21 février. A 3h50 ce matin, de fortes secousses ont réveillé toute l'équipe à
bord de Vagabond, sauf Léonie. C'était comme si une main de géant avait saisie
le mât et le secouait énergiquement. Pendant environ 30 secondes, le solide
berceau de glace grinçait par saccades contre la coque. Les craquements
étaient plus forts et différents de ceux liés aux mouvements de marée,
auxquels nous sommes habitués maintenant. Rapidement habillés, après une
deuxième série de secousses, nous avons fait le tour du bateau et constaté de
nombreuses fractures dans la banquise, épaisse de 70cm. Tout était calme à
l'extérieur, la neige tombait doucement, sans vent... Etrangement, cela s'est
produit au même moment que l'éclipse totale de lune, malheureusement masquée
par les nuages. Une vague plus grosse que les autres, se faufilant sous la
banquise jusqu'à Vagabond, aurait-elle pu provoquer de telles secousses ? Ou
bien notre fidèle glacier Inglefield aurait-il perdu un gros pan de glace,
bien que cela ne se produise guère en hiver ? C'est vers 11h que, en recevant
l'appel d'une journaliste norvégienne, nous avons eu l'explication : nous
étions vraisemblablement les personnes les plus proches de l'épicentre du plus
fort séisme jamais enregistré en Norvège. A environ 70 km du bateau, dans le
Storfjord, le séisme a atteint la magnitude de 6.2 sur l'échelle de Richter.
Léonie fût la seule a ne pas s'inquiéter, probablement encore sous le charme
du dernier ours de passage, la veille, ou des glissades sur la glace face aux
premiers rayons de soleil de l'année. Assurément, notre paradis blanc fût très
animé pour la fin de la nuit polaire !