Blog

Vivre la banquise

  • Un dimanche sur la banquise
  • Epaisseur banquise Qikiqtarjuaq 7mars2014
  • Reception 640kg de materiel scientifique

Vendredi, le glaciomètre arpente 100km de fjords au sud de Qikiqtarjuaq, jusqu'à l'entrée du fjord Pangnirtung Nord. Magnifique. Un privilège de circuler sur une belle banquise, bien enneigée, entourée de sommets et falaises superbes.

Au fond du fjord se trouve le départ du sentier Akshayuk Pass, qui traverse le parc national Auyuittuq jusqu'à Pangnirtung. Il attire les randonneurs et aventuriers de toutes sortes, été comme hiver. Parmi les premiers de la saison, malgré des températures encore basses, quatre coureurs qui nous rendent visite à bord de Vagabond avant de tenter de parcourir les 140km en moins de 48h. Bientôt, il y aura une tentative en vélo ! Habituellement en cette saison, ce sont des skieurs.

Samedi, avec Leelee, tentative de chasse au phoque, mais les trous de respirations trouvés n'avaient pas été utilisés très récemment... Bredouilles. Quoiqu'il en soit, ce fût une belle journée sur la banquise !

Dimanche, au sud de l'île Broughton, c'est depuis la cabane confortablement chauffée que se préparent Sammy, Philip, Yves et Eric, entourés de femmes et enfants, avant de plonger sous la banquise. Personne ne se lasse de ces moments partagés et tout le monde se régale de palourdes.

Les trente caisses de matériel scientifique envoyées par l'équipe de Takuvik sont enfin arrivées, hier... le même jour que l'éclosion des premiers poussins nés à Qikiqtarjuaq ! Des suisses résidents à Qikiqtarjuaq ont apportés des œufs et fabriqué une couveuse, au grand étonnement des Inuits qui n'avaient jamais encore vu de poussins !

Au travail donc, pour la science !

Plus en images.


Fête au village

  • Commemoration secours exceptionnel

Nous revenons d'une petite fête au village pour un événement pas banal : c'est la date anniversaire d'un secours exceptionnel qui a eu lieu l'an dernier. Un homme s'était perdu dans une traversée en skidoo et après 7 jours de recherches, il a été retrouvé vivant, alors qu'il n'avait pas de vivres et qu'il faisait dans les -30°C... Le discours de son père, bien qu'en inuktitut, était émouvant.

...nous, on survit bien sur Vagabond, tout le monde a le sourire, même si les onglées sont parfois inévitables pour les petites mains dehors !


Un autre monde

  • Degager le sable pour trouver des clams
  • Charlie remonte avec sac de clams

A peine un mètre de banquise nous sépare d'un autre monde. L'eau est claire en hiver, la lumière du soleil passe au travers de la neige et de la glace, et la riche vie sous-marine contraste avec l'apparent désert blanc en surface. Plonger dans une eau à -2°C, lorsqu'il fait -30°C dehors, représente quelques contraintes, mais le spectacle est inoubliable. C'est surtout une chance de pouvoir suivre Charlie, un des rares plongeurs du Nunavut, qui collecte des palourdes pour gagner sa vie, et de profiter de son abri chauffé au-dessus du trou !

Plus de nouvelles en images; voir aussi le blog et l'album de Léonie.


Lumières hivernales

  • Aurore et lever de lune sur Vagabond
  • Charlie rince les palourdes

Le ciel d'hiver est à la fête, au dessus de Vagabond. Aurores boréales dansantes, clair de lune éclatant, aube rose, soleil rasant... Ce dernier est de retour depuis quelques jours, il est au plus haut (au sud) à 11h28, c'est donc surtout le matin que nous profitons de sa lumière.

Voilà dix jours que nous sommes de retour à bord, nous avions hâte ! Valentine et Vincent ont partagé deux petites journées avec nous, avant de s'envoler vers Québec, nous laissant un Vagabond impeccable. Peut-être reviendront-ils bientôt ? Ils ont été adoptés par les habitants de Qikiqtarjuaq, qui nous ont également réservé un accueil très chaleureux, avec de nombreux "bon retour chez vous !". C'est en pick-up 4x4 que nous avons parcouru les trois kilomètres de banquise qui séparent le bateau de l'aéroport. Etonnant !

Léonie a retrouvé ses copines d'école, les cours d'inuktitut et de patin à glace, dès le lendemain de notre arrivée. Elle était très attendue. Aurore aussi était impatiente de retourner aux "Parents and Tots" (espace pour parents et enfants de moins de cinq ans, âge d'entrée à l'école). Le week-end suivant, des enfants sont venus seuls en motoneige pour jouer dehors avec elles, à côté de Vagabond.

Floortje était à bord cette semaine, avec son caméraman Oscar, nous découvrirons leur reportage le mois prochain ! Ils ont assisté avec nous à une plongée sous glace de Charlie, très heureux de sa bonne collecte de palourdes. J'ai profité du trou pour utiliser notre petit filet à plancton.

L'appareil photo installé début octobre fonctionne toujours, à raison d'une image toutes les heures. L'embâcle et la nuit polaire sont dans la boîte ! La banquise atteint presqu'un mètre d'épaisseur, dans les environs du bateau, au-dessus d'une eau à -1,71°C... Les manips et les sorties sur la banquise sont en préparation, une grande partie du matériel sera bientôt expédié de Québec. La motoneige achetée par Takuvik est en rodage, il s'agit maintenant de trouver et organiser des qamutiks (traineaux). Nous serons très occupés au printemps !

Mercredi dernier, un petit vent nous a permis de tester l'une des quatre voiles offertes par ParaskiFlex lors de notre passage au siège de l'entreprise, non loin de Montréal. Un magnifique partenariat totalement inattendu ! Ainsi notre périple en France et au Québec fût bien rempli.


Jeux de Noël

  • Jeux de Noel suite

Les Christmas Games (du 23 décembre au 3 janvier) ont été marqués par beaucoup de rigolades. Un moment spécial où le village entier vibre au son d’activités communautaires alors que dehors la clarté est au plus court. Chaque soir on se rassemble pour des jeux tous plus improbables les uns que les autres : concours d’avions en papier, tournoi de basket en imitant des singes, tours de dés, lancers de bonbons ou même courses avec une feuille de papier entre les fesses ! Danse, chant, grimaces, les jeux les plus populaires sont souvent ceux où on a l’air le plus ridicule.

Le jour de Noël, un gigantesque banquet a eu lieu offrant palourdes et « maqtak » de narval, et la municipalité y a distribué de nombreux fruits.

Une messe commune aux différentes confessions a célébré chaque réveillon, celui du 31 se poursuivant par une immense parade de tous les véhicules du village. On n’aurait jamais soupçonné que la file serait aussi grande ! Chaque rue a été empruntée et le défilé s’est terminé sur la banquise.

Ces jeux, fêtes et messes ont été aussi une extraordinaire occasion de rencontrer de nouvelles personnes et de découvrir la composition de certaines familles. La période est propice aux visites, aux cadeaux et aux invitations. C’est ainsi que nous avons été conviés à prolonger les festivités (en jouant au Uno) dans une cabane à 40km au sud de Qikiqtarjuaq, loin de l’effervescence du village !

Au bateau tout va bien, la glace approche les 75cm d’épaisseur. Aucune chute de neige depuis longtemps, mais ce soir du blizzard est annoncé; ça manquait au tableau avant notre proche départ du bateau dans dix jours. La famille Brossier est en route, et fait actuellement escale au Québec pour organiser la prochaine mission scientifique de Vagabond.

D’ici là, nous allons bientôt observer le retour du soleil, aller à l’école présenter le film réalisé avec les élèves, et hélas, faire nos bagages...


Joyeux Noël à tous ! par Valentine et Vincent

  • Au creux de l'aurore
  • Pickup pres de Vagabond

Depuis 3 semaines, la banquise vers le village est praticable et nous avons donc retrouvé nos allers et retours depuis le bateau ainsi que nos visiteurs à bord. Certains ont rencontré la famille de France et Eric à Grise Fiord, où leur séjour a marqué la communauté. Les gens demandent souvent de leurs nouvelles et les filles de l'école attendent le retour de Léonie !

Nous avons un chien depuis hier. Putsch, plutôt petit et très sympa, prêté par Jayputee.

Au début de mois de décembre, chacun s’affaire pour préparer son hiver : on soigne sa motoneige, on prépare son filet à phoque, on fait les premiers voyages de pêche sur la glace, on cherche les « agluus » (trous que les phoques entretiennent pour respirer) et on se construit un nouveau qamutik (traineau en bois) ! Nous prenons beaucoup de plaisir à découvrir ces activités et à y participer.

Nous avons également passé du temps à l’école pour présenter certains voyages que nous avons faits et répondre aux questions des élèves. Finalement, les élèves ont participé à un projet lancé par Valentine : raconter leur vie quotidienne à des élèves « du Sud », ce qu’ils aiment, à quoi ils jouent, ce qu’ils font après l’école ou juste ce qu’ils ont envie de partager au travers de dessins, textes, vidéos etc. Un travail passionnant !

Et surprise un matin, un ami vient nous chercher… en voiture ! « Dès que la banquise est assez solide (plus de 35 cm) et pas trop recouverte de neige, l’inuk prend sa voiture » nous a-t-il dit devant nos mines effarées ! Peu de temps après, 4 gros pickups sont arrivés à côté du bateau ! Peut-être devrons-nous bientôt organiser un parking !!! Les gens du village se déplacent cependant toujours majoritairement en motoneige et très gentiment nous ramènent souvent à bord. Gare à cette offre : cela nécessite de couvrir tout cm2 de peau… la température extérieure étant maintenant de -30 degrés, celle derrière une motoneige lancée à fond est… vraiment fraîche !

Ici comme ailleurs, Noël s’est annoncé : chaque maison a maintenant ses lumières et son sapin (en plastique), tout le monde parle de la semaine de jeux organisée entre Noël et le jour de l’An, et le concert des enfants de l’école hier a annoncé le lancement des festivités !


Valentine par Vincent, Vincent par Valentine

  • Valentine et Vincent

Après une Maitrise en Affaires Internationales et deux années en tant qu’auditrice dans une société financière au Luxembourg, Valentine Ribadeau Dumas change de cap il y a dix ans, et décide de suivre sa véritable passion. Elle embarque sur le vieux-gréement la « Fleur de Lampaul », en tant que membre d'équipage et observateur de mammifères marins. Elle réalise alors le peu de connaissances que nous avons sur ces espèces et décide de mettre ses compétences en administration au service de missions scientifiques. Elle s’installe alors au Québec où, durant six ans, elle part en mer étudier les baleines et organise les expéditions scientifiques de la Station de recherche des Iles Mingan. Son parcours la conduit par la suite au Spitsberg, puis à Resolute Bay au Nunavut afin de coordonner les bases logistiques de l'expédition de plongeurs "Deepsea Under The Pole" et de la mission scientifique "Catlin Arctic Survey". En 2012 et 2013, elle navigue dans la Baie de Baffin sur le voilier de « Students On Ice », support de projets de recherche, de communication et d’éducation à l’environnement. Ces voyages et les rencontres avec les communautés inuites du Canada et du Groenland lui donnent aujourd'hui l'envie de transmettre et de créer des ponts entre les univers du Nord et du "Sud". Son séjour à bord de Vagabond est une opportunité de partager et d'apprendre davantage sur la culture inuite.

Bourguignon d’origine, Vincent Berthet découvre la mer et le voyage à 13 ans à bord du voilier-école Karrek Ven. Durant 5 années, il navigue dans les eaux des Caraïbes et participe à des missions d’archéologie et d’ethnologie auprès des amérindiens. L’équipage filme ses aventures et son quotidien, faisant naitre chez Vincent une passion pour l’image. De retour en France, il intègre une école d’audiovisuel pour ensuite travailler 5 ans dans une société de production de documentaires, assurant la préparation et la logistique de nombreux tournages dans différents pays. En 2008, il décide de larguer de nouveau les amarres et s’embarque à bord d’un voilier pour l’expédition « Around North America » en tant que cameraman. De l’Alaska vers la Norvège en passant par le Canal de Panama, il assure le suivi photo et vidéo de toute l’expédition. Il atterrit ainsi au Spitzberg et devient fasciné par les régions polaires. Il s’installe au Québec en 2009 et les hivers le rapprochent un peu plus des conditions nordiques. Il filme ensuite l’expédition « Under the Pole » passant 45 jours sur la banquise illustrée dans le film « on a marché sous le pole ». En 2012, il explore la côte est du Groenland en kayak (« Le piège blanc ») et finalement en 2013, il est le coéquipier de Sébastien Roubinet pour une tentative de traversée de l’océan arctique (« la voie du pôle »). A bord de Vagabond, Vincent contemple l’embâcle et apprécie sa première nuit polaire.

Liens : rorqual.com, Catlin Arctic Survey, Students on Ice, Arctic Tern, 69nord, Under The Pole, Wide, La Voie du Pôle.


Village atteint par la banquise

  • Premiere traversee sur la banquise entre Vagabond et le village

Après deux semaines d'embâcle, la banquise nous a enfin semblé assez solide pour traverser les 3km jusqu'au village. Dès que la luminosité l'a permis, nous nous sommes faufilés entre des icebergs tabulaires, au nord de la route directe, afin de contourner des zones de glace trop fine. Il a fallu aussi guetter l'éventuelle réapparition du gros ours mâle aperçu la veille et dont les traces ont longé le bateau cette nuit. En cinquante minutes de marche, nous sommes arrivés sur la grève de Qikiqtarjuaq où s'est formé un chaleureux comité d'accueil qui a crée un petit embouteillage de quads, de pick-up et de piétons ! Nous avons été salué par les enfants, Mme la Maire, Sarah et Leelie qui nous ont invité chez eux pour prendre une douche. Nous avons apparemment gagné quelques galons en devenant les premiers à marcher sur la glace, à la fraiche ! Plusieurs ont observé la progression de nos silhouettes et se téléphonaient pour transmettre la nouvelle. Chacun nous félicite, nous souhaite un bon retour en ville et, comme toujours, plaisante : "Vous êtes toujours vivants ?".

On apprend aussi que les ainés ont parlé de nous à la radio locale, invitant la population à prendre soin de nous, à nous appeler quotidiennement car nous sommes "les voisins d'Aninatalik" (le nom du site d'hivernage, un endroit où se situent beaucoup de leurs souvenirs d'enfance et de chasse).

C'est vrai que chaque jour une personne nous appelait à la VHF, s'assurant que tout allait bien, pour nous renseigner sur l'état de la glace ou pour nous signaler un ours. On réalisera par la suite que beaucoup de monde a suivi nos conversations !

Nous apprécions cet esprit de communauté si fascinant et que les villes ont perdu. Les ainés, personnages très respectés, sont ceux qui insufflent cet esprit de partage et d'entraide. Maintenant que l'hiver est là, on nous promet visites en motoneige et très bientôt des chiens pour nous alerter de la présence d'ours.

On nous a aussi confié un crâne d'ours à nettoyer, nous l'avons immergé sous le bateau pour que les crevettes le débarrassent de sa cervelle. Chaque jour, on doit donc entretenir le trou sous peine que la glace s'épaississe, et vérifier le travail des crevettes ! C'est sur ce crâne que nous pouvons récolter escargots de mer et oursins afin d'apporter un peu de fraicheur à nos assiettes. Gouter à leurs produits ou s'initier à leurs techniques procurent aux Inuits une grande fierté et semble les garants d'une bonne réputation.

Nous sommes maintenant à mi-parcours de notre séjour de gardiennage et à partir d'aujourd'hui, le soleil n'illuminera plus Qikiqtarjuaq. Il va demeurer derrière les montagnes de la Terre de Baffin jusqu'au retour d'Eric, France, Léonie et Aurore.


La magie de l'embâcle

  • La mer gele debut novembre

L’annexe se frayait récemment encore un chemin vers la terre ferme mais depuis peu, les signes ne trompaient pas : les pécheurs entamaient leur dernier voyage en bateau pour l’année, les observations d’ours se sont faites plus fréquentes, les chasseurs ont fait le plein de phoques dans l’eau encore libre et finalement, nos visiteurs nous ont annoncé que bientôt ils ne pourraient plus venir ! La baie où Vagabond est ancré, petit havre tranquille protégé des houles du large, est le lieu où cela a commencé… Depuis le 8 novembre, nous avons vu apparaitre ces reflets au matin qui ne trompent pas, ceux qui font que l’on sort plus vite du lit pour voir et y croire, ceux où on se dit «et c’est parti… pour 8 mois au moins !». D’abord une glace fine se tassant en crêpes et se solidifiant de jour en jour tranquillement, sans bruit, sans grincer, sans chaos ! Puis le vent a ralenti un peu le processus, le temps pour nous d’un week-end animé de balade vers Tusinaq (5 km du village) où quelques habitants ont leur « cabine » et de nombreuses visites à bord : on passe pour un thé, un café, le temps d’un jeu, on partage un gâteau, un pain, une « banik » (pain cuit à la poêle), un peu de poisson, on raconte ce qui se passe dans le coin et on rigole toujours ! Le partage est une valeur qui a beaucoup de sens et cela se fait très naturellement. Nous sommes très touchés par ces dernières visites, celles de quelques amis venus s’assurer que nous n’avions besoin de rien pour nos quelques jours « coincés à bord », le temps de l’embâcle. Nous écoutons aussi les ainés et leur connaissance de la glace. Trop peu d’eau libre pour voyager en annexe, mais pas encore de banquise assez solide pour marcher dessus. Pour l’occasion, un des pêcheurs de palourdes du coin, Samy, tout juste de retour de plongée, passe à bord nous en apporter quelques-unes.

En début de semaine, la glace autour du bateau s’épaissit un peu et nous tentons d’y mettre un pied, puis deux… Finalement nous partons en balade dessus ! Nous pouvons maintenant nous rendre à la pointe située à 1km du bateau vers le village, mais le passage ensuite vers le village est encore impraticable.

L’embâcle est donc en cours, à son rythme, il fait -18C aujourd’hui et pas de vent.