Impact

Hier, la température équivalente est descendue à -60°C : -29°C selon le mercure, et 25 noeuds de vent. Un bon cache nez est apprécié pour aller chercher de la glace à l'iceberg voisin, pour faire de l'eau ! Ce dimanche matin dans le carré, le poêle ayant calé, il ne faisait que -6°C... Un bon coup de chauffage central et nous voilà de nouveau bien au chaud (+15°C). L'impact de la petite base Vagabond sur l'environnement me semble somme toute raisonnable : nous ne consommons que 7 litres de gasoil par jour, en moyenne sur 9 mois d'hivernage, et un demi litre de pétrole lampant par jour pendant la nuit polaire. Cela pour se chauffer, s'éclairer (+ une centaine de bougies environ), cuisiner (sur le poêle, propane non utilisé), et fabriquer notre électricité (lorsque éolienne et panneaux solaires ne suffisent pas).


Radio

Ca y est, le câble rongé par les chiens en novembre dernier est temporairement réparé, et nous pouvons écouter la radio de temps en temps, lorsque la propagation est bonne. Une façon de ne pas être trop coupé du monde... En français, nous ne captons que Radio France Internationale, nous y serons d'ailleurs en direct, par téléphone, lundi 29 janvier à 12h40, au micro d'Arielle Cassim. Et la veille, France répondra aux questions de Sandrine Mercier sur France Inter, vers 16h45 ! C'est toujours un plaisir de partager notre quotidien, certains nous imaginent sur autre planète... Savez-vous que planète, en grec, se dit vagabond ?

Depuis octobre 2004 que Vagabond est installé dans la baie d'Inglefield, son environnement nous est devenu familier, les aventures du début font aujourd'hui partie de notre quotidien. Ainsi les visites d'ours (encore 2 hier, fusée et projecteur ont suffit) ou les tempêtes. Le baromètre a chuté de 45mb en moins de 2 jours, la température est passée de -32 à -4°C. Le pression remonte actuellement, il fait -14°C avec un vent de 45 noeuds en rafales, soit une température équivalente de -44°C ! Grâce aux basses températures (environ -30°C pendant une petite semaine), la banquise est beaucoup plus solide, espérons qu'elle résiste à toutes les prochaines tempêtes. La banquise est aussi devenue plus praticable. Le 15 janvier, nous mesurions une épaisseur de 22cm de glace, recouverte de 30cm de neige, dont 17cm dans l'eau (franc-bord négatif) : la glace 'coule' sous le poids de la neige, une vraie pataugeoire. Le 19 janvier, au même endroit, 42cm de glace et à peine 12cm de neige (fr anc-bord +2cm) : la glace est 'sèche' sous une petite couche de neige, un terrain idéale pour le traîneau ! A terre, la couche de neige est telle qu'il faut des skis ou des raquettes pour se déplacer.


Réveil

Grande virée en traîneau avec les 3 chiens ce dimanche, profitant du grand beau temps (froid et sec) et de la clarté de la mi-journée, qui augmente chaque jour mais qui ne dispense pas encore de l'utilisation de la lampe frontale. La banquise est fréquentable, trés fréquentée d'ailleurs, les chiens n'avaient que l'embarras du choix dans les traces d'ours à suivre ! A mon retour au bateau, France m'explique qu'elle a été tirée du lit par des pas qui ne ressemblaient pas aux miens, ni à ceux des chiens qui étaient avec moi et qui ne pouvaient donc pas la prévenir. Elle a pu éloigner l'ours rapidement d'un bon coup de projecteur, il avait tout de même eu le temps de poser les pattes sur le bateau, non loin du coffre à croquettes !


Froid

La banquise est bien solide maintenant, grâce aux basses températures qui se maintiennent enfin depuis une semaine (-28°C hier). J'ai pu ainsi rejoindre facilement la terre avec le traîneau à chien, et faire une première excursion jusqu'au petit sommet voisin, sur la moraine. Les chiens étaient eux aussi très impatients !


Mât météo

Tout est enfin en place. Capteurs, câbles et haubans décorent utilement notre fier pylône de 7m à côté de la cabane. Mesurées désormais toutes les heures, les données de vent, pression et température sont envoyées à Paris toutes les 12h, et ce pour au moins 18 mois. Le plus difficile ne fût pas tant le puzzle à assembler, malgré l'onglée, la glace qui bouchait le moindre trou, ou les vis corrodées depuis le printemps dernier. Le plus dur reste certainement le trajet pour rejoindre la cabane, à seulement 200m du bateau ! Lorsque la météo autorise une telle excursion, je commence par enfiler une combinaison étanche pour franchir plus ou moins à la nage la zone de banquise fracturée le long de la berge. Ensuite, une bonne frontale pour y voir clair dans la nuit polaire, et de quoi dissuader un ours de trop s'intéresser à moi. Hier justement, alors que je viens de patauger un peu pour atteindre la berge, un ours se dirige soudain vers Imiaq et moi. Dans ma tenue de casimir, attaché à ma pulka avec tout mon équipement, je tente en vain de lui envoyer une fusée, le pistolet d'alarme ne fonctionne pas. J'attrape le fusil et tire au dessus de sa tête pour le voir déguerpir avec soulagement. France, depuis le bateau, ne cesse de pointer le projecteur sur l'animal splendide et agile dans la neige profonde, tandis qu'il s'éloigne vers le fjord. J'attends alors un bon moment, et je fais signe à Imiaq de reprendre le chemin de la cabane. Rejoindre son lieu de travail est parfois une petite expédition !


Vague

Une grosse vague s'est faufilée hier sous la banquise, au fond de notre abri. Résultat, la banquise s'est fracturée autour du bateau, et surtout le long de la berge. J'étais alors dans la cabane, à terre, en train de travailler sur le mât météo, lorsque France m'a averti par radio. Il m'a fallu une bonne heure pour trouver un passage pas trop large, damer un peu la neige, lancer d'abord raquettes et fusil de l'autre côté, puis prendre de l'élan avant de sauter sur une banquise détrempée car très alourdie par l'épaisse couche de neige. Imiaq m'a suivi fidèlement mais n'a pas échappé au bain ! Le tout sous le projecteur pointé par France depuis le bateau, et sous un ciel empli d'aurores et d'étoiles. La veille, plus de 5h furent nécessaires pour dégager le pont de la glace et de la neige accumulées, afin de vérifier les amarres et la chaîne de l'ancre... Le baromètre remonte, il n'avait jamais été aussi bas (962.8 mb) depuis 2004 !


Manips

Premiers essais avec le glaciomètre électromagnétique (EM31), un modèle légèrement différent de l'instrument utilisé depuis 2 ans. Encore quelques mises au point nécessaires avant de pouvoir suivre avec précision la croissance de la banquise jusqu'au printemps, et étendre les mesures faites avec la tarière et la toise. Quand au mât météo, les différents tronçons, les haubans, les capteurs, le panneau solaire, la batterie et les câbles sont rassemblés dans la cabane à côté de laquelle il sera installé dès que possible. Selon la météo qui actuellement se dégrade.


Traîneau

Nous allions manquer d'eau douce, et j'avais repéré un petit iceberg, non loin de Vagabond. De plus j'avais hâte d'essayer le traîneau, offert l'été dernier par nos amis Berit et Karl, en échange de 3 aquarelles pour décorer leur restaurant Busen à Longyearbyen. J'ai d'abord fait un petit aller-retour avec Imiaq seul, le plus téméraire pour faire une trace dans la nuit sur la fine banquise, mais le plus dissipé ! Avec les 2 frères Jin et Frost, je n'avais plus qu'à me laisser porter. Quelle sensation de revenir en traîneau à chiens, avec 2 bidons pleins de glace, vers le carré chaleureux de Vagabond, seul petit point lumineux au loin...


La totale

Ciel complètement dégagé hier, très étoilé. La lune d'un côté, une aurore boréale de l'autre. Pas un souffle, un calme à peine perturbé par les craquements de la glace, ou les grattements d'un chien. Une banquise de 20cm, parfaitement lisse et peu enneigée, sur laquelle il est facile de se déplacer sans ski ni traîneau. Un phoque installé à côté de son trou de respiration, dévoilé dans la nuit par le clair de lune. Et la visite d'une ourse et de ses deux oursons, à quelques mètres de nous. Quelques instants magiques, puis, pour ne pas trop encourager leur curiosité, le phare et, à regret, un pétard. Quelques puissants souffles soudains et une jolie galopade, les trois ours s'enfoncent dans la nuit.