Tout est enfin en place. Capteurs, câbles et haubans décorent utilement notre
fier pylône de 7m à côté de la cabane. Mesurées désormais toutes les heures,
les données de vent, pression et température sont envoyées à Paris toutes les
12h, et ce pour au moins 18 mois. Le plus difficile ne fût pas tant le puzzle
à assembler, malgré l'onglée, la glace qui bouchait le moindre trou, ou les
vis corrodées depuis le printemps dernier. Le plus dur reste certainement le
trajet pour rejoindre la cabane, à seulement 200m du bateau ! Lorsque la
météo autorise une telle excursion, je commence par enfiler une combinaison
étanche pour franchir plus ou moins à la nage la zone de banquise fracturée le
long de la berge. Ensuite, une bonne frontale pour y voir clair dans la nuit
polaire, et de quoi dissuader un ours de trop s'intéresser à moi. Hier
justement, alors que je viens de patauger un peu pour atteindre la berge, un
ours se dirige soudain vers Imiaq et moi. Dans ma tenue de casimir, attaché à
ma pulka avec tout mon équipement, je tente en vain de lui envoyer une fusée,
le pistolet d'alarme ne fonctionne pas. J'attrape le fusil et tire au dessus
de sa tête pour le voir déguerpir avec soulagement. France, depuis le bateau,
ne cesse de pointer le projecteur sur l'animal splendide et agile dans la
neige profonde, tandis qu'il s'éloigne vers le fjord. J'attends alors un bon
moment, et je fais signe à Imiaq de reprendre le chemin de la cabane.
Rejoindre son lieu de travail est parfois une petite expédition !