Histoires de banquise
La mission Mosaic suit son cours, au fil de la dérive transpolaire qui nous rapproche doucement du pôle Nord (moins de 300km), et au rythme d'un intense programme scientifique.
A 87°30' de latitude Nord, même pendant la nuit polaire, les aurores boréales sont très rares; celle observée récemment était frangée de rouge. Superbe spectacle également lors de la pleine lune du 10 janvier et de l’éclipse partielle. Ou bien sous le ciel magnifiquement étoilé lors de la sortie camping que j'ai proposée samedi dernier : une vingtaine de scientifiques ont ainsi quitté le cocon du Polarstern, le temps d'une nuit, pour mieux ressentir l’océan Arctique qu'ils sont venus étudier.
Un ours bien léché a visité avec attention une partie des innombrables installations, il n'a rien endommagé, et a même évité de marcher sur la neige sous les radiomètres qui mesurent la température de la surface de la banquise et les radiations émises. Seul un appareil photo automatique a vu l'ours, peu après minuit le 19 janvier. Ses traces nous ont racontés son parcours.
La banquise craque allègrement dans les environs du Polarstern ces jours-ci. Hier, alors que je veillais sur deux équipes qui souhaitaient travailler de l'autre côté d'un crack, la glace grinçait, gémissait. En poste près des zones d'ouverture et de friction, avec deux motoneiges et trois traîneaux stationnés du 'bon' côté, j'ai assisté soudain à une rupture multiple. La banquise se dérobait sous mes pieds. Un des traîneaux s'est trouvé à cheval sur une fracture qui a vite atteint plus d'un mètre de large. A peine le temps de démarrer les skidoos pour les déplacer, l'un des skis était déjà dans l'eau ! Heureusement le moteur était encore chaud et la machine a bondi hors de la crevasse en échappant au naufrage (4500m de fond...). Simultanément, une crête de pression poussait rapidement, il était temps de rassembler tout le monde et de regagner notre vaisseau. Que va devenir la banquise de Mosaic ?
Du côté de Vagabond et d'Arctic Bay, Louis a eu l'aide de un ou deux phoques pour entretenir les trous dans la banquise et lui faciliter le travail avant de plonger ! Par -36°C hier, l'eau devait presque lui sembler chaude, à -1,8°C. Dans ces conditions, c'est un réel défi technique et logistique d'aller chercher une dizaine d'échantillons de coralline, installés sur le fond depuis septembre, et de récupérer les données des capteurs de lumière, température, salinité et pH. Johan, le professeur de Léonie était là pour assister Louis en surface, et les amis du village pour réchauffer notre plongeur avec des festins de caribou, d'omble arctique et de phoque.