-37°C aujourd'hui. Les enfants restent dans le gymnase et ne vont pas dehors pour la récréation. Exceptionnellement.
L'équipe de l'Âme Bleue est là depuis 4 jours, les plongées s'enchaînent. L'idée de participer à la collecte d'algues a permis aux plongeurs d'établir un bon contact avec quelques villageois. Ne rapporter que des images, des ces plongées qui demandent tant d'effort, ça n'aurait pas de sens... mais ramasser des algues, dont on raffole ici, ce fût un joyeux succès !

Laurent rêve de retourner voir un iceberg de près. Celui qu'il a exploré en septembre est toujours là, échoué devant le village, mais il est trop menaçant. Je lui préconise un iceberg plus modeste, près de Vagabond. C'est notre réserve d'eau douce ! Le temps de faire le trou, et l'autre iceberg s'effondre, brisant la banquise de façon spectaculaire...

A côté du trou, deux petites tentes chauffées. Sous la banquise, un autre monde. Par ce froid, il faut toute une logistique pour accéder, même en apnée, à la face cachée de la glace, banquise et iceberg. Ce dernier est échoué sur un fond de près de trente mètres. Très belle plongée partagée avec Laurent et Jacques.

Faute d'avoir réussi à faire le plein de carburant avant l'hiver, il était temps d'assurer un ravitaillement minimum pour alimenter chauffage et générateur. Nous essayons par camion, mais une congère de neige s'y oppose, alors le transfert se termine en motoneige.

Deux semaines de tournage s'achèvent, les cartes mémoires des cinéastes sont pleines de beaux moments de partage ! Alors nous acceptons volontiers une invitation à passer le week-end dans une petite cabane à 50km au sud de Vagabond.

C'est pendant l'été 2005, sur la côte est du Groenland, que Vagabond et son équipage ont fait plus ample connaissance avec le plancton. Notre mission était de plonger le filet à intervalles réguliers dans la zone de nourrissage des mergules nains d'une grosse colonie de la terre de Liverpool. Cet oiseau, le plus nombreux dans l'arctique, se nourrit principalement d'espèces de plancton qui se développent sous la glace. La santé de ce petit pingouin est donc liée à celle de la banquise. Le mergule nain devient alors un indicateur de l'évolution du climat. Depuis, les rendez-vous avec le plancton n'ont pas manqué, pour notre plus grand plaisir. Chaque observation engendre des découvertes !

En décembre 2012, l'Observatoire du Plancton nous a confié un petit filet à plancton, tandis qu'Océanopolis, nous fournissait un microscope. De retour chez nous, à bord de Vagabond, pris par la banquise, nous avons commencé à envoyer régulièrement des photos du plancton vivant sous la glace, en hiver, dans l'Arctique canadien. Le plus compliqué étant de faire un trou assez grand pour y glisser le filet, c'est un bon prétexte pour accompagner nos amis chasseurs inuits qui attrapent des phoques avec des filets installés sous la banquise, et profiter de trous déjà existants. Au retour de ces sorties, à l'aide de notre petit microscope, les chasseurs sont médusés de découvrir une telle variété de créatures dans leur jardin !

Dans le cadre du projet GreenEdge (2014-2016), nous collaborons à une grande étude du bloom phytoplanctonique printanier, à Qikiqtarjuaq (Nunavut, Canada). Des dizaines de chercheurs, toutes sortes d'instruments très sophistiqués, et même le brise glace Amundsen sont mobilisés pour analyser le phénomène : la floraison de l'océan au printemps ! A l'origine d'une chaîne alimentaire majeure, le phytoplancton intéresse donc les inuits autant que les ours, les baleines ou les oiseaux de mer. Green Edge offre une opportunité inédite de collaboration avec les Inuits, qui partagent volontiers leur savoir, et qui sont curieux des découvertes des scientifiques.

Le plancton nourrit aussi les clams (palourdes). Qikiqtarjuaq est probablement la seule communauté du Nunavut qui pratique la plongée pour la récolte de clams. Les prélèvements bi-mensuels de bivalves, en plongée sous la banquise, pour les scientifiques de Green Edge, sont pour nous l'occasion de partager des moments joyeux avec nos amis plongeurs inuits, entre science, collecte de nourriture et loisir. L'alimentation et même la culture inuites sont étroitement liées à la santé du plancton, et donc à l'évolution du climat.

Jour de plongée, Shawn et Léonie aussi se mettent à l'eau !

Cette semaine j'ai commencé mon atelier de cartographie poétique, le proposant dans un premier temps au comité des jeunes. C'est dans le tout nouveau centre des visiteurs qu'avec trois jeunes filles nous avons évoqué des souvenirs liés à leur belle région, arpentée en bateau ou en traîneau, puis nous en avons tracé les contours géographiques avant de lier le tout à l'aquarelle. Trois soirées bien agréables à partager ce que j'aime créer.

S'il y a des choses magiques dans l'Arctique, cela va jusqu'aux kamiks : les grands froids revenus, je fus bien déçue de constater que ma paire de kamiks réalisée avec tant d'énergie l'an dernier ne supportait pas l'isolation supplémentaire d'une paire de chaussons intérieurs en peau de phoque. Raygeelee m’invita alors à venir les étirer ! Sur le strecher, un peu d'eau et d'huile de coude suffisent à faire changer de pointure la botte magique ! Elle est l'une des dernières a n'avoir porté que des kamiks de toute sa vie, ses pieds ne connaissent que le cuir et la peau de phoque. Elle nous en montre un échantillon : celles d'été, celles d'hiver, celles d'intérieur, des plus étanches aux plus décorées, toutes fabriquées avec passion et patience.

Léonie a bien hâte de février et le soleil a bien hâte aussi de se lever!

Nous venons de revoir le soleil, pendant à peine une minute ! Il avait disparu depuis fin novembre.

Tournage en cours pendant deux semaines. Aujourd'hui, chasse au phoque avec Jaypootie. Par chance un redoux exceptionnel (-6°C) épargne les cinéastes du froid habituel en janvier !

Première plongée de l'année, un plaisir de retrouver l'eau très claire et très froide (-2°C !), pour ramasser quelques clams sous la banquise.

3 janvier, 3h du matin : les festivités se terminent tout juste à Qikiqtarjuaq. 3h de l'après-midi : 3 ours nous rendent visite à Vagabond !

France raconte les fêtes :

17 décembre. Le lendemain du concert de l'école, où on voit Léonie chanter et Aurore danser avec brio, chacune avec sa classe, les voilà en vacances. Noël, ça se prépare ça se prépare : Léonie part en catimini avec Eric explorer l'un des deux seuls magasins du village; in extrémis avant le blizzard, un camion illuminé roule jusqu'au pas de notre porte éloigné du village, avec Madame le maire, nous apportant une dinde de Noël et de tous ses accessoires gustatifs ! Dès le 23 décembre, pour 10 jours intenses, commencent des nuits sans fin ou près de 300 personnes se rassemblent pour des jeux d'adresse, de hasard, de talents, pour des concours de chapeaux, et des matinées pour des concours de chasse au phoque, au lagopède, concours de pêche dans les fractures de banquise, de lancer de harpon ou de tir... Et même de récolte de camarines gelées dans un fjord sans neige ! Dix jours rythmés en trois temps : jouer, dormir, manger. Mais le blizzard nous offre 3 jours de trêve, justement pour fêter Noël : en famille dans le chaleureux cocon de Vagabond, des moments précieux s'écoulent à jouer ensemble de la musique, à cuisiner, à se divertir alors que souffle tout autour des bourrasques à ne pas mettre le nez dehors. La cabane cadeau attendra dehors quelques jours avant d'être découverte et investie par Léonie et Aurore. Les traces d'ours se multiplient, nous attendons avec impatience de rencontrer leurs propriétaires... le 3 janvier enfin, Annu aboie pour la bonne cause : 3 ours, à 30 mètres devant Vagabond dans la nuit. La lueur de notre spot les fait doucement faire demi tour. Une femelle et ses deux petits, voilà un joli cadeau-spectacle, fort apprécié par chacun de nous quatre !

Photos des festivités à découvrir ici.