Trois frères pour Noël

  • Sapin Vagabond 2014
  • Retrouvailles musicales

Depuis le solstice d'hiver, nous sommes six à bord de Vagabond ! Le lent retour de la lumière coïncide avec le début des jeux, à Qikiqtarjuaq. Pendant une dizaine de jours, nous sommes tantôt au village, avec nos amis inuits, tantôt à bord de Vagabond, en famille. Concours de tir, lancer de harpon, course de lenteur en motoneige, compétition de chasse, jeux collectifs ou messe de Noël dans le gymnase-salle-des-fêtes, musique, festin de caribou congelé, de phoque et de clams... Décoration du bateau, cuisine et cadeaux, musique et informatique, jeux avec les chiots de Pikuli, installation des balançoires, accumulation de neige le long de la coque (isolation), aménagement des toilettes (mur de neige !), collecte de glace à l'iceberg voisin (eau douce)... La vie est belle sur la banquise, avec un très beau cadeau cette année : trois frères réunis pour trois semaines !

Au retour de ma mission en Antarctique (voir l'album photos), j'ai retrouvé Aurore, Léonie et France en Bretagne, pour deux courtes semaines dans la verdure ! Mi-décembre, accompagnés par mon frère François, nous arrivions à Québec pour quelques jours de réunions à l'Université Laval, afin de préparer la grosse mission scientifique prévue de mars à juillet 2015, avec Takuvik. Ce fût aussi l'occasion de visiter le brise-glace Amundsen, à quai à Québec ! Dimanche, un dernier avion nous conduisait jusqu'à Qikiqtarjuaq, où mon frère Piem et nos amis nous ont accueillis chaleureusement. Deux motoneiges et une montagne d'habits chauds étaient prêts pour nous permettre de rejoindre Vagabond, via une banquise d'un peu plus de trente centimètres d'épaisseur. Fin d'un séjour solo de huit semaines pour Piem, bonheur de se retrouver tous à bord.

Joyeuses Fêtes à tous !


Piculi

  • Piculi et ses boules de poil

La banquise est devenue praticable. Il était temps d'y inviter les chiens. Piculi, qui connaissait déjà le bateau depuis l'hiver dernier, vient d'avoir deux petits. Ils ont à peine quinze jours.

En moins de deux heures, Yves a construit une niche pour abriter ces petites boules de poil. D'abord un détour à la décharge du village, pour récupérer du bois et de la mousse isolante. Puis à l'atelier, pour faire un peu de menuiserie.

Sous ses mains habiles, scie sauteuse et marteau ont vite fait de transformer ces vieilles plaques de contreplaqué en un bon abri contre le froid et le vent de la banquise.

Je suis donc revenu avec trois chiens sur le traineau d'un skidoo pour installer mes nouveaux compagnons à côté du bateau. J'étais d'abord un peu inquiet de laisser mes voisins dehors.

Mais quand le ciel est dégagé, ils préfèrent déjà dormir dehors pour admirer les aurores, par -25ºC. Des chiens de l'Arctique, ça ne fait aucun de doute.


Marcher sur l'eau

  • Tester la glace

Ce matin là, c'était tentant d'aller explorer la banquise un peu plus loin. Sur la presqu'île voisine, je devinais quelques chiens. Avec les jumelles, j'ai même cru voir un groupe de trois personnes. Alors malgré le silence radio sur le canal du village, je me suis lancé dans la traversée du fjord à pied.

Trois kilomètres de suspense à marcher sur l'eau, le tuk à la main pour sonder la glace devant moi. En m'approchant, les formes humaines que j'avais vu sur la presqu'île étaient redevenues quelques vieux objets rouillés.

Mais les traces de chiens dans la neige fraîche ne mentaient pas: eux au moins étaient passés. J'ai continué.

Quelques quarante minutes plus tard, j'arrivais au village, ému et soulagé de retrouver la terre ferme et la civilisation.

Une soirée mémorable chez Yves et Céline, avec Anita, Andrew et Mark, à partager de bons petits plats et jouer de la musique. Je ne pouvais pas rêver mieux pour rompre avec quinze jours de solitude.


Prisonnier volontaire

  • Premiers pas

Ça y est! La banquise est là. Le silence a pris la place du clapot. Le calme celui de la houle. Le bleu est devenu blanc.

Cette fois, le bateau pointe dans la bonne direction: plein Nord. La glace s'épaissit peu à peu. Les jours sans vent, j'aime m'asseoir dehors pour écouter le silence. J'entends les phoques gratter sous la glace. Un chien aboyer dans le lointain village. Mon cœur qui bat dans mes oreilles.

Il y a quelques jours, je me suis laissé tenté par l'expérience émouvante de passer les deux jambes par dessus le bastingage. Descendre les marches. Poser un pied sur la jeune banquise. Puis l'autre. Lâcher les mains... Ça tient!

La glace a maintenant atteint une vingtaine de centimètres. J'y ai posé l'annexe et installé l'échelle. Mon petit domaine s'est agrandi et c'est timidement que je commence à explorer le plus grand jardin de la baie.

Bientôt, je devrai pouvoir traverser à pied les trois kilomètres du fjord et y rejoindre mes voisins, après plus de deux semaines à profiter seul du spectacle qui m'entoure.