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Iceberg trop près?
L'équipe du laboratoire Takuvik avec qui nous préparons la mission GreenEdge s'interroge sur l'influence de deux icebergs, proches du futur camp de glace... J'ai pour mission de faire des mesures de l'épaisseur de la banquise dans les environs, et des photos. L'occasion d'utiliser le ballon solaire !
Ile de glace
Depuis 3 ans, la même île de glace issue du glacier Petermann (nord ouest au Groenland) reste échouée au sud de l'île Brougton. Nous en avons fait le tour avec Eric par une belle journée à -25°C, passant par le site du futur camp de glace, le bel iceberg voisin et de la glace accidentée. Des tourbillons ventés se lèvent ça et là. L'île a évolué, une partie s'est séparée, deux vallons s'avancent vers le centre... Un ours débusqué s'enfuit à notre arrivée, nous pique-niquons à l'abri du vent au sud de l'île, le long d'une muraille sans fin. Hauteurs variables, une congère permet de prendre pied dessus. Bien que début mars nous réussissons à nous embourber, les deux motoneiges et le traîneau pris dans la slush tout proche de l'île. Après pas mal d'effort à pousser, hisser, patauger, manœuvrer avec des cordes, nous nous en sortons. Occasion de m'apercevoir que mes kamiks sont bien étanches ! Au compteur le tour de l'île fait quand même 17 km !
Weekend à Tasialuit
Diplômes et Rangers
Mardi, les enseignants de l'école ont remis des diplômes aux élèves : "assiduité parfaite pour le mois" et "élève du mois". Aurore et Léonie en obtiennent quatre chacune !
Jeudi, de retour de patrouille, les Rangers de Qikiqtarjuaq ont organisé une revue publique avec remise de diplômes et médailles. L'instructeur nous a suggéré de porter nos sweat-shirts rouges, France et moi, offerts à Grise Fiord il y a 3 ans !
Ce soir, malgré les fortes chutes de neige, nous partons en week-end en famille à Tasialuit, à 45km au sud de Qikiqtarjuaq.
9 ans !
Hier, Léonie a fêté ses 9 ans. Malgré le blizzard, et grâce au GPS, nous avons pu aller au village en motoneige afin de ramasser les heureux invités (Sheema, Samantha, Becky, Nadine, Rita, et Jessie) pour un joyeux goûter et des jeux à bord de Vagabond. Le soir, nous avons refait la fête en famille !
Aujourd'hui, après ma collecte bi-mensuelle de bivalves, Léonie a enfilé sa combinaison pour aller voir sous la surface, dans le trou de plongée : "J'ai presque été à la moitié de la glace !". Samantha a fait de même, avec la combi de Léonie, puis au tour de France, avec ma combi.
Mesurer la banquise
Depuis 2011, Eric fait tout seul les mesures d'épaisseur de banquise avec le fameux EM31, engin aux longs bras qui réfléchissent la surface de l'eau sous la glace, et rapportent tout cela en ondes électromagnétiques au cœur de l'instrument. Il pratique l'exercice en skidoo, à pied, à ski, sur des distances variables, des durées de quelques heures à une semaine. Nous faisions déjà ces mesures au Svalbard voilà 10 ans en joignant l'utile à l'agréable : à ski tractés par nos chiens !
Or ces derniers jours j'ai pu à nouveau accompagner Eric. Cette fois dans le luxe et la sécurité maximale, à deux skidoos, dans le somptueux décor. Nous avons d'abord suivi la route de glace récemment nivelée qui permet d'aller en voiture jusqu'à Tasialuit. Au village, nombreux sont ceux qui espéraient les données d'épaisseur de banquise sur son parcours. Puis retour en zigzag afin de bien couvrir la zone, non sans quelques prolongements le long d'un fjord. Les arrêts sont fréquents pour vérifier que le matériel fonctionne toujours (par -34°C, rien n'est acquis), pour prendre une photo, pour un snack, pour une onglée...
Le premier jour, au bout de quelques heures, une des motoneiges tombe en panne. Impossible de réparer sur place, nous poursuivons à deux sur la même motoneige. Le lendemain nous retournons chercher la motoneige, elle est hissée et sanglée sur un traîneau puis retour au garage du village. Le jour suivant, nous reprenons le patient tracé choisi avec soin par Eric, dessinant des lignes géométriques sur l'espace plan et blanc d'un autre fjord. Satisfaction de dérouler au fur et à mesure des miles parcourus un tapis de données qui révèleront ce que nous ne pouvons pas voir !
Tournage Ame Bleue
Laurent et son équipe sont partis ce matin, après onze jours de tournage assez intensifs. Avec Florent et sa caméra, Jacques et sa caméra sous-marine, Joël et son appareil photo, Laurent a dirigé leurs activités au jour le jour, en suivant son scénario. Cédric, partenaire de plongée et partenaire de l'aventure, qui n'a pu rester que six jours, est reparti comblé.
Pour nous, comme avec chaque équipe de passage, ce fût d'abord quelques journées de préparation. Annoncer leur venue et leurs intentions, établir des contacts avec la municipalité, avec les plongeurs locaux. Trouver un hébergement pas cher dans le village (un vrai défi !), une motoneige et un traineau à louer, ainsi que tente, réchaud, tarière, pelle, pic à glace, matériel de plongée... Organiser une rencontre avec les élèves à l'école, une autre à la mairie, une séance de chant de gorge, et surtout les plongées. Définir les sites, percer la banquise, veiller aux ours, et gonfler les bouteilles tous les soirs à bord de Vagabond. Mais quel plaisir de faire le lien entre ces visiteurs téméraires et cette communauté isolée.
Les villageois se souvenaient des baptêmes proposés en septembre dernier, grâce aux combinaisons diverses apportées de France. Beaucoup de jeunes, des moins jeunes aussi, étaient candidats pour aller voir sous la banquise, prêts à braver toutes leurs appréhensions. Edmond, Samantha et Dion, les heureux élus, ont eu l'occasion d'enfiler une combinaison et de tenter courageusement quelques plongées avec Laurent : très beau mais très froid !
France et moi avons savourés, nous aussi, quelques immersions libres avec Laurent, près de notre cher iceberg. Ce fût un réel enchantement de l'admirer sans la lourdeur du scaphandre autonome, et sans bulles ! Jacques a filmé tous ces instants, sans relâche. Et le soir, nos amis ont découvert les clams que j'avais ramassé en plongée, avec bouteille cette fois.
L'équipe n'a pas vu l'ours, mais s'est régalé d'aurores boréales. Ils ont partagé de joyeux moments avec les habitants de Qikiqtarjuaq, sur et sous la banquise. Laurent a offert quelques combinaisons, c'était jour de fête. Déjà, on nous demande s'ils reviennent l'été prochain.
Ours
"Y'a un ours là-bas !", nous dit Aurore avec un grand sourire. Elle est sur le pont du bateau, prête pour aller à l'école. Léonie a fait une brève sortie quelques minutes plus tôt pour démarrer le skidoo : "Je suis vite revenue, pas très rassurée par les traces de l'ours qui est passé hier soir !". En effet, hier en notre absence, la réserve de viande de phoque a été bien entamée.
Nous l'observons depuis le pont. L'ours se dirige vers le village. Je filme alors France et les filles qui partent en skidoo. L'ours se met à courir, puis fait demi-tour et revient vers Vagabond...
En arrivant à l'école, Aurore a prévenu Steevie (conseiller d'éducation, maire adjoint, chef des Rangers, plongeur et mari de sa maîtresse !), qui s'est empressé de conduire en voiture une nouvelle enseignante... Nous les voyons arriver au bateau "pour faire une photo d'ours" ! Je n'ai pas cessé de l'observer avec les jumelles, il est toujours là, mais un peu loin pour faire une photo.
Dans l'après-midi, les parents sont conviés à l'école pour écouter leurs enfants lire des histoires en anglais, et pour manger une grosse glace avec plein de trucs dessus. Après l'école, nous sommes invités à l'anniversaire de Jessie. Pendant ce temps, l'ours achève probablement sa digestion, car en fin de soirée, notre chien aboie soudainement.
Cette fois l'ours ne laisse rien, le chien le voit peu à peu engloutir toute sa viande. Après trois tirs dissuasifs, et avec l'aide de notre chien qui aboie efficacement, l'animal finit par s'éloigner.
Rodéo avec l'ours !
Hier soir en rentrant au bateau, surprise, la cache à viande de phoque réservée pour notre chien était éventrée, piétinée de traces d'ours.
Et ce matin, au moment d'aller à l'école, Aurore sortie la première sur le pont se retourne vers nous avec un grand sourire : je vois un ours ! Le temps de se réjouir de l'observer, de le filmer depuis le pont et c'est l'heure d'aller à l'école.
L'ours marche d'un bon pas en direction du village. Avec Aurore et Léonie sur la motoneige nous allons dans la même direction que l'ours en nous rapprochant de lui. Cela l’effraie, il se met à courir en parallèle et lorsque nous le doublons, perplexe il fait volte face et repart toujours en courant vers notre baie ! Arrivés à l'école les filles sont ravies de raconter l'aventure du matin. "Vous avez eu votre rodéo avec l'ours alors !" me dit Daisy.
La nuit suivante, tout le monde dort et je m'apprête à y aller aussi lorsque Annu aboie. L'ours, de retour, file directement vers la cache à viande proche du chien, indifférent à ses aboiements. Le filmer ? Le chasser ? Je vais réveiller Eric non sans avoir tenté de l'effrayer à grands coups de couvercle métallique dehors.