Cartographie des fonds marins dans des zones non cartographiées pour la modélisation des océans, par Gabriel Joyal

  • Releve sonar multifaisceaux front du glacier Cap Norton Shaw
  • Sonar multifaisceaux et bras repare

Combinaison de la recherche sur le changement climatique et de la bathymétrie participative. La vitesse et la dynamique des glaciers de marée sont fortement influencées par la morphologie sous-marine près du terminus. La profondeur de l'eau sur le front des glaciers et la bathymétrie du fjord déterminent la circulation et la stratification de l'eau de mer dans le fjord, ainsi que les échanges d'eau sur le plateau continental. Ces processus ont une influence considérable sur la régulation du taux de fonte sous-marine, le retrait des fronts des glaciers, le vêlage des icebergs et, ainsi, la contribution des glaciers maritimes à l’élévation du niveau de la mer. Malheureusement, les données bathymétriques existantes dans l'Arctique canadien présentent de grandes lacunes, la majorité des fjords glaciaires étant complètement inexplorées, empêchant les modèles océaniques numériques de caractériser avec précision la circulation océanique et l'influence de l'océan sur le bilan massique des glaciers se terminant en mer. Afin d'augmenter la résolution spatiale de la bathymétrie dans des fjords inexplorés, il est nécessaire de développer de nouveaux programmes de cartographie dans le Haut-Arctique, en utilisant des méthodes acoustiques ou optiques. À ce jour, les grands navires océanographiques (le brise-glace Amundsen, par exemple) avec un tirant d'eau plus important, ne conviennent pas à une navigation sûre dans les zones littorales peu profondes et non cartographiées, alors que la technique de télédétection par satellite fournit des données bathymétriques à résolution plus grossière. Au cours des trois dernières semaines, avec un sondeur multifaisceau, nous avons collecté des données depuis Vagabond sur la côte est de l'île d'Ellesmere au cours d'une campagne de recherche dédiée à la cartographie des fonds marins. Ce programme de recherche novateur a été rendu possible grâce à la collaboration entre des chercheurs universitaires, R2Sonic LLC et le Service hydrographique du Canada. Les résultats mettent en évidence le rôle majeur joué par la géomatique marine dans la recherche sur les changements climatiques. De plus, les données de recherche partagées avec les autorités fédérales permettront la mise à jour des cartes arctiques, dans un contexte de trafic maritime et de tourisme accru dans les fjords glaciaires de l'Arctique canadien.


Vie de contrastes

  • Equipage Vagabond a Arctic Bay
  • Minuit baie Talbot 25 aout

Comment décrire les contrastes que nous ont offert les missions de cet été. Pour ne parler que du coté Nunavut, les trois semaines passées avec Maya Bathia et ses collègues autour du Jones Sound n'ont été que beau temps, débâcle autour de Grise Fiord, manips à la dérive devant de majestueux fronts de glaciers et même camping ! Avec Andrew Hamilton et Gabriel Joyal les trois semaines suivantes nous sommes montés vers le nord, le froid et les brumes. Avons dû nous abriter d'un coup de vent, filer vent arrière par forte houle, faire demi tour dans cette baie Talbot, objectif principal de la mission pour blocus de glace... Nous y avons même cassé le bras du si précieux sondeur multi-faisceaux à cause de trop de chocs inévitables. Mais nous y sommes retournés et avec patience, sommes parvenus à faire le travail prévu à force de tours et de détours dans le labyrinthe embrumé, et à larguer un mouillage océanographique (chapelet d'instruments flottants dans la colonne d'eau) qu'Andrew tentait de réaliser depuis 4 ans sans succès ! La redescente vers Arctic Bay où Vagabond va hiverner s'est faite pratiquement d'une traite, avec pour carotte la rencontre avec l'Austral, paquebot de la compagnie Ponant, où nous avons donné une conférence. Une vraie escale technique ainsi qu'un moment hors du réel goûtant à un luxe extrême. Et d'autant plus après quelques jours à se nourrir comme on le peut en fonction de la mer, à être tendu ou même à ressentir l'angoisse dans du vent trop fort avec une grand voile coincée haute...

Vie de contrastes... pour résumer le sentiment du moment, vivre sur un voilier dans l'Arctique avec des missions toujours différentes, c'est expérimenter une vie de forts contrastes semée de moments magiques comme de moments vraiment durs. Même en famille, les moments durs soudent et les retours au positif n'en sont que plus forts. Expérimenter la fatigue, la faim et même la peur permet d'apprécier plus encore les moments de beauté et de joie. Tout est exacerbé. Et puis cette vie nous l'avons choisie, la faisons devenir réalité chaque année depuis 20 ans, et rien ne vaut cette liberté. Liberté de profiter de ces territoires qui continuent de nous fasciner en même temps que de nous rendre utiles à la science.


L'Austral

  • Leonie grand piano L Austral
  • Aurore au bout de Croker Bay a bord de L Austral

Au début, Léonie, qui était debout la première, nous a réveillé en tornade : "Y'a L'Austral qui est là !!!". En fait, c'était un autre paquebot, le National Geographic Explorer. Nous avons finalement du patienter jusqu'à 13h30, un zodiac est venu nous chercher. Papa nous avait dit de mettre les habits étanches, et finalement, ça n'a pas mouillé. Une fois sur L'Austral, nous sommes allés à la passerelle où le capitaine, Patrick, nous attendait. Ensuite, Léonie est allée prendre sa douche dans la cabine que nous avait réservée l'équipage, pendant que nous, le capitaine, la docteur et le second allions dans le café au troisième étage (le plus grand). Une fois que nous avions pris une douche à tour de rôle, nous sommes retournés à la passerelle, puis avec le pilote des glaces, nous avons dégusté un goûter de fruits et légumes. Le pilote des glaces m'a ensuite emmené chez la coiffeuse. Elle m'a fait deux petites tresses et des anglaises. Léonie, elle, a eu deux tresses. J'ai retrouvé papa et Gabriel dans un café (pas le 3), ensuite, le commandant, la docteur, le photographe (Philip Plisson), le chef mécanicien, et nous, sommes allés prendre un apéro. Ensuite, nous avons été au restaurant. Il y avait plein de crudités. C'était délicieux. Pendant le film, Léonie et moi, avons fait une visite guidée avec la docteur. On a même été dans les endroits réservés à l'équipage ! Après, nous sommes montés sur la scène, pour répondre à des questions. Enfin, un zodiac nous a ramenés sur VAGABOND, avec un carton de fruits, la soudure du bras du sonar, et un bidon d'huile moteur. C'était une journée extraordinaire, mais VAGABOND c'est chouette aussi !


Talbot Inlet

  • Objectifs campagne Talbot Inlet
  • Depart Andrew pour Resolute

C'est un réel soulagement pour tout l'équipage : l'abri derrière l'île Easter, dans Talbot Inlet, est bon. Nous y restons pendant 2 nuits afin de laisser passer un coup de vent de sud-est. Profitant d'accalmies, nous tentons par le sud de rejoindre Wykeham et Trinity, objets de notre mission. Ces glaciers seraient les deux plus gros producteurs d'icebergs de tout le Canada. C'est l'occasion d'explorer l'étroit et peu profond passage entre les îles Easter et Ellesmere, qui serpente entre deux autres glaciers, plus tranquilles. Superbe, mais à la sortie du passage les glaces nous retiennent et finissent par casser le bras du sonar ! La bathymétrie se poursuit malgré tout avec le sondeur de Vagabond (mono-faisceau).

Nous déjouons les glaces en passant par l'est et parvenons à déployer le mouillage océanographique complet qu'Andrew a cherché à installer dans Talbot Inlet depuis 4 ans, avec le brise-glace Amundsen. Assurément Vagabond peut s'aventurer plus librement dans des eaux non cartographiées, et manœuvrer plus facilement entre les gros icebergs et les plaques de banquise qui encombrent constamment la baie.

Impossible malgré tout d'atteindre les glaciers convoités, mais nous parvenons à prouver qu'il n'existe pas de seuil entre la baie Talbot et le détroit de Narès, il y a donc une grande probabilité pour que des eaux atlantiques viennent lécher les fronts des glaciers Wykeham et Trinity. Il nous faut une dizaine d'heures de navigations dans les glaces pour réaliser deux séries de relevés hydrographiques (transects CTD), nord-sud et est-ouest. Pour Andrew, l'essentiel est fait.

Tout est si calme qu'on entend le souffle de l'ours. Rencontré une heure auparavant, sorti de la brume, il nous retrouve de l'autre côté de la grande plaque de glace, tandis que Vagabond est à l'arrêt pendant la pause repas. L'ours est très proche, juste un petit bras d'eau nous sépare, nous nous observons longuement. Le lendemain, au mouillage dans la baie Cadogan, je surprends un ours nageant vers Vagabond. Il fini par faire demi-tour et retourne vers la berge. Ces rencontres sont toujours aussi fascinantes.

Andrew doit rejoindre sa famille au plus vite mais la météo n'est pas favorable et le Twin Otter (petit avion tout terrain) ne peut malheureusement pas le récupérer près du cap Isabella. Alors, avant de filer vers le sud, il savoure avec nous les très belles conditions pour faire une série de CTD dans le fjord Cadogan, qui héberge sans doute le glacier le plus épais du Canada.

Deux jours de navigation tonique, sans escale, jusqu'à Dundas Harbour au sud de l'île Devon, et Andrew est finalement récupéré par un Twin Otter, moins de 2h après notre arrivée.

Nous apprenons alors que des débris d'une fusée russe sont tombés exactement sur notre route, quelques heures après notre passage !


Manips et gâteau au chocolat

  • Leonie et Andrew CTD et filtrations
  • Test sonar en position relevee

Nous avons embarqué Gabriel et Andrew voilà quelques jours. Gabriel travaille avec un sonar et il mesure la profondeur jusqu'à plusieurs centaines de mètres de chaque côté du bateau (c'est pratique quand on cherche un mouillage), tandis que Andrew fait des CTD pour mesurer la température, la salinité... Quant à moi, Maya (l'une des scientifiques du groupe précédent) m'a chargé de prélever des échantillons pour qu'elle puisse mesurer les nutriments et l'oxygène qu'il y a dans l'eau. Pour cela j'utilise une bouteille de 2 litres qu'on envoie chercher de l'eau à la profondeur voulue à l'aide d'un treuil, puis je la filtre et rempli 2 minuscules bouteilles qui seront les échantillons pour Maya. Hier nous nous sommes fait prendre dans la glace. Ça n'aurait pas été compliqué d'en sortir si il n'y avait pas eu le sonar qui est énorme et qui est accroché sur le côté du bateau. Ils s'y sont donc mis à deux pour pousser les plaques de glace avec des perches, pour ne pas qu'elles heurtent la partie qui se trouve sous l'eau, qui est fragile. Nous commençons à rencontrer régulièrement des morses et des phoques; nous avons aussi vu des ours, mais plus rarement et une fois des narvals, mais en grand groupe (environ 80 narvals). Maintenant nous sommes au mouillage dans une baie bien abritée car un coup de vent est annoncé jusqu'à samedi. Voilà donc une bonne occasion pour moi de faire mon gâteau au chocolat !


Vers le nord

  • Depart helico pour manip sur glaciers ile Devon

Maya, Erin et Dave ont rendez-vous à True Love sur l'île Devon, une petite station scientifique quasi désaffectée, construite en 1960. Le 9 août au soir, un Twin Otter (petit avion) venu de Resolute Bay leur dépose de l'équipement et des vivres, et un hélico les rejoint pour 2 à 4 jours de manips sur la calotte glaciaire de Devon et sur les glaciers Sverdrup et Belcher. Pendant ce temps, nous sommes en attente et veillons sur Vagabond. Le mouillage trouvé, à 5 km de la station, n'est pas assez protégé de la houle, alors nous décidons de camper ! C'est un peu les vacances...

Enchantée par le travail accompli, l'équipe rembarque le 13 août et nous traversons le détroit de Jones, retour vers la côte sud de l'île Ellesmere, et vers le fjord du Cap Sud. Pour ces retrouvailles avec "notre" fjord, pas moins de 4 ours, des morses, et beaucoup de phoques, sur fond de ciel bleu et de glaciers tous plus beaux les uns que les autres. Après une longue série de relevés et prélèvements, et avant de poursuivre vers le fjord suivant, France et moi prenons le temps de revisiter notre site d'hivernage de 2011-2012, à l'entrée du fjord. Les souvenirs se bousculent, beaucoup d'émotions...

Météo toujours aussi belle pour les dernières stations, dans le fjord Grise, les frigos et congélos de Vagabond débordent d'échantillons ! Nous jetons l'ancre devant le village le 15 août : déchargement, changement d'équipe, chargement du sonar et autres équipements, soirée communautaire organisée par les scientifiques, approvisionnement en carburant, formation aux manips pour 2 Rangers (Jimmy et Jason) pour qu'ils puissent continuer les mesures et les prélèvements lors de leurs patrouilles dans la région.

Je fais enfin connaissance avec Andrew Hamilton, avec qui je suis en contact depuis deux ans, au sujet d'une mission océanographique et hydrographique dans la baie de Talbot. Après des dizaines de courriers échangés, nous y voilà ! Il embarque avec Gabriel Joyal, recruté pour opérer le sonar multi-faisceaux. Une journée complète est nécessaire pour installer l'instrument sur le flanc bâbord de Vagabond, à l'aide des supports réalisés lors de notre escale à Saint-Jean de Terre Neuve début mai (7400 km parcourus depuis).

Cap, donc, sur le détroit de Narès, avec un joli coup de vent qui nous pousse rapidement hors du détroit de Jones. Belle escale de 24h dans la grande baie sans nom près du cap Norton Shaw : le sonar nous révèle une image magnifique de la partie immergée du front du glacier, mais nous ne verrons que les traces, fraîches, laissées par l'ours peu avant notre brève escapade à terre.

Vagabond est nettement ralenti par le sonar, heureusement le vent nous est favorable et enfin le 22 août nous atteignons Talbot Inlet !


Bébé phoque annelé

  • Aurore et Leonie observent jeune phoque
  • Leonie et jeune phoque

Ce matin nous avons vu un bébé phoque annelé qui semblait s'amuser autour de l'annexe, sortant, plongeant, avant de s'éloigner. Papa, qui était sur le roof, nous a dit qu'il revenait doucement. Alors, pour mieux le voir je suis descendue dans l'annexe et l'ai regardé jouer autour de moi. Comme il s’intéressait particulièrement au moteur de l'annexe que je venais de replonger dans l'eau, maman m'a conseillée de mettre la main dans l'eau car ça l'amuserait sûrement. Et là, quelle ne fût pas surprise de le voir venir vers ma main, il est passé juste en dessous et j'ai pu le caresser ! Puis il repartit vers la plage et on est parti, mais c'était génial !