Souffle

Hier, en travaillant sur la banquise, un grognement étrange nous a surpris soudainement. Nous avons d'abord cru à un ours, mais ce n'était qu'un phoque qui grattait la glace pour agrandir son trou de respiration, non loin de nous.


Kvalvagen

Pour tenter d'atteindre les plus grands fonds du Storfjord, non loin de la grande baie de Kvalvagen, notre petit convoi de 4 motoneiges a du passer par les glaciers (5 h pour parcourir les 140 km aller-retour d'un superbe trajet), la banquise n'étant pas praticable. Les chaos de glace ont d'ailleurs bloqué l'équipe à quelques kilomètres du site convoité, nous avons tout de même pu faire quelques observations proche du littoral. Beaucoup de phoques sur la banquise, chacun entretenant un trou de respiration. Nous avons même profité d'un de ces trous pour y plonger la bathysonde ! Lorsque 2 ours se sont mis à courir vers nous, un peu trop curieux, nous avons du quitter les lieux au plus vite...


Frost

Jean-Claude, Hervé et Jens, l'équipe 'brines' et leur guide, sont arrivés hier pour une semaine d'études plus poussées du Storfjord. Aujourd'hui, nous avons pu analyser l'état de la banquise depuis un sommet magnifique (500 m), après avoir remonté le très large glacier Bérésnikof en motoneige. La progression s'annonce difficile, la glace est très chaotique et peu de zones sont accessibles en motoneige, avec tout le matériel scientifique. Les mesures ont toutefois commencé, il faut profiter de l'excellente météo : -28°C, peu de vent, baromètre à 1028 mb, ciel bleu. De plus, il fait jour dès 4h du matin, et jusqu'à 20h maintenant, quel changement ! L'émotion du jour fût sans aucun doute la longue syncope de notre chien Frost. En le séparant de son frère avec qui il se battait, nous l'avons trouvé inanimé, ne respirant plus. Pendant de longues minutes, la banquise est devenue une salle de réanimation. Grand soulagement pour tous, notre fidèle compagnon est revenu de loin !


Piste

Malgré le froid persistant, nous apprécions toujours autant les excursions à ski, avec les chiens. Surtout depuis que la motoneige est en panne, à 12 km de Vagabond, ce qui nous a d'ailleurs valu plus de 4h de ski pour revenir au bateau, à la lueur du crépuscule et des aurores... Hier après-midi, seul avec les chiens, je décide de suivre la piste récente d'un jeune ours. Quelques hésitations, et bientôt Jin et Frost suivent scrupuleusement les traces qui serpentent vers le fond d'Inglefieldbukta. A moins d'1 km de Vagabond, au beau milieu de la banquise, l'ours est là, allongé, et se laisse observer pendant 10 minutes avant de lever la tête. Peu après il se redresse, intrigué, puis s'allonge à nouveau. Retour au bateau sans plus le déranger, l'ours intéresse moins les chiens que les rennes heureusement. France part à son tour rendre visite à notre voisin, mais cette fois, les aboiements des chiens lui font peur, et l'ours s'enfuit. Malgré notre déception de l'avoir ainsi inquiété, l'animal s'avère plus craintif que les précédents, il ne devrait pas s'approcher plus de Vagabond. Nous le regardons traverser la baie, seul être vivant sur la grande étendue blanche. Aujourd'hui, impossible de retrouver ses traces, le vent violent les a déjà effacées.


-94m

" Chouette ", voilà ce que France me répondit en apprenant qu'il faisait -33°C mardi matin. Le jour le plus froid de l'hiver était aussi celui de la femme (8 mars) ! Depuis 3 jours, malgré ces basses températures, le grand beau temps nous accapare dehors pour manips scientifiques et explorations des environs : faire l'ascension d'un petit iceberg pour admirer la banquise torturée par les dernières tempêtes, suivre des rennes à ski avec les chiens excités, constater la destruction par un jeune ours des piquets délimitant un site d'étude de la neige, échantillonner les dernières chutes de neige en luttant contre l'onglée, gravir rapidement un sommet voisin (600m) en motoneige pour repérer les zones de banquise praticable, faire de la glaciométrie en tirant l'appareil avec les chiens... Hier, grande satisfaction, nous avons pu atteindre 94m de profondeur avec la bathysonde, et observer ces fameuses saumures, 5 jours avant l'arrivée de Jean-Claude Gascard. C'est bien grâce à lui, et pour étudier ces eaux très froides et très salées, que nous vivons cette fantastique aventure hivernale.


Parhélie

Plus de huit heures furent nécessaires vendredi pour mener à bien un relevé hydrographique avec la bathysonde, une analyse de la couche de neige, et un long profil d'épaisseur de la banquise. A deux, par -20 degrés, tout se complique et prend plus de temps. Profond sommeil garanti ensuite, même un ours pourrait entrer dans le bateau sans nous réveiller ! Hier, première petite rando sur le glacier enneigé, surplombé pendant plusieurs heures par une jolie parhélie. Il a fallu aussi commencer à retirer quelques mètres cubes de neige d'une grosse congère un peu trop envahissante à l'arrière de Vagabond. Vent et neige aujourd'hui, occupations intérieures. Inutile de s'isoler dans l'Arctique pour s'affranchir des soucis informatiques, le résultat du jour est que le disque dur de mon ordinateur portable est HS ! Un autre PC à bord me permet toutefois d'envoyer ces quelques nouvelles.


Neige

Après une semaine de beau temps, froid et sec, la neige et le vent du nord nous retiennent aujourd'hui à l'intérieur de Vagabond, repos imposé, bienvenu en quelque sorte. Le glaciologue et son guide Stefano nous ont quitté hier, la prochaine équipe sera là dans 2 semaines. En attendant, nous avons de quoi occuper largement nos journées avec les observations et prélèvements de neige suggérés ! Sans oublier la bathysonde, le courantomètre, le glaciomètre, les relevés météo... La nivologie et l'océanographie arctiques n'auront bientôt plus de secrets pour nous !