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Avant la saison de navigation

  • Decoupe narval
  • Recuperation IMB
  • Franchissement crack

La banquise se maintient devant Grise Fiord, l'eau libre est à une vingtaine de kilomètres du village. Malgré les fractures de plus en plus difficiles à franchir, les chasseurs se déplacent encore en motoneige, parfois en famille, et emportent de petits bateaux par sécurité et pour la chasse au narval. Notre annexe a ainsi eu l'occasion de se promener un peu, elle est toutefois restée bien sanglée sur un traîneau. J'ai aussi attisé la curiosité de mes compagnons de banquise avec l'hydrophone, qui permet d'écouter et enregistrer les phoques, morses et baleines sous l'eau. Des sons inédits pour eux !

Le 9 juillet, ce fût la Fête du Nunavut, la météo était splendide (+2°C, vent léger du sud, grand soleil). Tirage au sort pour une peau de boeuf musqué, concours de gâteaux, course de canards en bois dans le torrent, musique et barbecue... Vingt ans après la création du Nunavut, les témoignages évoquent fierté, regrets et espoir (lire les articles de CBC ou Al Jazeera). Une statue réalisée par trois artistes, dont Looty Pijamini de Grise Fiord (auteur du Exile Monument), a été inaugurée à Iqaluit pour l'occasion (découvrez la capitale du Nunavut en 3D).

Peu à peu, les travaux de maintenance et d'entretien à bord de Vagabond occupent la majeure partie de notre temps, tandis que les dernières mesures sont effectuées sur la banquise tous les deux ou trois jours. Le programme principal en cours consiste à suivre la fonte de la neige, l'écoulement des eaux de fonte, et la formation des flaques de fonte en surface de la banquise. Le cycle de fonte est perturbé cette année par des précipitations inhabituelles ! La station IMB vient d'être démontée, tandis que les trois appareils photos poursuivent leurs séries d'images (toutes les 30 minutes).


Canada Day

  • Concours de peche Canada Day

"C'est la première fois qu'il neige ainsi un 1er juillet !", avons-nous entendu à plusieurs reprises. Nous étions quelques dizaines hier à Grise Fiord pour célébrer la Fête du Canada. Lever de drapeau et hymne national, concours de pêche sous la banquise (sculpin), course de voiliers miniatures sur l'étang au milieu du village, compétition de décoration de vélos et de gâteaux, concours par équipe de préparation de bannock (gros beignet) et de thé, nombreux jeux, tombolas, grand pique-nique... les chutes de neige n'ont pas dissuadé les habitants de Grise Fiord de participer à cette joyeuse journée !


Du simple camping sauvage à la grande expédition

  • Grande maree et neige fraiche a Grise Fiord 25 juin
  • Toasts

A Grise Fiord, les familles vont et viennent, en motoneige, entre le village et leurs sites préférés pour camper, pour réparer ou construire une nouvelle cabane, et tout simplement profiter de l'été. Le soleil reste haut à minuit, et les parties de chasse au phoque s'éternisent sur la banquise, qui est beaucoup plus praticable que l'an passé à la même époque ! A terre, les oies sont très appréciées (la chasse est encouragée par les scientifiques), et on ramasse parfois de la bruyère pour cuisiner (très peu de bois flotté par ici). Il y a quelques jours, un renard (un chef ?) a chapardé notre cuillère en bois ! Approcher les lièvres, écouter chanter les bruants des neiges, observer les grandes marées du solstice, découvrir de nouvelles fleurs, rendre visite aux autres campements... c'est pour préparer la saison de navigation, et poursuivre les mesures scientifiques, qu'il nous faut rentrer à Grise Fiord de temps en temps.

Malgré tout, la débâcle s'annonce, elle a même surpris nos voisins d'Arctic Bay, partis à la dérive sur une plaque de glace (article en anglais). Cela nous rappelle des souvenirs ! Pour nos amis de Gambo, au Groenland, la débâcle est terminée depuis le 12 juin déjà.

La région est convoitée par les amateurs d'aventures, elle accueille toutes sortes d'expéditions : une équipe russe a réussi le mois dernier à rejoindre Resolute Bay en camion amphibies, via le pôle nord (journal de bord, vidéo); une autre équipe russe a rallié le Groenland en traîneau à chiens, depuis le pôle nord (article); un pilote slovène vient de traverser l'Arctique, via le pôle nord, avec un tout petit avion (Green Light World Flight); Babouchka, le mini catamaran très particulier de Sébastien Roubinet, s'apprête à tenter une traversée entre l'Alaska et le Spitsberg; Tara est lancé dans un tour de l'Arctique (dix ans après celui de Vagabond !), tandis qu'au moins une douzaine de voiliers (Tooluka, Dodo's Delight, Arctic Tern, Gitana, La Belle Epoque, Traversay III, Lady Dana, Panorama, Noème...) se préparent à franchir le passage du nord-ouest; ainsi qu'un bateau à rames et même un bateau de course; lorsque la nuit sera de retour, Alex Hibbert tentera sa chance à nouveau, entre Qaanaaq (Groenland) et le pôle nord. Nous devrions faire quelques dépôts de vivres pour lui, lors de notre périple dans le détroit de Nares en septembre prochain.


Virée à ski

  • Entre les oies et les fleurs
  • Banquise detrempee
  • Dormir au milieu de Starnes Fiord

5 jours de vacances ! 5 jours avec ski et pulka seule à arpenter la banquise, à la mesure de mes foulées. Avec pour seul guide mon intuition, la météo... et dame nature : une trop large fracture dans la glace fit obliquer ma boucle dans le fjord Starnes. Les journées ne se ressemblent pas. Entre 8h de ski et 2h, avec promenade à pied et découverte d'un site historique. Mon émerveillement se compose avec les surprises de la brume, la chaleur du soleil, vent, neige ou pluie. Des rencontres ? le renard d'un réveil, les cténophores dans la faille, les phoques, canards et oies, les oiseaux dont celui qui retourne les pierres plates inlassablement autour de la tente. Puis quatre tentes blanches et vides du campement d'un week-end. La mienne est installée sur glace, terre ou dallage de pierre, avec quelques difficultés dues aux transformations de saison : 1h pour passer l'estran, les blocs de glaces entre banquise et terre, qui flottent à marée haute et se penchent à marée basse, à parfois un mètre les uns des autres... Puis à Brume Point, dernier tournant avant le village, une motoneige montée par trois individus dont deux petites filles vient à ma rencontre, c'est le bonheur de retrouver la famille !


Vacances et camping

  • Dernier jour d ecole pour Leonie
  • France part seule pour 5 jours
  • Camping cap Anstead
  • Chez Raymond a pointe Anstead

Fin de l'année scolaire à Grise Fiord, les enfants sont en vacances, Léonie a quitté l'école chargée de diplômes et de cadeaux ! La veille, tous les enfants contribuaient au ramassage des détritus qui apparaissent un peu partout avec la fonte de la neige, et qui attirent les chiens, corbeaux, goélands... Heureusement, il n'y a plus de renard qui rodent, car parfois porteurs de la rage, ils inquiétaient les villageois cet hiver.

France devrait achever son périple dimanche soir, elle est partie seule à ski pour cinq jours. Jeudi soir, elle m'écrivait "stoppee a 23h par trop gros crack, tjrs brume, je campe la, etrange atmosphere"...

Les week-ends précédents, nous avons campé en famille du côté des pointes Lee et Anstead, à l'est de Grise Fiord. Un dimanche, Raymond nous a convié à sa cabane pour déguster sa première oie de l'année, en précisant que nous étions ses premiers invités ! Il a construit sa cabane en 2012. Non loin de là, nous avons été fascinés par les restes de huttes en pierre de l'époque des Thuléens (1000-1600). Beaucoup de familles profitent des vacances et d'une banquise encore praticable pour s'échapper du village, camper, chasser... malgré une météo assez humide et un brouillard persistant.


Cérémonies

  • Visite officielle de la commissaire du Nunavut a Grise Fiord
  • Un seul eleve pour ceremonie de graduation a Grise Fiord

Mardi a eu lieu la traditionnelle grande cérémonie de graduation, pour un seul élève cette année à Grise Fiord : lire l'article de RCI.

Jeudi, ce fût la visite officielle de Edna Elias, la Commissaire du Nunavut, et la remise de médailles (lire l'article de NNSL). Avant de repartir pour Iqaluit, elle est venue nous rendre visite à bord de Vagabond ce matin. Elle représente la Reine pour la Nunavut.

Autre moment fort récent : projection des photos du voyage exceptionnel d'une semaine organisé pour 12 élèves de l'école Umimmaq (boeuf musqué en inuktitut, emblème de Grise Fiord), à Ottawa, capitale de leur pays, très difficile d'accès en raison du coût des billets d'avion. Les nombreux financements décrochés par l'institutrice responsable ont été complétés par les recettes des brunchs, ventes diverses et tombolas, organisés dans le village pendant l'hiver.


Fishing Derby

  • Leonie premier poisson
  • Depecage caribou par Raymond et Eric

Vendredi soir, nous prenons le départ pour le Fishing Derby. Le vieux traîneau récupéré pour l'occasion est solidement réparé et fin prêt : il accueille la famille, ainsi que couchages, vivres et combustibles pour 5 jours sans oublier la caisse à poisson que l'on espère remplir. Pas moins de neuf heures, avec quelques "plantages-poussages" dans les passages de banquise difficile, sont nécessaires pour atteindre le lac gelé, au nord de l'île Devon.

Vers 4h du matin la tente est montée, les arrivées des grisefiordmiuts s'échelonnent avant et après l'ouverture officielle, le matin même à 10h. Seront récompensés les trois plus gros poissons pêchés ainsi qu'une taille tenue secrète, dans deux catégories, adultes et enfants. Les tarières thermiques trouent le silence et le mètre de glace, autour et parfois à l'intérieur des tentes de coton blanches. Les bâtons de bois s'agitent en rythme, la pêche au trou a commencé. Léonie, première à poste, est vite récompensée de sa patience par un omble arctique de belle taille.

Raymond, notre voisin de tente, trouve moyen de chasser un caribou dont il nous offre un cuissot. Eric est ravi de l'aider à dépecer la bête.

Le soleil se montre peu, une fine neige accompagne le séjour sous des températures printanières : -4°C à -7°C. Nous formons un petit campement francophone avec notre amie Joanne, l'infirmière de Grise Fiord, pour la plus grande joie de Aurore et de Léonie. Quatre jours hors du temps, des poissons ferrés par chacun d'entre nous, des balades en motoneige pour explorer les environs, des amis tout autour...

Retour plus venté mardi soir avec, au lieu de l'unique fracture traversée à l'aller, cinq ou six de plus, résultat des températures en hausses; la banquise se transforme vite.

Outre le plaisir de ces vacances en plein air, le séjour fût fructueux : une caisse remplie d'ombles arctiques et de caribou, et le premier prix des enfants gagné par Léonie, ainsi que celui de la taille secrète !


Avec Christian Haas

  • Installation timelapse non loin de Grise Fiord
  • Christian et France
  • Christian descente pyramide

Christian Haas, pour qui nous effectuons la plupart de nos travaux dans la région de Grise Fiord depuis près de deux ans, vient de passer une semaine avec nous. L'objectif principal était d'installer trois appareils photos sur des sommets pour suivre la fonte de la banquise, dont l'épaisseur est très variable dans les fjords. L'un des appareils est actuellement sur un sommet proche de Grise Fiord, deux autres sont au dessus du précédent site d'hivernage de Vagabond dans le fjord du Cap Sud. Ils prennent des photos toutes les 30 minutes et seront récupérés fin juillet, ou bien en septembre. Ce fût aussi l'occasion de faire ensemble quelques CTD, d'inspecter l'IMB, sans jamais nous séparer de son instrument préféré, l'EM31 (avec lequel nous avons déjà mesuré l'épaisseur de la banquise sur 2500km cette année). L'occasion aussi de discuter avec les chasseurs de Grise Fiord d'éventuelles collaborations futures pour poursuivre l'observation de la banquise de la région. Merci Christian de nous offrir ces bons prétextes pour partager ces périples mémorables !


Tempête à Grise Fiord

Vu de Grise Fiord, l'ensemble de l'équipage féminin (Léonie, Aurore et moi) a du prendre patience, sagement occupé à l'intérieur pendant le mauvais temps : blizzard et jour blanc (white out) se sont succédés avec des pointes comme rarement vu ici. Apothéose avec des rafales à 65 noeuds (120km/h), une journée toute spéciale : mairie fermée, hôpital fermé, magasin fermé, ainsi que l'école ! Eric était alors dans la solide petite cabane de la baie Hourglass (à 130km de Grise Fiord). Léonie voulait jouer dans le vent... Je l'ai accompagnée un court moment dehors, mais Aurore n'a pas été autorisée à nous suivre... Un toit voisin a manqué de s'envoler, une maison fut coupée d'électricité, chauffage et téléphone, notre lourd traîneau a glissé tout seul sur cinquante mètres. Le lendemain, c'est Léonie qui découvre la nichée de quatre chiots de notre ancienne compagne Bella, dont un déjà mort de froid. Depuis, Eric est rentré, nous sommes repartis camper mais en famille cette fois, pour une nuit... par -23°C, histoire de tester la nouvelle tente et fêter mon anniversaire au soleil de minuit !


Silence

  • Envol de corbeau

Silence hallucinant. Quatrième jour d'attente ici (panne motoneige) et je reste impressionné par le silence intense. Se dire que l'on est à l'origine du moindre bruit. Entendre son pouls. Tout juste oser respirer. Arrêter tout mouvement, souvent, croyant avoir entendu quelque chose. C'est fou la diversité des sons que l'on génère continuellement. Un preneur de son serait aux anges, ou bien très malheureux !

Faute à ce périple trois fois plus long que prévu, mon régime alimentaire manque un peu de gras et de calories. En explorant les environs, dans l'espoir d'améliorer mes repas, je ne trouve que des traces de lemmings. Pas de lièvre, ni de lagopède, ni de renard, ni de caribou, ni de boeuf musqué, même pas de corbeau. Pas non plus d'ours ni de phoque. Dans le fjord d'à côté, le fjord du Cap Sud où Vagabond hiverna, il y a pourtant beaucoup de phoques sur la banquise, et souvent des ours. Mais la glace y est beaucoup plus mince; de l'eau moins froide circule sous la banquise, et ralenti sa croissance. Cela brasse aussi les nutriments. C'est ce qui attire vraisemblablement les phoques et ceux qui les chassent.

Les différences entre les fjords de la côte sud d'Ellesmere sont marquantes et pas toujours évidentes à expliquer. "Si nous savions tout, nous ne serions pas des chercheurs." concluait un scientifique récemment en recevant mes dernières données.