Blog

Marcher sur l'eau

  • Tester la glace

Ce matin là, c'était tentant d'aller explorer la banquise un peu plus loin. Sur la presqu'île voisine, je devinais quelques chiens. Avec les jumelles, j'ai même cru voir un groupe de trois personnes. Alors malgré le silence radio sur le canal du village, je me suis lancé dans la traversée du fjord à pied.

Trois kilomètres de suspense à marcher sur l'eau, le tuk à la main pour sonder la glace devant moi. En m'approchant, les formes humaines que j'avais vu sur la presqu'île étaient redevenues quelques vieux objets rouillés.

Mais les traces de chiens dans la neige fraîche ne mentaient pas: eux au moins étaient passés. J'ai continué.

Quelques quarante minutes plus tard, j'arrivais au village, ému et soulagé de retrouver la terre ferme et la civilisation.

Une soirée mémorable chez Yves et Céline, avec Anita, Andrew et Mark, à partager de bons petits plats et jouer de la musique. Je ne pouvais pas rêver mieux pour rompre avec quinze jours de solitude.


Prisonnier volontaire

  • Premiers pas

Ça y est! La banquise est là. Le silence a pris la place du clapot. Le calme celui de la houle. Le bleu est devenu blanc.

Cette fois, le bateau pointe dans la bonne direction: plein Nord. La glace s'épaissit peu à peu. Les jours sans vent, j'aime m'asseoir dehors pour écouter le silence. J'entends les phoques gratter sous la glace. Un chien aboyer dans le lointain village. Mon cœur qui bat dans mes oreilles.

Il y a quelques jours, je me suis laissé tenté par l'expérience émouvante de passer les deux jambes par dessus le bastingage. Descendre les marches. Poser un pied sur la jeune banquise. Puis l'autre. Lâcher les mains... Ça tient!

La glace a maintenant atteint une vingtaine de centimètres. J'y ai posé l'annexe et installé l'échelle. Mon petit domaine s'est agrandi et c'est timidement que je commence à explorer le plus grand jardin de la baie.

Bientôt, je devrai pouvoir traverser à pied les trois kilomètres du fjord et y rejoindre mes voisins, après plus de deux semaines à profiter seul du spectacle qui m'entoure.


Sur la banquise antarctique

  • Glaciometre devant L Astrolabe
  • Trajet Astrolabe R0 2014

Chaque année, L'Astrolabe assure cinq rotations (R0 à R4) entre le port d'Hobart (Tasmanie, Australie), et la base de Dumont d'Urville (Terre Adélie, Antarctique), pour approvisionner les missions françaises de l'IPEV. Depuis près de trois ans, la banquise ne débâcle plus autour de la base, et le navire polaire ne peut plus accoster. Le déchargement du carburant doit se faire par la banquise. C'est pour assister cette nouvelle logistique que je me suis rendu aux antipodes de Vagabond ! Avant de faire passer les lourds convois sur la glace de mer, il s'agissait de participer aux reconnaissances et de mesurer l'épaisseur de la banquise entre L'Astrolabe et la base, avec un EM31, le même instrument que nous utilisons depuis une dizaine d'années dans l'Arctique. Le 1er novembre, il n'était pas possible pour L'Astrolabe de s'approcher à moins de 75km du continent, mais l'approvisionnement devait commencer au plus vite car les stocks étaient au plus bas. Récit en images.

Poser le pied en Antarctique, découvrir la base de Dumont d'Urville, revoir les albatros, faire connaissance avec les manchots empereurs et Adélie, embarquer sur L'Astrolabe (qui a franchit le passage du Nord-Est onze ans avant Vagabond), contribuer aux missions scientifiques françaises en Antarctique, faire un tour du monde... quel voyage !


Essais d'embâcle

  • Pleine Lune

Ce fut finalement au troisième essai que l'embâcle s'installa. Les premières plaques de jeunes banquises furent d'abord soufflées par les quelques dizaines de nœuds de vent qui se levaient dans la nuit, et raclèrent la coque dans un bruit étrange. Par deux fois, je me suis levé le matin pour découvrir que la glace avait disparu et refait place à l'eau libre.

Avec leurs petits canots, les locaux continuent de chasser quand la banquise ne fait encore que quelques centimètres d'épaisseur. C'est comme ça que Robbie est passé prendre un café il y a quelques jours, en fendant la glace fraîche. Et puis la glace est reparti. Tout à refaire.

Un jour où l'horizon était bien dégagé, le soleil est venu nous saluer dans ce qui sera sa dernière apparition de l'année, illuminant la baie de ses lumières rasantes en traversant le fjord à l'horizontal, d'un versant à l'autre, en l'espace de moins d'une heure.

Hier, alors que la glace avait repris, c'est Johnny qui m'a fait la surprise d'une visite, cette fois pour m'emmener à terre, quelques heures à peine, le temps d'un déjeuner chez Yves et Céline. Bonheur de rompre ma solitude l'espace de quelques instants.

Au retour, j'ai demandé à son frère Amo, qui me ramenait avec son puissant canot, de pousser un peu Vagabond pour qu'il pointe vers le Nord, le nez face aux vents dominants. Il m'a d'emblée dit non, puis s'est mis à faire tourner son embarcation, cassant la fine couche de glace qui entourait le voilier. De nouveau libre, le bateau a oscillé dans le vent encore quelques heures avant de se figer dans le froid de la nuit.


Ciel du Nord

  • Aurore dans le mat

Déjà trois semaines à bord, et il me reste encore une sérieuse pile de livres à lire, et une longue liste de choses à faire. Pourtant, j'ai profité d'une semaine de copieuses chutes de neige pour rester bien au chaud et m'habituer à tenir le siège de la glace.

Et de la neige, il y en a cette année, beaucoup. Même les habitants du village s'accordent à le dire. C'est une bonne nouvelle: plus d'eau pour le printemps, et surtout moins de cailloux sous les skis.

Vendredi, soirée cinéma au Hamlet, la mairie du village: Céline avait organisé la projection de "Vanishing Point". L'occasion pour moi de rencontrer une partie de la communauté, et de faire un grand plein de sourires parmi tous ces enfants.

Samedi, de retour au bateau, je souhaitais presque que ce soit ma dernière virée sur l'eau. Mais la glace ne semblait toujours pas arriver. Un ancien du village se souvenait qu'il y a encore quelques années la petite baie où se trouve le bateau gelait beaucoup plus tôt; ils venaient y chasser le phoque.

Hier après-midi, un canot s'est approché avant de faire le tour complet du bateau: Yves, Céline, Anita et Andrew sont venus me rendre visite! Quel plaisir d'avoir des invités à bord, et de partager un délicieux goûter.

Ce soir, les nuages ont fait place à un beau ciel étoilé, et qui s'est drapé d'une immense lueur verte: ma première aurore boréale.

En sortant admirer le spectacle, j'ai senti un silence étrange, et trouvé le bateau bien immobile. La glace a pris autour du bateau!


Paré

  • Lever de lune sur Qikiqtarjuaq

Arrivé à bon port après une jolie collection de sauts de puces aériennes, j'ai rejoint Vagabond à son mouillage il y a une dizaine de jours, ému de retrouver sa coque rouge que je connais bien, plus de trois ans après l'avoir quitté sous les mêmes latitudes, de l'autre côté du détroit de Davis.

J'y ai vite retrouvé quelques marques et habitudes et, grâce à la précieuse aide d'Yves qui assure un routage hors-pair, résolu quelques dernières questions techniques. Me voici paré pour quelques semaines de navigation immobile. Je savoure chaque instant qui passe, les quelques rayons de soleil qui viennent encore éblouir un hublot, et la vue imprenable sur les "paquebots" voisins, ces grands icebergs tabulaires qui sont venus mouiller à l'entrée du fjord.

Les nouvelles des antipodes et de Bretagne sont bonnes. L'équipage au complet me rejoindra juste à temps pour célébrer le solstice d'hiver. En attendant, ragoût de "country food" mijoté sur le poêle, pain maison à la farine de châtaigne, crèmes et potages de saison, la traversée de l'automne s'annonce aussi culinaire.


Aux antipodes ! par Eric à bord de l'Astrolabe

  • Vagabond au mouillage

Il y a 15 ans, le 28 octobre 1999, j'achetais Vagabond. Depuis, mon frère Piem a veillé sur notre site Internet, pour partager nos aventures avec tous. Aujourd'hui, c'est aussi l'anniversaire de Piem, et il est seul à bord pour presque deux mois. Il veille sur Vagabond, tandis que la mer commence à geler. Pour célébrer ce grand jour, je ne pouvais pas être plus loin, à l'entrée du pack en Antarctique, à bord de L'Astrolabe !


Paré pour l'hiver

  • Chasse au narval
  • Vagabond dans le port de Qikiqtarjuaq
  • Dans l'annexe pour aller a l'ecole

Ca y est, Vagabond est paré pour l'hiver. Carburant, eau, vivres... Maintenance, rangement, nettoyage... La conversion du bateau en refuge s'achève, notre dixième hivernage commence.

Lors de notre arrivée à Qikiqtarjuaq, le 6 octobre, beaucoup d'enfants étaient sur la plage en criant "bienvenue !". Le drone était de sorti pour filmer la fin du long périple de l'été (près de 7000km). Mais il a disparu dans la mer suite à une perte de contrôle inexpliquée !

Le 7 octobre, Léonie retrouvait ses copines et rencontrait sa nouvelle maîtresse, tandis qu'Aurore rentrait à l'école pour la première fois au Nunavut.

Dimanche, 31 bateaux chassaient le narval juste à côté de nous, spectacle fascinant.

Mardi, Clémentine et Adrien sont repartis vers le sud du Canada, à la recherche d'un avion pour leur prochain grand départ, en juin.

Mercredi, France et les filles ont pris l'avion pour Paris.

Hier, j'ai confié les clés du bateau à Yves, le mécanicien du village, qui veillera sur Vagabond en attendant l'arrivée de mon frère Piem. Il sera alors seul à bord pendant deux mois, jusqu'à notre retour en décembre.

Je pars pour une mission d'un mois en Antarctique, pour l'IPEV, à bord de l'Astrolabe (suivre son parcours ici).


Itilleq

  • Vagabond depuis le drone
  • Escale a Itilleq

Petit village très accueillant d'environ 130 personnes, paisible et soigné, Itilleq est notre dernière escale au Groenland. Nous sommes dans les environs depuis six jours, en attente de la bonne fenêtre météo pour traverser le détroit de Davis (éviter les vents de face qui, en cette saison, peuvent engendrer des embruns givrants). La voilà, départ dans quelques heures pour Qikiqtarjuaq !

Du 24 au 26 septembre, Vagabond est à Nuuk, la grande ville du Groenland : piscine, restaurants, supermarchés, magasins spécialisés pour bateaux... Onze ans jour pour jour après notre première escale à Nuuk (à la fin du tour de l'Arctique), la capitale s'est bien agrandie et modernisée !

Clémentine et Adrien nous présentent leurs amis : Jens est pilote pour Air Greenland, il a une longue expérience dans les recherches et le sauvetage aériens. Thomas est contrôleur aérien depuis des années au Groenland. Mais surtout, ils possèdent chacun leurs propres petits avions ou hélico, et voyagent en famille, tels des vagabonds des airs. Ils sont intarissables et passionnants !

Faute d'une météo favorable pour faire route directe sur Qikiqtarjuaq, nous continuons de remonter la côte ouest du Groenland. Le port très abrité de Maniitsoq accueille Vagabond lors d'une courte escale, au pied de montagnes convoitées par de nombreux alpinistes et skieurs. Peu après, tout en navigant, Clémentine et Adrien lancent le drone à deux reprises : vue imprenable sur notre équipée !

Le paysage s'enneige, les lacs et cours d'eau gèlent, les longues nuits offrent davantage d'aurores boréales, et le poêle reste allumé jour et nuit. Il est temps de gagner nos quartiers d'hiver !

Suivez ici l'itinéraire de Vagabond.

Photos du périple de l'été 2014.


En route pour Qikiqtarjuaq

  • Maree basse

Escale à Ipiutaq, l'occasion de laisser passer un peu du mauvais temps et de revoir nos amis qui commencent à rassembler leurs centaines de moutons.

Les missions de l'hiver se sont confirmées, nous sommes en route pour Qikiqtarjuaq, au Nunavut, sur la côte Est de l'île Baffin, au Canada. Là-bas, nos amis, nos chiens, l'école, et pas mal de matériel nous attendent pour un deuxième hivernage dans la même petite baie à 3km du village.

Les missions de l'été sont terminées, cinq semaines riches et intenses dans la région de Tasiilaq. Ce fût un grand bonheur de redécouvrir cette partie de la côte Est du Groenland, successivement avec nos collègues et amis Laurent Geoffroy, Michael Charavin, et Christian Morel, et leurs groupes respectifs.

Le dernier groupe a débarqué la semaine dernière, laissant la place à Clémentine et Adrien, nos équipiers pour ce long périple retour. Ils connaissent la route, vue du ciel, empruntée lors de leur tour du monde en ULM. Pilotes (Des Ailes pour la Science), ils se sont vite amarinés et partagent les quarts avec France et moi. Les nuits sont longues, et les glaces parfois difficiles à distinguer dans la houle et les averses, malgré le puissant phare avant et le radar.

Notre ami Christian Dumard, routeur, veille sur nous : les conditions ont été bonnes depuis notre départ de Kulusuk, belle mer, courants et vents favorables, aurores et clair de lune, il était assez facile de slalomer entre les growlers parfois nombreux. Seule une courte escale a été nécessaire, la nuit de mercredi à jeudi. A l'approche de la côte et d'un éventuel abri, le vent est soudain devenu violent (100km/h), la visibilité très faible dans les bourrasques de neige, un moteur s'est arrêté momentanément, et la grand voile a été légèrement endommagée. Peu après, au deuxième essai, le mouillage tenait, l'équipage soufflait.

Les fjords du sud ont été très appréciés, une fois de plus, pour éviter le cap Farvel ! Accueil sur la côte ouest assuré par des baleines à bosses et des petits rorquals. Aurore et Léonie étaient surexcitées.

Clémentine et Adrien sont venus avec un drone pour Vagabond, premier essai hier, à Ipiutaq, bluffant ! Ludique et pratique, les images qu'il rapporte sont superbes.

Avant de quitter Kulusuk, les pilotes ont pu organiser une mission photogrammétrie pour Laurent Geoffroy. J'ai embarqué dans le petit P68 en location, c'était la première fois que je prenais l'avion au Groenland (où nous avons passé huit saisons estivales) ! Après quatre heures de vol, et des milliers de photos, les massifs géologiques étudiés pourront bientôt être auscultés en 3D sur un ordinateur. Ce fût fascinant de revoir d'en-haut tous ces fjords, ces îles, ces glaciers, bien explorés avec Vagabond lors des missions de 2000, 2001 et 2014.

Suivez ici l'itinéraire de Vagabond.