"Vous repartez déjà ?", nous demandent la plupart des personnes croisées dans
Grise Fiord, mercredi après-midi. C'est qu'ici, les festivités ne s'arrêtent
pas entre Noël et le Jour de l'An ! Mais il nous faut aussi veiller sur
Vagabond et sur nos quatre chiens. Même si j'ai déjà pu faire un aller-retour,
seul, lundi dernier (tout était gelé à bord), nous décidons de repartir tous
les quatre pour quelques jours, afin de bien chauffer le bateau, recharger les
batteries, nourrir les chiens... afin de se faire une petite fête en famille
aussi, de ne pas interrompre les travaux scientifiques, et de se reposer un
peu !
Finalement, Raymond arrive en motoneige le 24 décembre vers 9h, sans prévenir.
Je réveille les filles et nous embarquons dans le grand traîneau. Il fait
froid (-39°C), mais la banquise est peu accidentée et les cinquante kilomètres
sont parcourus sans encombre, avec une faible lueur de mi-journée qui nous
permet de distinguer les montagnes. Magnifique. A midi, nous sommes à Grise
Fiord ! Nous avions quitté le village le 6 octobre et sommes un peu
déboussolés par ce retour "en ville". Le temps d'une douche (quel luxe) et de
donner un coup de main à l'infirmière pour découper une grosse dinde (les
petits problèmes de santé peuvent attendre), nous retrouvons tous les
habitants du village dans le gymnase. Des tables ont été dressées pour 110
personnes, le réveillon est organisé par la commune, beaucoup de bénévoles ont
préparé les plats, décoré la salle, emballé des cadeaux... et chacun apporte
ses couverts et un cadeau. Après le festin commencent les premiers jeux.
Aurore et Léonie sont très heureuses de gambader avec d'autres enfants, sur un
sol dur et en vêtements légers, France et moi sommes ravis de revoir et
prendre des nouvelles de nos amis locaux. A 23h, presque tout le monde
parvient à entrer dans la petite église, dont la porte était restée
entrouverte. Alors chacun garde sa veste pour écouter
Larry, accompagné pour les chants par Jimmie à l'orgue
électronique. A minuit, retour au gymnase où l'arrivée du Père Noël engendre
une liesse générale. C'est Ron Elliott, membre du gouvernement du Nunavut, qui
porte la barbe blanche cette année, et distribue un à un tous les cadeaux. Ron
est venu à Grise Fiord pour mieux se rendre compte des problèmes vécus
actuellement par les habitants. Sans lien avec l'extérieur pendant des jours,
le village manquait de vivres, le courrier n'arrivait pas, les voyageurs ne
pouvaient plus repartir ou revenir... mais le 23 et le 24, trois avions ont pu
se poser enfin et approvisionner le village pour Noël.
Le lendemain, nous sommes invités à partager un repas de Noël avec plusieurs
familles, avant une nouvelle soirée de jeux au gymnase. Les soirées débutent
vers 7h du soir, et peuvent durer jusqu'à l'aube (façon de parler). Le village
dort le matin, et la boutique ouvre entre 3h et 5h de l'après-midi, lieu de
rendez-vous incontournable. Nous en profitons pour acheter quelques fruits et
légumes, et réceptionner beaucoup de colis ! Lorsque nous quittons
l'agréable maison prêtée par Liza et Aksakjuk, avec leur motoneige, le
traîneau est bien chargé (cadeaux offerts par nos amis de Grise Fiord, cadeaux
gagnés aux jeux, viande de phoque, sacs de linge propre...). Je parviens à
suivre ma trace de l'avant veille, étonné de pouvoir tracter un si grand
traîneau avec une simple motoneige. Les virages ne sont tout de même pas
faciles à négocier !
Demain, nous repartirons plus léger pour Grise Fiord, où nous sommes conviés
pour fêter la nouvelle année.