Solstice d'été

La banquise est de plus en plus inondée. La neige fond en surface et de véritables lacs se développent tout autour de nous. Le ski devient de plus en plus nautique ! L'eau de fonte ne peut s'écouler que par les fractures de la banquise le long du littoral, ou au voisinage des icebergs, parfois aussi par les trous de respiration des phoques qui ressemblent maintenant à de gros siphons bouillonnants. Depuis Vagabond, nous avons observé un ours chasser. A l'affût pendant de longues heures, immobile, il a attrapé un phoque par surprise, alors qu'il venait respirer par le trou qu'il entretient dans la banquise. L'ours a déplacé le phoque de 50 ou 60 kilos d'une centaine de mètres avant de le dévorer. 2 heures plus tard, il était assoupi non loin de la carcasse, soigneusement nettoyée. Dans la nuit, l'ours est passé entre les niches et Vagabond, curieux, mais un pétard a suffit pour le faire partir, il n'était évidemment pas affamé ! Les chiens ont pu ronger quelques restes de viande fraîche laissée par l'ours, la fin du travail est maintenant assuré par les oiseaux et renards.


RFI

Nous serons en direct par téléphone sur Radio France Internationale demain 21 juin, à 13h45 (11h45 TU), émission d'Arielle Cassim, 'Le Quotidien de la Mer', après la météo marine (www.rfi.fr).


4 à bord

Lucas et Nicolas, après 5 jours de ski à travers les glaciers qui nous séparent de la côte ouest du Spitsberg, sont arrivés vendredi à bord de Vagabond. Avec eux, un peu de courrier, dont 2 lettres 'égarées' à Longyearbyen depuis plus de 6 mois... l'une d'elle, datée du 12 décembre dernier, annonçait la naissance d'un neveu ou d'une nièce de France pour le 17 juin, jour de réception de la lettre à bord. Et hier matin, 18 juin, nous avons appris que le petit garçon était né dans la nuit ! La médecine est étonnante.

Nous sommes donc 4 à bord, prêts à reprendre la mer. La saison de navigation a d'ailleurs bien commencé, depuis une dizaine de jours, sur la côte ouest. Mais notre baie est si bien protégée que la débâcle sera probablement très tardive, alors nous profitons au mieux de la douceur de l'été. France a entrepris la fabrication d'une aile de traction, pour aller plus vite à ski, avec les restes de la tente déchirée par les ours. En creusant sous la neige, nous avons pu dégager un petit cours d'eau, fini donc les collectes de glace pour avoir de l'eau douce.


Voiles

Belle journée hier pour vérifier nos voiles. Superbe soleil, vent d'ouest de 15 noeuds, pendant 4 heures Vagabond semblait filer au près sur une mer lisse et enneigée... étonnante sensation de pouvoir tourner à pied autour du bateau toutes voiles dehors, c'était comme évoluer dans une photo. Vu d'un petit sommet voisin, la banquise ne montre pour l'instant aucun signe de faiblesse autour de nous... voiles et moteurs ne suffisent pas encore pour rejoindre la mer libre !


Crevettes

Des milliers de crevettes vivent sous la coque ! Voilà ce que j'ai pu découvrir en plongeant sous la banquise tout à l'heure. J'ai donc profité du trou percé avec peine le mois dernier, et qui reste bien ouvert maintenant, grâce au soleil qui brille depuis 3 jours. J'ai même pu refaire surface à l'arrière du bateau, dans le trou créé par le rejet d'eau de mer du générateur. Imaginez la surprise des chiens qui se prélassaient sur la neige, au soleil, quand ils ont d'abord entendu des bulles, puis vu un drôle d'animal sortir, pour enfin reconnaître le son de ma voix ! Vagabond est complètement décollé de la glace maintenant (il flotte !), la lumière crée un joli halo tout autour, magnifique vu de dessous, tandis que l'obscurité règne partout ailleurs sous la banquise. C'est surprenant en cette saison, car le jour permanent nous fait oublier la nuit. Au fil de l'hiver, la coque a laissé son empreinte dans la banquise, qui s'est épaissit peu à peu, et qui s'est également abaissée lors de chaque grosse chute de neige. L'architecture qui en résulte est étonnante. Encore près de 10 km de banquise solide nous séparent de la mer libre... Les visites d'ours ne sont donc pas terminées, le dernier a emporté la peau de phoque que France s'apprêtait à tanner !


Jin retrouvé

Séjour intense pour Fred, Jean et Lucas : brève plongée sous la banquise, bain de mer encore plus bref, chasse au phoque, visite d'un ours... La météo est redevenue mauvaise pour le trajet retour. Il restait encore juste assez de neige pour reconduire la motoneige jusqu'à Svea, d'où nos 3 amis reprenaient l'avion. Sans aucune visibilité, concentré sur le GPS, conduisant doucement à travers les glaciers, je n'étais pas très fier de remorquer ainsi les 3 skieurs. A 12 km de Vagabond, Jin a soudain fait demi-tour. L'un de nos 2 chiens nous suivait fidèlement vers Svea, pour m'accompagner au retour, afin de m'aider à tirer la pulka et veiller sur ma tente pendant la nuit. Je suis revenu en arrière sur quelques kilomètres, j'ai appelé en vain dans la tempête. Il ne me restait qu'à retrouver les autres et espérer que Jin ne se soit pas égaré. En arrivant à Svea quelques heures plus tard, après un périple éprouvant, France nous a appris par téléphone que Jin n'était pas revenu au bateau. Dès le lendemain matin, j'ai salué nos 3 amis, laissé la motoneige, récupéré le courrier, avant de repartir avec ma lourde pulka vers la baie d'Inglefield, à 45 km de Svea. 36 h après avoir aperçu les dernières traces de Jin, j'ai planté la tente au même endroit, espérant le voir revenir. Ce n'est qu'en reprenant ma route, le jour suivant, que j'ai croisé ses traces, le long de la moraine qui sépare les glaciers Edvard et Nordsyssel, à 10 km de Vagabond. J'ai exploré les environs pendant quelques heures, avant de me résigner à rejoindre Vagabond, en raison du mauvais temps annoncé. Ce dernier coup de vent fût bref heureusement, France et moi avons pu retourner sur place rapidement, installer un camp pour continuer les recherches avec Frost, malgré le brouillard persistant. Hier enfin, au pied du Storbollen, en bas du glacier Edvard, Jin a entendu nos appels. Emotion de le voir revenir en courant vers nous, après plus de 5 jours de vadrouille ! Le gouverneur aussi sera rassuré, Jin ne fera pas comme ce chien égaré au printemps qui tuait des rennes pour se nourrir et se cachait des motoneiges qui le cherchaient. Aucune visite d'ours à bord pendant notre absence, et Vagabond a même retrouvé son assiette, dégel aidant.


Retrouvailles

Nous nous sommes ratés au point de rendez-vous samedi, les 3 skieurs sont arrivés à Vagabond alors que nous les attendions encore sur le glacier Edvard ! Puisque nos amis avaient finalement pris les pièces pour réparer la motoneige, Lucas et Jean ont pu l'utiliser pour venir nous chercher. Imaginez notre surprise ! Superbe journée sur la banquise hier, 1 skieur avec les chiens, 3 autres remorqués par la motoneige, nous avons même pu faire un relevé hydrographique.


Interminable tempête

L'hélico attendu avec les pièces de rechange n'a pas pu venir, la motoneige n'est donc pas encore réparée, et je n'ai pas quitté Vagabond. Il est impossible de plonger sous la coque ou de faire des relevés hydrographiques, mais surtout, nos 3 amis sont toujours coincés de l'autre côté du Spitsberg. Nous préparons ces retrouvailles depuis si longtemps, nous avons hâte que le baromètre remonte pour de bon ! Dire que mai et juin sont habituellement les mois les plus calmes et les plus agréables au Spitsberg... Fred, Jean et Lucas, que nous avons réussi à joindre brièvement ce matin par téléphone, sont actuellement bien à l'abri dans une toute petite cabane, à une dizaine de km de Svea, et à 40 km de Vagabond. La météo sera encore très mauvaise jusqu'à samedi, France et moi espérons les retrouver dimanche, sur le glacier Edvard, nous irons à leur rencontre avec les chiens. Entre 5h et 7h du matin hier, j'ai profité de l'unique et courte accalmie pour me rendre au bord du Storfjord, la banquise disparaît peu à peu, rongée par la tempête. Dans la baie d'Inglefield, la banquise est encore intacte, mais la gîte du bateau augmente (6°) sous l'action du vent, comme si nous naviguions à la voile !