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L'enfer de Belcher

  • 1254 Recuperation mouillage oceano endommage par icebergs©EB
  • 0901 Ours observent Vagabond devant glacier Belcher ile Devon©EB
  • 1909 Vagabond echoue devant Grise Fiord pour reparations©EB
  • 1045 Longue lutte dans la houle et la glace©EB

Pour la quatrième année consécutive, le programme scientifique de la campagne d'été nous mène devant le front spectaculaire du glacier Belcher, descendant tout droit de la calotte glaciaire de l'île Devon.

La débâcle fût tardive cette année. Impossible de naviguer avant début août, "comme autrefois" nous disent nos amis de Grise Fiord. Le 8 août, il y a encore beaucoup de glaces dans le Jones Sound, il faut être patient pour trouver un chemin jusqu'à Belcher (100km). C'est l'occasion d'une belle rencontre avec deux ours dans ce dédale éblouissant.

A notre arrivée sur zone, les sites ne sont pas accessibles mais nous parvenons à rejoindre un abri d'où nous observons la dérive des glaces. En attendant le bon créneau, nous récupérons le marégraphe installé il y a un an. Plongée à tâtons : l'eau est tellement chargée d'alluvions qu'il fait nuit à moins de 10m de profondeur ! Heureusement les icebergs ont épargné l'instrument et les coordonnées GPS sont suffisamment précises pour le retrouver.

11 août, Vagabond se faufile entre les glaces en poussant de temps en temps. Le site du mouillage océanographique est atteint, peu de glaces autour, la mer est clémente, c'est le moment de déclencher le largueur acoustique et de libérer le mouillage de son lest. Ça marche ! Les bouées et les instruments apparaissent peu à peu à la surface, tous reliés par une ligne de 300 mètres de long. Tout est repêché et sécurisé sur le pont soudain très encombré. Les cages prévues pour protéger les instruments des icebergs sont totalement détruites, mais la majorité des capteurs a fonctionné correctement pendant un an. Toute l'équipe est satisfaite !

Un coup de vent d'Est est annoncé, modéré. Pas d'abri dans la région mais les glaces devraient nous protéger, comme souvent. Sauf que le vent au large est bien plus fort, une tempête inhabituelle. Résultat, les glaces sont balayées et la houle se forme. Pendant des heures interminables, Vagabond est piégé entre d'épaisses plaques de banquise qui le percutent violemment à chaque vague. A bord le stress monte. Par moments il faut se tenir pour ne pas tomber, crier pour se faire entendre. Vagabond va-t-il résister ? Au fil des heures, nous envisageons le pire. Je rappelle à chacun où se trouve les équipements de survie.

J'imagine déjà notre équipage réfugié sur la grande plaque de glace responsable du naufrage... Serions-nous en mesure d'attendre des secours ? Lesquels ? Ce scénario auquel nous nous sommes toujours préparé n'a jamais semblé aussi proche de se réaliser.

Le vent et la houle diminuent enfin, la pression des glaces se relâche, nous sortons du piège et quittons les trois ours qui nous tenaient compagnie pendant ces treize heures de lutte. Epuisés, à bord d'un Vagabond meurtri, nous cherchons en vain un abri pour attendre des conditions clémentes avant d'entreprendre la traversée retour vers Grise Fiord. Nous finissons par retourner dans les glaces, mais cette fois dans une toute petite baie remplie d'un brash qui amorti la houle.

Le 15 août, Vagabond est volontairement échoué sur la plage devant Grise Fiord. A marée basse, nous constatons les dégâts. Vagabond est endommagé, mais sa robustesse nous impressionne encore. La coque est terriblement cabossée, rien à faire. Le safran a été épargné, un miracle. Les cages, tordues, ont protégé les hélices; mais la cage tribord est tellement déformée qu'elle bloque l'hélice. Yves nous aide à tout redresser avec vérin hydraulique, chalumeau et marteau. A l'intérieur, des cloisons et des canalisations cassées sont réparées rapidement. La mission peut continuer.

Après les crevasses de Belcher, les glaces de Belcher...

Cet épisode nous hantera longtemps, nous n'aurons jamais fini d'apprendre sur la navigation dans les glaces, captivantes et redoutables.


Mission 2022, ça tourne !

  • 1918 Deux loaders pour tracter Vagabond©EB
  • 1622 Claire Maya Minoli Ana Leni recuperent donnees CTD©EB
  • 1250 Yves collecte coralline ile Skerries©EB
  • 1450 Vagabond et banquise en debacle tardive pres des iles Skerries©EB

La débâcle se fait attendre... France et moi sommes de retour à Grise Fiord depuis le 25 juillet mais les glaces nous dictent la patience !

Finalement, le 31 juillet, après deux tentatives, beaucoup de pelletage et l'utilisation de quatre engins différents, Vagabond flotte à nouveau. Merci Charlie, Nathan, Paul, Jessie. Et merci à toute la communauté de si bien veiller sur notre bateau.

Le jour même, l'équipe scientifique embarque et installe tout son matériel à bord. Le 1er août, Maya Bhatia, responsable du programme, et quatre étudiantes sont à bord pour une première sortie : il s'agit de tout tester et de valider les protocoles. La banquise, magnifiquement constellée de larges flaques de fonte, nous retient dans les environs de Grise Fiord. Par contre le fjord voisin est libre de glace et le 3 août nous sommes huit à bord pour une longue journée de mesures et de prélèvements océanographiques. Ça roule.

Yves arrive de Qikiqtarjuaq, juste à temps pour une première plongée au pied du Greenlander, à côté de Grise Fiord : belle collecte de coralline ! Du coup nous plongeons à nouveau au pied de cette falaise étonnante le lendemain. Minoli et Ana, la team science, sont occupées avec les échantillons.

Nous sommes donc cinq à bord, Minoli, Ana, Yves, France et moi, pour une mission d'un mois dans le détroit de Narès, entre le Groenland et l'île Ellesmere, et au nord de l'île Devon. Quand les glaces le permettront.

Le 7 août, nous tentons une plongée aux îles Skerries. Les explorations des années précédentes étaient prometteuses, mais les conditions n'ont jamais été favorables pour plonger. Cette fois, grâce à la banquise qui n'a pas encore débâclé, la mer est parfaitement calme autour des îles que nous parvenons à atteindre en nous faufilant entre les glaces. Un ours, bien installé au soleil sur la banquise, nous observe de loin. France, Minoli et Ana explorent les fonds depuis la surface, à l'aide de la caméra, et repèrent les meilleurs sites. Lorsqu'Yves et moi nous jetons à l'eau depuis Vagabond, les glaces dérivent rapidement autour de nous. A peine le temps d'atteindre le fond et de prélever un peu de coralline que nous entendons les moteurs du bateau ! Nous remontons, constatons que Vagabond vient droit sur nous et que les glaces se compactent contre les îles... Sous les glaces en mouvement, nous cherchons le bon endroit et le bon moment pour faire surface. Hop, sur la glace avec tout notre matériel, puis hop, on grimpe sur le bateau ! L'ours n'a pas bougé, ouf, suffisamment d'émotions.


Prospection géophysique au sommet de la calotte glaciaire de Devon

  • 1305 Equipe et pilotes mission geophysique ile Devon©EB
  • 1754 Tim et Brittany installent capteur magnetique vertical©EB
  • 1729 James aux commandes des mesures TEM©EB
  • 1243 Eric marteau source prospection sismique calotte glaciaire ile Devon©BM

De retour de 27 jours d'une mission incroyable au sommet de la calotte glaciaire de l'île Devon, à 1800m d'altitude. Avec une excellente équipe de 4 personnes, et plus de 3 tonnes de matériel, nous avons cherché des lacs sous-glaciaires !

Des relevés radar aéroportés effectués en 2016 et 2018 ont mis en évidence l'existence d'un complexe de lacs sous-glaciaires hypersalins sous le centre de la calotte glaciaire de Devon, dans l'Arctique canadien, où la glace a une épaisseur de 760 m et la température basale estimée de la glace est de -14,5°C. En savoir plus : Radar sounding survey over Devon Ice Cap indicates the potential for a diverse hypersaline subglacial hydrological environment

Pour confirmer les relevés aériens et déterminer l'épaisseur de la couche d'eau, nous avons effectué une prospection géophysique précise sur la calotte glaciaire de Devon. Les données acquises comprennent : 9 km de données de sismique-réflexion, 17 stations magnétotelluriques (MT) et 7 sondages électromagnétiques transitoires à grande boucle (TEM) utilisant une boucle de 500 x 500 m. Deux fois plus de données que prévu !

Cette recherche fait partie du projet SEARCH-Arctic financé par la Fondation Weston Family. Merci au Programme du Plateau Continental Polaire pour le soutien logistique, en particulier Dom, Pierre, Tim et Glenn. Membres de l'équipe de terrain : James Killingbeck, Eric Brossier, Brittany Main et Tim Hill. Membres de l'équipe impliqués dans ce projet, pas sur la calotte glaciaire : Siobhan Killingbeck, Martyn Unsworth, Chritine Dow, Alison Criscitiello, Ashley Dubnick, Anja Rutishauser et Zoe Vestrum.

Brittany et moi sommes également descendus jusqu'au glacier Belcher (et presque tombés dans les crevasses !) pour entretenir 2 trackers de vitesse de glacier. Ces dispositifs ont été mis en place à l'été 2021 par Luke Copland et son Laboratoire de recherche cryosphérique pour mieux comprendre comment le mouvement des glaciers évolue dans un climat qui se réchauffe.


Mise en place de Vagabond pour l'hivernage

  • 1013 Position finale pour hivernage ©France Pinczon du Sel
  • 1704 Travail de terrassier ©France Pinzcon du Sel
  • 1638 Position de Vagabond apres premiere tentative ©France Pinzon du Sel
  • 0104 Maree haute au milieu de la nuit ©France Pinczon du Sel

Une fois Léonie et Eric partis vers Saint-Pierre-et-Miquelon, juste à temps pour rentrée scolaire et prise de poste (nouvelle station de recherche), nous nous retrouvons à deux à bord de Vagabond, Louis Wilmote et moi, pour une quinzaine de jours. Louis, avant de rejoindre Grise Fiord, a fait escale à Arctic Bay afin de récupérer en plongée l'essentiel des derniers échantillons de coralline en attente depuis l'an dernier, ainsi qu'une dizaine de capteurs. Mission réussie entre son passage à l'aller puis celui de son retour !

Quinze jours bien occupés : beaucoup de maintenance, dont d'odorantes séances en salle machine, devant le village ou contraints de s'abriter derrière de petites îles non loin du village, avant la mise au sec de Vagabond. Enfin, tout est prêt pour la première tentative. La marée atteindra une hauteur d'eau suffisante au milieu de cette nuit là. Dans la soirée, Paul aux manettes de son loader creuse dans le lit de la petite rivière qui avait servi de berceau à Vagabond l'hiver précédent. Tout aurait été simple si... est-ce cette violente rafale de vent ou le béluga venu faire deux fois le tour de Vagabond, qui aurait décidé que nous ne verrions pas la profondeur du trou creusé ce soir là ? Vagabond se mit à dériver au moment où le loader creusait. Lorsque l'ancre crocha à nouveau devant Grise Fiord, le trou était terminé mais il n'était plus question de quitter Vagabond, doutant de la bonne tenue du mouillage.

Un peu plus tard, dans cette nuit sans lune, nous commençons l'approche. Mais nous nous rendons vite à l'évidence, immobilisés devant l'abri et une amarre rompu sous la traction du loader, que ce n'est pas pour cette nuit.

Le soir suivant Paul creuse à nouveau autour de Vagabond, perché et penché hors de l'eau dans la pente de l'estran. A 1h du matin, Vagabond progresse de 3 mètres avant que la chaîne qui le tracte ne glisse. Une seconde aussière se rompt... La pression monte. Il n'y a plus qu'une tentative possible avant que les coefficients de marée ne redescendent.

C'est alors que Raymond reprend les choses en main. Lui qui avait creusé, "autant qu'il pouvait", l'année passée. Il déniche dès le lendemain matin une chaîne plus longue et plus grosse que nous préparons. Puis sans prévenir, à la mi-journée il vient tester le montage avec son loader. Vagabond tourne un peu mais le loader se cabre ! Un peu plus tard au plus haut de la marée, le revoilà accompagné de Paul : en ligne l'un devant l'autre, les deux loaders hissent Vagabond comme une fleur dans son berceau ! Avant d'avoir fini notre repas, en spectateurs depuis le pont, nous nous retrouvons enfin en bonne place pour l'hiver ! Merci Paul et Raymond de votre pugnacité.

Prochaine mission, été 2022 !


Retour sur Sverdrup et Belcher

  • 1606 Leonie labo Vagabond ©France Pinczon du Sel
  • 2139 Mouillage glacier Belcher ©EB
  • 1549 Mise a l eau mouillage Belcher ©France Pinczon du Sel
  • 1507 Jeremie remonte bouteille Niskin ©EB

En revenant du nord, plutôt pressés par le temps nous décidons de piquer directement sur le glacier Sverdrup sur la côte nord de l'île Devon, pour les stations hydrographiques prévues. Mais la météo nous surprend et des pointes à 35 nœuds de vent arrière nous empêchent d'obliquer vers le glacier, qui d'ailleurs n'est plus du tout abrité. Vagabond cavale une quinzaine de milles nautiques de plus avant de trouver un abri provisoire; puis nous décanillons encore avant de découvrir un meilleur abri cinq milles plus loin ! L'attente fait partie du jeu, nous en profitons nous nous dégourdir les jambes, pique niquer à terre et observer l'état de la mer avec plus de hauteur.

De retour au glacier Sverdrup nous enchaînons deux transects avec stations CTD et filtrations diverses. Megan et Jennifer s'y remettent et c'est d'autant plus long avec une pompe à main cassée... Mais en deux jours sans répits, mission accomplie. Avant de repartir vers Grise Fiord nous allons prélever puis filtrer de l'eau du glacier, quelle joie de mettre pied à roche et à glace ! Deux jeunes scientifiques à Grise Fiord attendent ce prélèvement, ainsi que notre Vagabond pour en faire d'autres devant le village. De l'autre coté du Jones Sound donc, nous embarquons Maria et Patrick pour 5h de prélèvements qui se transforment en 14h. Et il leur faudra encore près de deux jours non stop pour achever de traiter toute cette eau sans attendre.

Nous préparons rapidement notre départ pour le glacier Belcher. Jérémie embarque tout le nécessaire pour déployer un autre mouillage océanographique, dont de curieuses pièces moteur lourdes à souhait trouvées à la décharge pour servir de lests. Jennifer ne ré-embarque pas, mais tout le monde prêtera main forte. La nuit de quart passée, les conditions sont parfaites. Nous allons droit sur le bon abri repéré l'année précédente en famille pour achever la préparation du mouillage. Et le lendemain matin, plouf ! Tout le monde est heureux du bon déroulement de l'opération. Le glacier est magnifique, nous recommençons les filtrations sous la direction de Megan toujours environnés de brash ou d'icebergs; chute de pan de glace... heureusement nous avons déjà passé cet endroit ! Le dernier soir nous profitons du calme de la nuit toujours ensoleillée pour une promenade sur le glacier.


Talbot

  • 1915 Prelevements eau baie de Talbot ©France Pinczon du Sel
  • 1743 Amarrage banquise ©EB
  • 1928 Jeremie et Leonie devant glacier Wykeham ©EB
  • 1054 Leonie entend le mouillage oceano installe en 2019 ©EB

Talbot inlet. Cette baie démesurée encerclée de glaciers à touche touche est le théâtre de notre mission. Ici pullule aussi la vie animale, bien gardée par des embouteillages de glaces, icebergs plus ou moins vieux, jeunes plaques de banquise pas encore fondues - fondront elles ? - brash, pack, de toutes formes, couleurs, hauteurs. S'y faufiler en louvoyant est grisant. Premier objectif, récupérer le mouillage océanographique déployé depuis le pont de Vagabond il y a deux ans. C'est le challenge de Jérémie : après avoir écouté, localisé le bip bip émis par le pinger du fond de l'eau, il tente de déclencher le largueur acoustique mais rien ne remonte ! On use nos yeux en parcourant autant que possible le périmètre mais au bout de nos efforts reste la déception. La pile du largueur est elle trop faible ? Cependant il est bien là, posé quelque part à 600m sous notre coque. L'Amundsen, pendant sa campagne d'été, parviendra t'il à le récupérer en y envoyant un ROV sectionner le câble du lest ?

La météo est avec nous, il faut en profiter. Nous enchaînons les transects CTD et stations hydrographiques, avec prélèvements et filtrations d'eau. Jours, nuits sans nuit, avec quarts de veille ou de barre dans le dédale de glace, étrange labyrinthe où l'on est jamais sûr de d'atteindre le point suivant. Mais finalement nous approchons les fronts glaciaires bien plus qu'en 2019 !

Repos proche de la côte, débarquements pour ramener une station météorologique introuvable, 3 puis 5 ours en vue ! La femelle aux deux oursons sera même observée allaitant.

Les points retenus pour la recherche de coralline sont difficiles à atteindre. Nous patientons, dérivons amarrés à des plaques de glaces, nous faisant même enfermer dans l'entrée de la baie par d'énormes plaques de banquise pluriannuelles dérivant du nord. Nous ne pouvons finalement explorer qu'une petite partie des sites "coralline".

Lorsqu'il est temps de redescendre vers Grise Fiord, Vagabond est longtemps escorté par des champ de glaces, son sillage hésitant et déboussolé témoigne de notre sursis de magie !

Voir les photos de l'album Ellesmere 2021.


Ours de Talbot

  • 1310 Narval sonde iceberg Talbot ©Leonie Brossier
  • 1410 Leonie photo ours ©France Pinczon du Sel
  • 1410 Ours de Talbot ©Leonie Brossier
  • 1414 Ours inspecte amarre ©Leonie Brossier

Après une semaine coincés dans le fjord Grise par les glaces nous avons enfin réussi à embarquer les scientifiques, vendredi dernier. Ce matin (lundi) nous avons fait la première station, après avoir passé 3h à essayer d'écouter et de récupérer un mouillage vainement. Je me suis finalement recouchée vers 1h30 pour m'endormir 1h plus tard et me lever à 9h30. J'arrivais en pleines filtrations, exécutées à la main car la pompe ne fonctionnait pas... Soudain Jennifer rentre plus ou moins affolée. Je me précipite vers la fenêtre et, pendant qu'elle nous dit qu'il y a un ours dehors, j'observe ce dernier grimper sur la glace en regardant le remue-ménage que nous faisions. Je descendis réveiller papa, et quand je suis remontée, il était en train de renifler l'avant du bateau, auquel il avait accès grâce à la plaque de glace à laquelle nous étions amarrés. Craignant qu'il ne monte à bord sans autorisation, maman est sortie avec un couvercle et a tapé sur la rambarde avec; et après une ou deux secondes d'hésitation, l'ours prit ses jambes à son coup !!! Papa arriva à ce moment là et n’eut que le temps de le voir disparaître derrière la bosse, et Jérémie n'eut que l'histoire. Je m'habillais en vitesse pour monter dans le mât, et c'est moi qui le vis partir à la nage depuis le roof. Je suis quand même montée dans le mât, d'où j'ai pu voir des narvals. Plus tard, une fois tout le monde au lit excepté maman, Jérémie et moi, nous avons vu pleins de narvals, de tous les côtés. Je suis ressortie avec l'appareil photo, mais c'est dur car ça ne fait que des petits points noirs... Personnellement je suis très contente d'avoir vu trois queues dont une de face et deux dents !

(Plus tard...) : l'ours est revenu !!! Cette fois je suis montée sur le toit et tout le monde a pu en profiter ! J'ai pris pas mal de photos, cherchant à capter des positions ou le regard. Je me suis un peu inquiétée alors qu'il se rapprochait, mais maman a réglé ça à coups de couvercle. Finalement il a fini par partir après avoir essayé de grimper à bord et de manger l'amarre (repoussé par le couvercle).

Voir les photos de l'album Ellesmere 2021.

Position de Vagabond.


Transition

  • 1758 Gateau de Laisa pour concours Nunavut Day ©EB
  • 1447 Recuperation donnees station meteo glacier Grise Fiord ©EB
  • 1408 Raymond degage glace derriere Vagabond ©EB
  • 1808 Leonie et France dans les glaces ©EB

Vagabond flotte à nouveau. La deuxième tentative fût la bonne. Marée haute de fort coefficient et bateau puissant de Kavavow furent nécessaires pour quitter la plage de Grise Fiord. Cette mise à l'eau marque la fin d'une période de transition.

De la terre à la mer. De l'hivernage à la navigation. Vers le rythme trépidant d'une mission scientifique !

Du solo à l'équipage, depuis le retour de France et Léonie le 22 juillet après 15 jours de quarantaine à Ottawa. Joyeuses retrouvailles, bouleversées par la mort du papa de France le lendemain. Nous restons proches de la famille malgré la distance.

Le printemps est passé comme un éclair. La neige a fondu, la toundra a fleuri, les torrents coulent à nouveau. La banquise a été constellée de magnifiques flaques de fonte, puis a débâclé mi-juillet.

Transition vers des températures positives, certes, mais il neige régulièrement, même en été. Quel contraste avec les 50°C atteints dans le sud du pays !

Depuis quelques semaines les chasseurs emportaient un petit bateau, sur un traîneau, au cas où, jusqu'au bord de la banquise. C'est là qu'ils ont attrapé les premiers morses, phoques barbus, bélugas ou narvals. Maintenant les bateaux remplacent les motoneiges, jusqu'à ce que la mer gèle à nouveau.

Pour accéder au glacier, les crampons remplacent les skis. Sans neige, j'ai pu retrouver la station météo perdue et récupérer les données, importantes pour l'étude du glacier Asuittuq. Une belle manip !

Depuis mon retour il y a plus de deux mois, grâce au jour permanent, nos bons vieux panneaux solaires (2004 !) fournissent toute l'énergie électrique nécessaire à la vie à bord de Vagabond, c'est très satisfaisant !

Le 1er juillet, la fête du Canada n'a pas été célébrée à Grise Fiord suite au scandale des pensionnats pour autochtones (années 1950 à 1990) et à la découverte des restes de plus d'un millier d'enfants.

Le 6 juillet, la leader inuite Mary Simon a été nommée gouverneure générale du Canada, une étape historique vers la réconciliation. Le livre de Larry Audlaluk apporte un précieux témoignage sur les souffrances imposées aux Inuits de Grise Fiord par le gouvernement canadien des années 50. Le documentaire Wounded Healers véhicule espoir et optimisme.

Le 9 juillet, c'était la fête du Nunavut. A Grise Fiord, ce fût un concours de pêche, une course de petits bateaux, un concours de décoration de gâteaux, des jeux, un petit festin, de la musique... et le bonheur de se rassembler pour célébrer.

Transition dans les centres de santé : le métier devient plus difficile à exercer au Nunavut et il manque d'infirmières. Après 30 années de services au Nunavut, dont les 10 dernières à Grise Fiord, notre amie Joanne a regagné son Acadie natale. Un départ très émouvant pour elle et pour tout le village qui a connu trois décès soudains l'hiver dernier, alors qu'il n'y en avait eu aucun pendant 8 ans.

Transition du nord au sud pour l'équipage de Vagabond aussi, de l'Arctique vers le Subarctique, puisque j'ai accepté un poste à Saint-Pierre-et-Miquelon pour m'occuper d'une nouvelle plateforme de recherche. Sans délaisser les missions arctiques de Vagabond chaque été !

Voir les photos de l'album Ellesmere 2021.

Position de Vagabond.


Etude de l'océan depuis sa surface gelée

  • 1428 Terry snack devant glacier Jakeman ©EB
  • 1000 Eric CTD Fram Fiord ©Terry Noah
  • 1600 Oceanographie 520km de banquise ©EB
  • 1648 Releve hydrgraphique devant glacier Sverdrup avec Tom ©EB

Comme la majorité des glaciers, celui de Grise Fiord recule rapidement. C'est ce que montre l'étude pour laquelle nous plantions des perches avec Jimmy le 21 mai. Mais que devient l'eau de fonte, quelle influence a-t-elle sur l'océan, quel apport en nutriments peut-on observer ? C'est ce qui intéresse l'équipe pour laquelle nous travaillons depuis 2019.

Cette année, en complément du programme estival, nous prenons le pouls de l'océan avant la fonte, avant que les rivières glaciaires ne se manifestent.

Premier glacier, Sverdrup, côte nord de l'île Devon. Il nous faut trois jours pour l'atteindre. La banquise du détroit de Jones est chaotique cette année et de plus, nous passons une journée sous la tente à laisser passer le blizzard. Je fais équipe avec Tom Kiguktak. Nous avions fait ensemble un long périple depuis Resolute Bay en 2012, c'est un plaisir de partager cette nouvelle mission. Nous avons le même âge. Devenu père de famille il y a quelques années et salarié à temps plein au village, il chasse moins et n'est pas sorti depuis longtemps; du coup il est extrêmement enthousiaste ! Avant de l'embaucher pour une semaine, j'ai écris à son employeur pour justifier sa demande de congés sans solde. Nous savourons chaque instant comme des enfants et oublions vite les chaos de la banquise, le vent, les pannes de skidoo ou de tarière, les heures de filtration de l'eau de mer prélevée sous la glace ou en profondeur. Quelques inquiétudes pour notre deuxième campement, où nous passons trois nuits en zone fréquentée par les ours (nous en observons sept)... soulagement de le retrouver intact chaque soir !

"Nous sommes en sécurité, tout va bien aller, nous n'avons pas bon goût, nous sentons le skidoo", me dit Tom un soir en rentrant dans la tente, après avoir fait un tour d'horizon et observé deux ours. L'un d'eux est assez proche, en train de chasser un jeune phoque. Il mangera surtout la peau et la graisse, et laissera la viande aux renards et aux oiseaux. Si nous pensons qu'un ours rode à l'extérieur, il faut signaler sa présence en faisant "hum" par exemple.

Je ne me lasse pas des incroyables histoires de chasse que Tom aime raconter tranquillement sous la tente. Il pourrait être l'auteur de dizaines de documentaires et livres d'aventures !

Deuxième glacier, Jakeman, île Ellesmere, à l'est de Grise Fiord. Cette fois je pars avec Terry Noah. Il n'a pas 30 ans, il est lui aussi père de deux enfants et a créé sa propre entreprise, Ausuittuq Adventures. De plus il s'est lancé dans la transformation du produit de sa chasse et de sa pêche. L'été dernier, nous l'avions accueilli à bord de Vagabond avec sa famille. Et c'est lui qui avait apporté un jeune phoque à Léonie en 2012 !

Non loin du glacier, Terry vient d'installer une cabane que nous inaugurons. Meilleur abri que la tente face aux ours et tempêtes. La banquise par ici est telle un billard, c'est la brume épaisse qui serait dissuasive... Mais nous atteignons là encore le front du glacier et pouvons enchaîner les stations hydrographiques.

Au total, 520 km parcourus en 10 jours, 26 profils avec la bathysonde (23 trous à la tarière et 3 trous de phoque "empruntés"), 42 échantillons d'eau et filtres congelés, dans des profondeurs de 8m à 620m (max du treuil).

Voir les photos de l'album Ellesmere 2021.