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Nord-Est

Un vent froid souffle depuis 4 jours sur la région, la banquise reprend sa place rapidement. La mer et la terre se recouvrent uniformément de neige compacte, tassée par le vent. Les traces de skis, de chiens, de renards, d'ours, sont effacées en quelques instants. Voilà plus d'un mois que je n'ai pas vu le moindre signe de vie humaine, sauf un satellite dans le ciel, étoile plus rapide que les autres. Impossible pourtant de ressentir la solitude lorsqu'on reçoit autant de messages amicaux, lorsqu'on peut communiquer avec le reste du monde et écouter RFI, tout cela depuis un cadre si pure et majestueux.


La lune est de retour

La lune est de retour, premier quartier, superbe. Comme le soleil, qui se couche pendant près de 4 mois par an (durée de la nuit polaire à 78 degrés de latitude nord), la lune disparaît sous l'horizon pendant 9 jours par cycle de 28 jours. Profond silence hier soir, à couper le souffle. Mais le froid est parti, et la fine banquise résiste mal aux petites dépressions passagères. Ce matin, je peux entendre le ressac à 200 m de Vagabond, les travaux prévus pourraient bien prendre du retard.


Chaud janvier

-2.8 degrés en moyenne en janvier à Longyearbyen (environ 1 ou 2 degrés de moins au lieu d'hivernage de Vagabond), un nouveau record, alors que la moyenne mensuelle aurait du être de -15.4 degrés. Le froid est revenu depuis 3 jours, la mer gèle à nouveau, l'étude de la banquise et de son avenir devrait pouvoir commencer comme prévu dans 3 semaines...


Réveils brutaux

Vent modéré ces derniers jours, la mer n'a pas emporté ce qu'il reste de banquise dans la baie d'Inglefield, le berceau de glace tient encore autour de Vagabond. J'ai finalement réussi hier à dégeler la motoneige et la mettre sur la terre ferme, à côté de l'igloo et de la caisse contenant le bivouac de secours. Et voilà qu'à 7h ce matin, je suis réveillé une fois de plus en sursaut par les aboiements des chiens : un ours s'attaquait à l'igloo comme à une tanière de phoque, en sautant dessus des 2 pattes avant pour tenter de l'effondrer. Avant même de lui envoyer une balle dissuasive, il avait retourné la motoneige. Et le temps de vérifier le pistolet d'alarme et de m'habiller une peu plus chaudement, il redressait l'engin sur ses 2 skis !


Débâcle précoce ?

Toute la banquise de la baie d'Inglefield est partie hier. Déjà lundi, lors d'une petite virée sur la moraine, j'avais pu constater l'absence de glace dans le Storfjord. Depuis, le vent a tourné, et l'eau libre a atteint l'Iceberg Noir, à l'entrée de la petite baie où se trouve Vagabond. Cela explique les 5 ours qui m'ont rendu visite hier, et un ce matin, à la recherche d'un passage vers le nord. Faute de banquise, ils sont coincés sur la moraine qui abrite encore le bateau du large. Une débâcle complète n'est pas impossible, si la houle et le vent persistent. Pour le moment, la météo est bonne. Évidemment, tout n'est pas vraiment organisé à bord pour naviguer maintenant, il y a la motoneige à mettre à terre et qui ne veut plus bouger (gelée), l'annexe qui sert de toit à l'igloo de sécurité, les niches à sortir de la slush, les amarres à terre à remettre... Gérer une débâcle seul, de nuit, avec 3 chiens et pas mal d'ours dans le coin, je ne risque pas de m'ennuyer ! Dire que depuis 2 jours Mike Horn et Borge Ousland sont sur la banquise, en route pour le pôle Nord, pour tenter une première hivernale; je me demande bien quelles conditions ils vont rencontrer.


Slush

Sous le poids de la neige qui s'accumule, la banquise s'enfonce peu à peu, l'eau de mer submerge la glace et s'infiltre sous la neige. Si le froid n'est pas suffisant pour transformer cette eau en glace, on trouve de l'eau sous la neige. C'est de saison. Hier, j'ai du ainsi faire un sauvetage de la motoneige, posée sur une banquise de 83 cm, le tout recouvert de 50 cm de neige, dont 13 cm de slush (mélange d'eau et de neige). Sans rien faire, le froid venant, je risquais d'avoir une motoneige prise dans la banquise! 2 heures d'efforts, l'engin a fini par bien vouloir s'extirper de sa piscine glacée, et me voilà lancé. Pas question de m'arrêter n'importe où, au risque de m'embourber dans la slush à nouveau, alors j'ai tourné autour du bateau, jusqu'à m'être décidé pour une grosse congère, au sommet de laquelle la motoneige est au sec pour quelques temps. Avec tout le raffut que peut faire une machine pareille, mes 3 fidèles cow-boys (plus exactement bear-dogs) ont du croire à une attaque d'indiens.


Frustrant

Le baromètre est monté progressivement jusqu'à 1029 mb, mais le beau temps n'est pas venu. Depuis plusieurs jours, les masses d'air transportées par le vent passent au dessus d'une large zone d'eau libre de glace, se chargent d'humidité, et apportent des nuages qui ne cessent d'alimenter ces fréquentes chutes de neige. Sous l'action du vent, Vagabond gîte parfois à plus de 5°, j'ai du ressortir les antidérapants habituellement utilisés en navigation ! Notre vieille éolienne se régale et parvient à alimenter quelques éclairages, radio, lecteur CD, ordinateur... en attendant le calme et la prochaine balade. Demain à 12h40 sur Radio France Internationale, vous pourrez entendre une interview de France et moi lors de notre dernière rencontre avec Arielle Cassim, au Salon Nautique de Paris.


Bambou

Les ours raffolent de bambous, à croire qu'ils s'adaptent vite au réchauffement climatique ! Une fois de plus, l'ours de passage a grignoté quelques piquets indiquant par exemple le trajet vers l'Iceberg Noir, ou bien la position des ancrages à terre, utilisés avant la formation de la banquise. Le cinquième visiteur en 4 jours s'est tout de même installé pendant 5 heures non loin du bateau ce matin, mais n'a pas insisté en recevant une jolie fusée rouge.


Record

D'après Torgeir, ingénieur météo à Longyearbyen, "nous avons eu la température la plus haute pour un mois de janvier depuis que l'aéroport existe (30 ans), puisque que le thermomètre a atteint +7,7 degrés lundi à Longyearbyen (+3 degrés à Vagabond). C'est assez étonnant de comparer avec la température moyenne normale en juillet qui est de +5,9 degrés..."


Ourson bondissant

Joli spectacle ce matin. Prévenu par les aboiements d'Imiaq, j'aperçois une femelle et son ourson qui se dirigent doucement vers nous. La lumière du projecteur ne leur plaît pas, la femelle s'éloigne déjà, son ourson la suit en faisant de bonds. Ils oublient juste de poser pour la photo.