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Demi-tour

  • Abri du chamane Kap Seddon

Les glaces tardaient à libérer un passage pour sortir de la baie de Melville, les scientifiques étaient inquiets de ne pas atteindre Qaanaaq à temps, alors malgré un vent de sud annoncé, Vagabond a fait demi-tour. A contrecœur, nous tentons maintenant de rejoindre Upernavik, à deux cent milles nautiques au sud. C'est l'aéroport le plus proche. Le vent de face, plus fort que prévu (rafales à près de 50 noeuds), accompagné de brume et de pluie, nous a contraint de patienter à l'abri pendant un jour et demi. Après des semaines de soleil et de temps calme, après avoir rêvé d'un bon coup de vent dans les glaces pour accélérer la débâcle, cette dépression tombe mal ! Mais elle nous a permis de découvrir une petite île fréquentée régulièrement par des groenlandais, comme en témoignent les restes de kayaks et de campements. Et quel plaisir de marcher un peu sur la terre ferme !


Vrai ours et mirages

  • Differentes banquises

La Baie de Melville nous retient. Les années passées, il y avait de la glace jusqu'à mi-juillet. Mais cette année, il y en a encore beaucoup ! Nous décortiquons les cartes reçues chaque jour, en espérant que, au delà de la zone englacée, les morses seront faciles à trouver; et que l'équipe pourra être à Qaanaaq pour prendre l'avion du 13 juillet...

Tandis que Vagabond, lentement, trace une route à travers la banquise en pleine fonte, un ours s'est montré discrètement hier, tandis qu'un autre s'est laissé approcher aujourd'hui. Puis ce fût le tour d'un jeune phoque annelé très peu farouche, qui n'a visiblement jamais vu un chasseur. Par contre, le gros navire qui a été aperçu par plusieurs d'entre nous, a bel et bien disparu ! Voilà le genre d'hallucination qui nous guette, après des jours coincés dans le pack.


A l'écoute

  • Peu d eau libre

Notre progression à travers la baie de Melville est lente et sinueuse, comme on peut le constater sur notre trajectoire. L'état des glaces (voir aussi les analyses danoises ou canadiennes) permet de comprendre nos difficultés, malgré le grand beau temps qui règne depuis mi-juin. Nous sommes tout à fait dans des conditions de glaces qui conviennent aux morses; les scientifiques les cherchent de préférence sur la glace, car les morses sont difficiles à approcher à terre, au Groenland ou au Nunavut, à cause de la chasse. C'est pourquoi nous sommes venus dans la région avant la fin de la débâcle ! Leurs hydrophones nous ont permis d'entendre des phoques, des narvals, des baleines... toujours pas de morses.


Errances

  • Cinq jours d errances dans les glaces

Voilà dix jours que nous sommes dans le pack, à progresser très doucement vers le nord, tout en cherchant des phoques et des morses pour le programme scientifique. La baie de Melville semble bien décidée à conserver ses glaces plus longtemps que d'habitude, et les morses sont visiblement installés dans cette zone inaccessible pour le moment ! Alors les écoutes et play-backs se concentrent sur les phoques barbus. Il s'agit d'observer les réactions des mâles, chacun ayant son propre territoire, lorsque le chant d'un concurrent est émis par le haut-parleur sous-marin d'Isabelle et Thierry. C'est la période de séduction des femelles, les rivalités peuvent être grandes entre les mâles et les réactions très variées face à ces intrus synthétiques !


Nuussuaq

  • Rencontre en bordure de banquise

23 juin. Vagabond glisse sur une mer lisse comme un miroir, jusqu'à ce que son étrave monte doucement sur la banquise. Trois Groenlandais approchent en traîneau. Acceptant volontiers mon invitation, ils attachent leurs chiens au bateau, et montent à bord. Nuussuaq est à cinq kilomètres, mais la banquise est fragile et pleine de trous en cette saison. Les motoneiges sont au repos jusqu'à l'hiver suivant; les chiens sont de loin la solution la plus sûre pour aller du village à la mer libre, en attendant la fin de la débâcle. Arrive alors six personnes dans un petit bateau rapide. Tout en poussant les gaz du puissant moteur hors-bord, pour hisser le bateau sur la banquise, le pilote ne lâche pas son téléphone portable, ni ses gants en peau d'ours retournée. Tous viennent ensuite visiter Vagabond, avant de poursuivre leur chemin vers le village. Deux attelages de chiens tractent, sur la glace, le bateau, deux traîneaux et une dizaine de personnes qui nous saluent joyeusement, sur fond de montagnes enneigées et de calotte glaciaire ensoleillée. L'image pourrait être d'une autre époque.


En dérive

  • Equipe IPEV on ice

A nouveau, Vagabond est amarré à un bloc de glace et dérive avec la banquise (0,4 noeud vers le nord !). Cette fois, la mer est trop encombrée pour continuer, alors nous patientons. Vent, courant et fonte modifient inlassablement le décor, un passage peut s'ouvrir à tout moment. Il y a deux jours, pour le solstice d'été, malgré le soleil encore bien haut à minuit, et une mer lisse comme un miroir, c'est la brume qui nous a contraint de trouver une halte pour la "nuit". Inutile de poursuivre sans pouvoir bien observer les animaux (phoques, baleines, beaucoup d'oiseaux, pas encore de morses...) ! Alors autant se dégourdir les jambes sur la banquise, ce qui fût apprécié par toute l'équipe, après plusieurs jours de vagabondages entre les glaces sans débarquer.


Uummannaq

  • Chiots Uummannaq

Une bande de glaces assez denses d'environ deux kilomètres de large nous barrait la route, le 17 juin. Ce fût l'occasion pour la nouvelle équipe de découvrir la navigation dans le pack, le rôle de l'équipier dans le nid de pie, le maniement des perches à glace... Ensuite, la voie était libre jusqu'à Uummannaq. Long détour pour une courte escale afin de recueillir davantage de renseignements sur les morses de la région, et sur l'état des glaces. Ce fût aussi l'occasion de faire brièvement connaissance avec une région où Vagabond pourrait bien passer quelques temps lors d'une prochaine mission (2012-2014...). Peter, pêcheur de flétan noir, nous a tout de suite invité chez lui pour répondre à toutes nos questions. Pas de doute, il faut rejoindre la limite du pack, un peu plus au nord, pour trouver des morses.


Qeqertarsuaq

  • Avec Mads a Qeqertarssuat

Le 16 juin, Vagabond a traversé la baie de Disko pour faire escale au sud de l'île du même nom, à Qeqertarsuaq. Rencontre imprévue avec Mads Fage, qui observe et enregistre les baleines depuis des années, avec sa compagne Outi Tervo qu'Isabelle connaît bien ! Autant dire que l'échange est enthousiaste et passionnant. Outi est justement partie vers le nord il y a quelques jours pour une mission "baleines". Mais déjà depuis le village, France, Léonie et Aurore en observent deux, entre les icebergs qui dérivent doucement devant la berge.


Sisimiut

  • Toboggan Sisimiut

Par chance, le courant est encore avec nous pour franchir le long fjord de Kangerlussuaq, et Vagabond retrouve assez vite le détroit de Davis. Escale à Sisimiut hier matin, pour faire le point sur les animaux rencontrés dans la région, sur l'état des glaces, et sur la météo. C'est sans doute au nord de la baie de Disko que nous pourrons commencer à chercher des morses en bordure des glaces dérivantes.


Kangerlussuaq

  • Depart Piem

13 juin, Vagabond est au rendez-vous pour accueillir l'équipe "morses". Juste au nord du cercle polaire, tout au bout d'un fjord majestueux de 170 km de long, se trouve l'aéroport principal du Groenland. Les scientifiques Isabelle Charrier et Thierry Aubin embarquent pour un mois, dans le but d'enregistrer les morses. Un programme soutenu par l'Institut Paul-Emile Victor et par National Geographic. Charlotte Blan et Nicolas Gilbert les accompagnent, envoyés par Océanopolis, pour la réalisation d'un documentaire sur la mission.

C'est là aussi que Carlos et Piem nous quittent. Carlos sera de retour en Tunisie dans quelques jours, pour servir de la grande cuisine aux hôtes de l'ambassadeur de France. Quant à lui, mon cher petit frère Piem tourne une page : avec son seul sac à dos, minutieusement préparé, il a devant lui un voyage aussi simple que difficile à entreprendre. Pour plusieurs mois ou années, sans parcours précis ni planning, et avec un budget minimum. Il envisage de commencer par une petite rando de huit jours... si les moustiques le veulent bien. Ensuite, il cherchera un bateau pour rejoindre l'Amérique du Nord. Je quitte mon SDF préféré avec beaucoup d'émotion, trouvant Vagabond à la fois lourd, compliqué, sécurisant, et confortable.