Sous le soleil de minuit

L'ourse et ses oursons sont venus près du bateau, nous avons pu les observer longuement, émerveillés. Les oursons gambadaient autour de leur mère qui inlassablement cherchait des phoques dans leurs tanières sous la neige, sur la banquise. La plupart des bébés phoques annelés sont nés maintenant, et leurs mères les protègent au mieux pendant encore quelques semaines, tout au plus. Ensuite, ils devront se débrouiller seuls. Cette activité intense se déroule sous le soleil de minuit : depuis 10 jours, l'astre vital reste au dessus de l'horizon, il ne se couchera pas avant fin août.


Journées bien remplies sur la banquise

Après une période très ventée de quinze jours, nous avons pu réparer le ballon et le regonfler d'hélium. Plus léger que l'air à nouveau, relié au sol par un fil très léger mais très solide, il a atteint facilement 1500m avec ses précieux capteurs météo. Le même jour, je suis allé jusqu'au bord de la banquise, à 9km de la côte, pour descendre la bathysonde au plus profond possible dans le Storfjord. C'est la meilleur période pour arpenter la banquise, pour nous comme pour les ours. Parmi les 14 individus observés ces 3 derniers jours, les 2 jeunes oursons d'à peine 4 mois, qui gambadaient derrière leur mère, étaient les plus émouvants.


3 ours sur mon chemin

En revenant de mes mesures quotidiennes (CTD), je distingue soudain un ours devant moi, dissimulé par les blocs de glace et les congères qui jonchent la banquise. C'est un grand ourson, presque aussi grand que sa mère qui ne tarde pas à apparaître à son tour. L'ourse porte un collier qui émet sa position en permanence, elle participe ainsi à un programme scientifique. Nous nous observons quelques instants, mais un gros mâle surgit à son tour. Il les suit certainement depuis quelques temps et la procession reprend. En passant à ma hauteur, l'ours hume en ma direction, peu intéressé.


Sous la banquise, l'eau très froide

Finalement, juste avant son départ, notre collègue Nicolas a pu bénéficier d'une météo idéale. L'ADCP (Acoustic Doppler Current Profiler) a pu être installé sous la banquise pendant un cycle complet de marée. Pendant qu'il enregistrait sans interruption et avec grande précision tous les courants, depuis la surface jusqu'au fond, nous descendions la bathysonde CTD (Conductivity Temperature Depth) toutes les trente minutes. Pendant cette station de 12h sur la banquise, à quelques kilomètres au large, un gros ours est passé non loin de nous, dissimulé par les blocs de glace et les congères.


Flotter dans la tempête

Un deuxième trou a été découvert, près de l'autre hélice du bateau. Malgré le colmatage, il faut encore pomper de temps en temps pour évacuer l'eau qui s'accumule doucement dans les fonds. Nous cherchons activement une solution moins précaire ! Si les mouvements incessants de la banquise ont fini par percer la coque, la longue tempête d'une semaine a endommagé le ballon météo. Le beau temps semble être de retour, nous devrions pouvoir le réparer et reprendre tous les travaux scientifiques. A commencer par une série de mesures avec courantomètre et bathysonde pendant au moins 12 heures depuis la banquise du Storfjord.


Lorsque tout se complique

Dimanche, une accalmie nous a permis de faire quelques relevés hydrographiques depuis la banquise, à 5 km de Vagabond, avec la bathysonde. Mais depuis, la météo n'est guère favorable, et le vent sculpte d'énormes congères autour de nous. Les motoneiges, les niches, le traîneau... tout a disparu sous la neige, ce qui nous offre des heures de pelletage ! De plus, ce matin, il a fallu s'armer de seaux et de pompes pour vider le bateau qui commençait à couler par l'arrière. Au bout de quelques heures, un trou a été localisé, puis rapidement colmaté, au niveau de l'hélice tribord.


Hommage aux chiens polaires

Aujourd'hui, la météo nous contraint de rester calfeutrés à l'intérieur : neige soufflée, température -21°C, vent de nord-est 60 km/h, température équivalente à -52°C. Les chiens, parfaitement adaptés, restent en boule à l'extérieur. Ils veillent sur le camp. Sans eux, dans de telles conditions, ou pendant la nuit polaire, nous ne pourrions pas vivre et travailler ici sereinement. Lors des excursions à ski ou en traîneau, ils continuent de veiller sur nous, tout en nous tractant joyeusement et sans risquer de tomber en panne. Hier soir, ils ont eu la surprise d'avoir beaucoup de visiteurs : 5 traîneaux tirés par 39 chiens ! Imaginez l'excitation de Jin, Frost, Imiaq et Zagrey...


Le lieu d'hivernage vu du ciel

Le ballon d'hélium, après un sondage météo jusqu'à 1700 m, a redécollé avec l'appareil photo. Sur cette image on peut distinguer les 4 niches a côté du bateau, la motoneige et le traîneau à l'arrière, et les 3 tentes d'une expédition de passage. L'appareil n'est resté qu'une dizaine de minutes en l'air, mais suffisamment longtemps pour vider une batterie neuve, en raison du froid. La photo choisie doit ensuite être largement réduite et compressée pour avoir une chance d'arriver à destination. Un téléphone par satellite, connecté à l'ordinateur, est notre seul lien avec la civilisation.


3 expéditions à ski le même jour !

Mercredi, il y avait foule autour de Vagabond. Au total, 13 skieurs (et 16 pulkas) se sont croisés près du seul point habité de toute la région. 5 français du Groupe Militaire de Haute Montagne sont arrivés la veille : une expédition pour tester du matériel avant de partir en Antarctique. Le lendemain, 2 norvégiennes et 1 norvégien n'ont fait qu'une courte escale chez nous. Ils sont lancés dans une traversée complète du Spitsberg du Nord au Sud en 40 jours. Dans la soirée, ce sont 5 polonais qui montaient leurs tentes à côté de nos chiens, ainsi n'ont ils pas eu à utiliser leur fil anti-ours. Température -30°C (à l'aube), vent nul, ciel dégagé.