. Les trois équipements photo timelapses de Vagabond sont utilisés depuis 2021 par l'équipe de David Didier pour une étude de l'érosion du littoral de Grise Fiord.

En fin de mission, je suis sollicité pour rechercher un équipement perdu lors d'une manip près de la pointe Brume, non loin de Grise Fiord. Résultat : une belle plongée pour moi et une scientifique soulagée !