Explorations scientifiques entre Ellesmere et Devon

  • 1045 Yves collecte coralline Tiriqqualuk©EB
  • 1832 Leni filtrations©EB
  • 1122 Arrivee Borge Ousland et Vincent Colliard glacier Sverdrup©EB
  • 0551 Manips oceano depuis Vagabond dans le pack©EB

Les derniers évènements n'ont pas épargné l'équipage, Leni remplace Minoli qui débarque à contre-coeur.

Les glaces nous interdisent toujours l'accès au détroit de Narès (entre le Groenland et le Canada), alors la recherche de coralline se poursuit sur la côte sud de l'île Ellesmere. Rien du côté du fjord Harbour, rien non plus aux îles Cône et Smith, mais une vraie mine dans le fjord Starnes ! Les épais échantillons collectés offrent de belles perspectives d'analyses sclérochronologiques (l’équivalent aquatique de la dendrochronologie, étude des cernes des arbres).

Il nous faut vraisemblablement oublier la baie de Talbot cette année, mais le vent a chassé les glaces et le détroit de Jones est désormais navigable : Vagabond peut répéter les transects océanographiques à travers le détroit de Jones et devant le glacier Sverdrup, ainsi que les relevés hydrographiques au plus profond du détroit (852m), comme chaque année depuis 2019.

C'est au bout du glacier Sverdrup que nous récupérons Borge Ousland et Vincent Colliard. Ils viennent de traverser la calotte glaciaire de l'île Devon. C'est un plaisir de se retrouver ! Vince reste à bord quelques jours et vient joyeusement renforcer l'équipage.

Fin août, nous jetons l'ancre au site de l'hivernage 2011-12. C'est l'occasion pour l'équipage de se dégourdir les jambes et de gravir "notre pyramide" où deux batteries utilisées pour des prises de vue timelapse attendaient patiemment d'être récupérées. Les trois équipements photo timelapses de Vagabond sont utilisés depuis 2021 par l'équipe de David Didier pour une étude de l'érosion du littoral de Grise Fiord.

En fin de mission, je suis sollicité pour rechercher un équipement perdu lors d'une manip près de la pointe Brume, non loin de Grise Fiord. Résultat : une belle plongée pour moi et une scientifique soulagée !


L'enfer de Belcher

  • 1254 Recuperation mouillage oceano endommage par icebergs©EB
  • 0901 Ours observent Vagabond devant glacier Belcher ile Devon©EB
  • 1909 Vagabond echoue devant Grise Fiord pour reparations©EB
  • 1045 Longue lutte dans la houle et la glace©EB

Pour la quatrième année consécutive, le programme scientifique de la campagne d'été nous mène devant le front spectaculaire du glacier Belcher, descendant tout droit de la calotte glaciaire de l'île Devon.

La débâcle fût tardive cette année. Impossible de naviguer avant début août, "comme autrefois" nous disent nos amis de Grise Fiord. Le 8 août, il y a encore beaucoup de glaces dans le Jones Sound, il faut être patient pour trouver un chemin jusqu'à Belcher (100km). C'est l'occasion d'une belle rencontre avec deux ours dans ce dédale éblouissant.

A notre arrivée sur zone, les sites ne sont pas accessibles mais nous parvenons à rejoindre un abri d'où nous observons la dérive des glaces. En attendant le bon créneau, nous récupérons le marégraphe installé il y a un an. Plongée à tâtons : l'eau est tellement chargée d'alluvions qu'il fait nuit à moins de 10m de profondeur ! Heureusement les icebergs ont épargné l'instrument et les coordonnées GPS sont suffisamment précises pour le retrouver.

11 août, Vagabond se faufile entre les glaces en poussant de temps en temps. Le site du mouillage océanographique est atteint, peu de glaces autour, la mer est clémente, c'est le moment de déclencher le largueur acoustique et de libérer le mouillage de son lest. Ça marche ! Les bouées et les instruments apparaissent peu à peu à la surface, tous reliés par une ligne de 300 mètres de long. Tout est repêché et sécurisé sur le pont soudain très encombré. Les cages prévues pour protéger les instruments des icebergs sont totalement détruites, mais la majorité des capteurs a fonctionné correctement pendant un an. Toute l'équipe est satisfaite !

Un coup de vent d'Est est annoncé, modéré. Pas d'abri dans la région mais les glaces devraient nous protéger, comme souvent. Sauf que le vent au large est bien plus fort, une tempête inhabituelle. Résultat, les glaces sont balayées et la houle se forme. Pendant des heures interminables, Vagabond est piégé entre d'épaisses plaques de banquise qui le percutent violemment à chaque vague. A bord le stress monte. Par moments il faut se tenir pour ne pas tomber, crier pour se faire entendre. Vagabond va-t-il résister ? Au fil des heures, nous envisageons le pire. Je rappelle à chacun où se trouve les équipements de survie.

J'imagine déjà notre équipage réfugié sur la grande plaque de glace responsable du naufrage... Serions-nous en mesure d'attendre des secours ? Lesquels ? Ce scénario auquel nous nous sommes toujours préparé n'a jamais semblé aussi proche de se réaliser.

Le vent et la houle diminuent enfin, la pression des glaces se relâche, nous sortons du piège et quittons les trois ours qui nous tenaient compagnie pendant ces treize heures de lutte. Epuisés, à bord d'un Vagabond meurtri, nous cherchons en vain un abri pour attendre des conditions clémentes avant d'entreprendre la traversée retour vers Grise Fiord. Nous finissons par retourner dans les glaces, mais cette fois dans une toute petite baie remplie d'un brash qui amorti la houle.

Le 15 août, Vagabond est volontairement échoué sur la plage devant Grise Fiord. A marée basse, nous constatons les dégâts. Vagabond est endommagé, mais sa robustesse nous impressionne encore. La coque est terriblement cabossée, rien à faire. Le safran a été épargné, un miracle. Les cages, tordues, ont protégé les hélices; mais la cage tribord est tellement déformée qu'elle bloque l'hélice. Yves nous aide à tout redresser avec vérin hydraulique, chalumeau et marteau. A l'intérieur, des cloisons et des canalisations cassées sont réparées rapidement. La mission peut continuer.

Après les crevasses de Belcher, les glaces de Belcher...

Cet épisode nous hantera longtemps, nous n'aurons jamais fini d'apprendre sur la navigation dans les glaces, captivantes et redoutables.


Mission 2022, ça tourne !

  • 1918 Deux loaders pour tracter Vagabond©EB
  • 1622 Claire Maya Minoli Ana Leni recuperent donnees CTD©EB
  • 1250 Yves collecte coralline ile Skerries©EB
  • 1450 Vagabond et banquise en debacle tardive pres des iles Skerries©EB

La débâcle se fait attendre... France et moi sommes de retour à Grise Fiord depuis le 25 juillet mais les glaces nous dictent la patience !

Finalement, le 31 juillet, après deux tentatives, beaucoup de pelletage et l'utilisation de quatre engins différents, Vagabond flotte à nouveau. Merci Charlie, Nathan, Paul, Jessie. Et merci à toute la communauté de si bien veiller sur notre bateau.

Le jour même, l'équipe scientifique embarque et installe tout son matériel à bord. Le 1er août, Maya Bhatia, responsable du programme, et quatre étudiantes sont à bord pour une première sortie : il s'agit de tout tester et de valider les protocoles. La banquise, magnifiquement constellée de larges flaques de fonte, nous retient dans les environs de Grise Fiord. Par contre le fjord voisin est libre de glace et le 3 août nous sommes huit à bord pour une longue journée de mesures et de prélèvements océanographiques. Ça roule.

Yves arrive de Qikiqtarjuaq, juste à temps pour une première plongée au pied du Greenlander, à côté de Grise Fiord : belle collecte de coralline ! Du coup nous plongeons à nouveau au pied de cette falaise étonnante le lendemain. Minoli et Ana, la team science, sont occupées avec les échantillons.

Nous sommes donc cinq à bord, Minoli, Ana, Yves, France et moi, pour une mission d'un mois dans le détroit de Narès, entre le Groenland et l'île Ellesmere, et au nord de l'île Devon. Quand les glaces le permettront.

Le 7 août, nous tentons une plongée aux îles Skerries. Les explorations des années précédentes étaient prometteuses, mais les conditions n'ont jamais été favorables pour plonger. Cette fois, grâce à la banquise qui n'a pas encore débâclé, la mer est parfaitement calme autour des îles que nous parvenons à atteindre en nous faufilant entre les glaces. Un ours, bien installé au soleil sur la banquise, nous observe de loin. France, Minoli et Ana explorent les fonds depuis la surface, à l'aide de la caméra, et repèrent les meilleurs sites. Lorsqu'Yves et moi nous jetons à l'eau depuis Vagabond, les glaces dérivent rapidement autour de nous. A peine le temps d'atteindre le fond et de prélever un peu de coralline que nous entendons les moteurs du bateau ! Nous remontons, constatons que Vagabond vient droit sur nous et que les glaces se compactent contre les îles... Sous les glaces en mouvement, nous cherchons le bon endroit et le bon moment pour faire surface. Hop, sur la glace avec tout notre matériel, puis hop, on grimpe sur le bateau ! L'ours n'a pas bougé, ouf, suffisamment d'émotions.


Eté 2022

Campagne d'été du 1er août au 1er septembre 2022 : départ de Grise Fiord vers le sud et l'est de l'île d'Ellesmere, puis vers le Nord de l'île Devon. Programme scientifique : recherche et collecte d'algues corallines, étude des glaciers dans le détroit de Jones et la baie de Talbot, bathymétrie et océanographie dans le détroit de Jones et le détroit de Nares, observations et prélèvements de macro algues, échantillonnage d'ADN environnemental.


Prospection géophysique au sommet de la calotte glaciaire de Devon

  • 1305 Equipe et pilotes mission geophysique ile Devon©EB
  • 1754 Tim et Brittany installent capteur magnetique vertical©EB
  • 1729 James aux commandes des mesures TEM©EB
  • 1243 Eric marteau source prospection sismique calotte glaciaire ile Devon©BM

De retour de 27 jours d'une mission incroyable au sommet de la calotte glaciaire de l'île Devon, à 1800m d'altitude. Avec une excellente équipe de 4 personnes, et plus de 3 tonnes de matériel, nous avons cherché des lacs sous-glaciaires !

Des relevés radar aéroportés effectués en 2016 et 2018 ont mis en évidence l'existence d'un complexe de lacs sous-glaciaires hypersalins sous le centre de la calotte glaciaire de Devon, dans l'Arctique canadien, où la glace a une épaisseur de 760 m et la température basale estimée de la glace est de -14,5°C. En savoir plus : Radar sounding survey over Devon Ice Cap indicates the potential for a diverse hypersaline subglacial hydrological environment

Pour confirmer les relevés aériens et déterminer l'épaisseur de la couche d'eau, nous avons effectué une prospection géophysique précise sur la calotte glaciaire de Devon. Les données acquises comprennent : 9 km de données de sismique-réflexion, 17 stations magnétotelluriques (MT) et 7 sondages électromagnétiques transitoires à grande boucle (TEM) utilisant une boucle de 500 x 500 m. Deux fois plus de données que prévu !

Cette recherche fait partie du projet SEARCH-Arctic financé par la Fondation Weston Family. Merci au Programme du Plateau Continental Polaire pour le soutien logistique, en particulier Dom, Pierre, Tim et Glenn. Membres de l'équipe de terrain : James Killingbeck, Eric Brossier, Brittany Main et Tim Hill. Membres de l'équipe impliqués dans ce projet, pas sur la calotte glaciaire : Siobhan Killingbeck, Martyn Unsworth, Chritine Dow, Alison Criscitiello, Ashley Dubnick, Anja Rutishauser et Zoe Vestrum.

Brittany et moi sommes également descendus jusqu'au glacier Belcher (et presque tombés dans les crevasses !) pour entretenir 2 trackers de vitesse de glacier. Ces dispositifs ont été mis en place à l'été 2021 par Luke Copland et son Laboratoire de recherche cryosphérique pour mieux comprendre comment le mouvement des glaciers évolue dans un climat qui se réchauffe.