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Nunavut

  • Vagabond en escale a Kimmirut

Nunavut. C'est un moment spécial de terminer notre tour de Baffin en même temps que cinq années au Nunavut.

Dans ce voyage, c'est ici, à Kimmirut, que Céline et Yves nous ont quitté pour retourner à Qikiqtarjuaq. C’était une bonne équipe !

A peine avions nous mis pied à terre qu'un manque se comblait : enfin un peu de végétation. Oh, pas haute, mais quel bonheur de retrouver camarines et myrtilles sur de raz tapis faits de minuscules feuilles pourpre, de revoir quelques saules nains de près de 30cm de haut ! En effet, depuis le Groenland, rien. De la roche aride parfois clairsemée de rares lichens. Et ce matin tôt, en laissant s'éloigner le Nunavut, un pincement me vient au cœur pour tout ce qu'il nous a offert... Mais s'immisce déjà l'excitation de nous savoir bientôt passer la ligne des arbres, au Labrador !


Fisher Harbour, Big Island, au sud de l'île Baffin

  • Aurore Eric Leonie

Aujourd'hui nous sommes dans une petite baie, il y a un peu plus de vent qu'on le croyait mais bon on est à l'abri alors c'est pas grave.

J'ai un peu aidé papa dans la salle des machines, nous avons nettoyé le filtre à gasoil, nous avons pompé l'eau des fonds et changer un autre filtre à gasoil.

Hier on a fait une petite traversée c’était pas la pleine forme mais ça allait.


Cape Dorset

  • Avec Tim dessinateur a Cape Dorset

Après les platitudes à l'ouest du bassin de Foxe, quel bonheur de retrouver le relief du sud de l'île Baffin. Et de découvrir Cape Dorset, le plus joli village du Nunavut que je connaisse.

En quête de douches, nous voilà invités à l'école; le collège a brulé voilà un an, l'école élémentaire accueille donc les plus jeunes le matin, et les grands à leur place l'après midi. Le directeur, un kényan enthousiaste, nous emmène faire la tournée des classes pour des échanges improvisés avec les élèves. Espiègle, il joue des tours aux élèves, puis une mélodie de sa composition, au piano qui a trouvé une place dans son bureau; il joue de 7 instruments, et n'hésite pas à en faire profiter toute l'école en direct par les hauts parleurs ! En fait de douches, elles sont HS.

La secrétaire, Ooloosie Ashevak, nous invite alors chez elle... Et nous ne tarissons pas d'évoquer nos amis de Grise Fiord, Larry et Annie, qui sont leurs oncle et tante, ainsi que leurs filles Laisa et Arna, cette dernière fut la maitresse de Léonie ! Le lendemain nous sommes tous invités à l'anniversaire de l'une de leurs filles. J'apporte un gâteau, qui clôt le festin de caribou congelé, maktak de belouga, soupe d'omble arctique et bannok. L'ambiance est chaleureuse et l'accueil tellement simple !

Adamie, le mari de Ooloosie, est sculpteur. Comme beaucoup d'hommes ici. Et pour cause, Cape Dorset est la capitale artistique du Nunavut. Nous avons la chance de visiter les ateliers de lithographie et de sérigraphie du village. Les artistes sont exclusivement d'ici, issus souvent de familles d'artistes. Toutes les œuvres partent à la vente à Toronto. Il y a aussi des peintres et des dessinateurs. Nous rencontrons Tim dont le chef d'atelier qui revient tout juste de vacances découvre les derniers dessins en notre compagnie. J'admire son sens du trait et du volume. Il partage son temps entre l'art et la chasse. C'est dans la nature qu'il observe, tire son inspiration, dégage ses sujets et précise ses idées. Puis sans croquis préalable et de main de maître, il couche sur grand format l’œuvre qui attend de naître.

Il y a aussi une galerie de sculptures. La serpentine ou pierre à savon est prélevée de carrières situées à un jour de bateau de Cape Dorset. La galerie n'a pas la capacité d'accueillir les sculptures de tous les artistes du village, le commerce se fait donc également directement dans la rue. Nous lestons ainsi Vagabond d'ours vert émeraude tout droit tirés des flancs de Baffin.

Alicia nous quitte ici. Elle emporte la plupart des échantillons de coralline vers le laboratoire de Jochen à Toronto. Le dernier site de recherche n'a pas été fructueux, mais nous espérons relever le niveau pour les derniers sites de la mission de cet été.


Bassin de Foxe

  • Jeune oie chassee par Yves

Hier matin vers 6h, après une vingtaine d'heures de navigation, nous sommes tout juste parvenus à pénétrer dans la toute petite baie bien protégée au coeur de l'île Owlitteeweek, proche du cercle polaire. Le vent s'est levé peu après, il fût alors impossible de débarquer jusqu'à cet après-midi.

Nous apercevons un traineau abandonné sur la plage, sans doute laissé par un chasseur de Hall Beach ou de Repulse Bay. Les oies sont très nombreuses, elles se rassemblent avant de migrer vers le sud.

Enfin, le vent se calme et le ciel s'éclaircit, l'annexe est mise à l'eau et nous voilà bientôt tous sur la berge, ravis de pouvoir marcher un peu. Mais un ours a choisi la même île que nous, et par prudence mais à contrecoeur, il nous faut annuler la balade. Yves trouve tout de même le temps de chasser une oie qui régale l'équipage avant de lever l'ancre.

La prospection n'a rien donné, inutile de plonger ici, Vagabond reprend sa route vers Cape Dorset. Il faudra une trentaine d'heures pour traverser le bassin de Foxe, très peu profond et très peu cartographié. De plus, les courants sont forts et imprévisibles !


Hall Beach

  • Retrouvailles avec Jaypootie a Hall Beach

Le mouillage n'est pas très protégé devant Hall Beach. Nous y passons tout de même une nuit, face aux grandes oreilles, radars du Système d'Alerte du Nord (DEW Line). Nous débarquons brièvement ce matin, accueillis sur la berge par un curieux qui nous dépose à l'autre bout du village. Quelle surprise d'y retrouver notre ami Jaypootie, venu de Qikiqtarjuaq pour participer à une inspection des stations régionales de la DEW Line. Le temps de traverser le village ensemble, d'échanger des nouvelles avec enthousiasme, et nous levons l'ancre pour éviter un coup de vent.


Rencontres à Igloolik

  • Vagabond a Igloolik

"Salut Eric!" : surprise, nous retrouvons Matt au magasin Northern, il travaillait auparavant à celui de Qikiqtarjuaq. Sur la plage, c'est Martin qui vient nous saluer, il démarre ici un gros chantier de construction. Nous partagions ses locaux à Qikiqtarjuaq pour la mission GreenEdge.

Sur la plage aussi, un couple en quad vient nous offrir le DVD du film Atanarjuat (2001). Ce film écrit et joué par des Inuits, a été produit par Isuma, première société indépendante de production des Inuits, à Igloolik !

Il y a quelques jours a eu lieu un spectacle de ArtCirq, cirque local créé par Guillaume Saladin (un cousin !), et de Kalabante, une troupe africaine venue tout spécialement de Guinée ! J'aurais rêvé être présent, l'occasion d'un joli clin d'oeil à La Batook...

Simon, le chasseur venu nous accueillir au mouillage, nous raconte qu'il avait reconduit Mike Horn à l'endroit où sa tente avait brûlé, lorsqu'il fût prêt à poursuive son périple autour de l'Arctique. Mike nous avait raconté ça de vive voix à Barrow, en Alaska, quelques mois plus tard, en août 2003.


Igloolik

  • Simon gonfle peau de phoque a Igloolik

A notre surprise, Igloolik abrite une station scientifique depuis 1974 ! Nous y sommes chaleureusement accueillis et pouvons attester du bel exemple de coopération entre blancs et inuits, qui mènent ensemble des études sur la faune locale.

La ville subit pour l'heure quelques soucis avec son réservoir d'eau potable... Ce n'est pas l'escale rêvée pour les douches et lessives, cependant, la responsable du développement économique de la ville, ayant vécu sur un voilier, nous ouvre volontiers sa porte et sa salle de bain !

Le soir nous retrouvons Simon, venu la veille sur sa barque à moteur accueillir notre voilier rouge : il offre dans la salle commune une démonstration de fabrication du ballon flotteur en peau de phoque, qui amarré au bout du harpon, permet de ne pas perdre l'animal qui coule à la chasse, que ce soit un phoque, un narval, un béluga... Soirée passionnante, offerte principalement pour transmettre la tradition aux jeunes inuits du village.

Le porte container qui approvisionne le village une fois l'an est là, son remorqueur fait des vas et viens en poussant sa barge lestée de containers. Il nous procure des photos de ses cartes marines du bassin de Foxe, spécialement peu reconnu et insondé.

Après son départ, nous faisons le plein de gasoil à la limite de l'échouement sur la plage, face au vent, une amarre fixée sur un container de la berge. Pour une fois, cette manœuvre est d'une simplicité déconcertante !


Fury et Hecla

  • Escale banquise Fury et Hecla

Grand beau temps, mer d'huile et baleines pour traverser le golfe de Boothia. L'équipage est gâté ! Alicia et France en profitent pour trier les échantillons de coralline, en compagnie des filles qui jouent sur le pont avant.

Alors que la nuit tombe, Vagabond retrouve l'île Baffin en se faufilant entre les glaces dérivantes. Les premiers morceaux de banquise depuis que nous avons quitté Qikiqtarjuaq, fin juillet ! Quart de nuit magique. Une étoile filante très brillante, verte, m'indique la direction à suivre. Radar, sonar et phare me permettent de trouver un mouillage tranquille, dans quelques 4 mètres d'eau, afin d'attendre le lever du soleil pour reprendre notre route.

Les cartes des glaces sont claires : la voie est presque libre, seulement 50 milles à parcourir entre petits et gros fragments de banquise éparses. En début d'après-midi, malgré le vent qui augmente progressivement, nous choisissons une grand plaque de glace pour nous y amarrer. France me guide depuis le nid de pie, puis me remplace à la barre pour maintenir l'étrave en appui contre la glace, le temps que je pose une broche à glace et tende l'amarre. Nous sommes alors à l'entrée du détroit de Fury et Hecla et dérivons à un noeud vers l'est avec le courant, dans la bonne direction !

Aurore a déjà enfilé sa combinaison. La voilà qui patauge dans les flaques qui jonchent la banquise, dans lesquelles France et Alicia collectent de la bonne eau douce. Céline et Yves explorent les abords de notre plaque en plongée. Léonie court, saute, plonge à son tour. Puis vient l'heure de faire une séquence photos et vidéos pour nos partenaires. Nous étions tous en manque de glace !

Finalement, nous passons la courte nuit amarrés à notre plaque de glace. Vers 3h du matin, nous embouquons le long détroit (80 milles). Adieux les glaces, vive le vent et le courant portants, nous filons à plus de 9 noeuds par moment. Visiblement, que la marée soit montante ou descendante, le courant reste favorable. Les cartes marines électroniques n'existent pas encore pour cette région, pas plus que pour l'ensemble du bassin de Foxe. Alors nous utilisons une copie de la carte papier confiée par le commandant de l'Amundsen, sur laquelle est dessinée la route du brise-glace. Bien qu'elles ne comportent pas d'indication de profondeur, les cartes terrestres sont précises et très utiles également. De même que les images satellite téléchargées auparavant sur GoogleEarth. Au plus étroit (Labrador Narrows), le passage fait tout de même 2km de large. Rapidement et sans encombre, nous entrons dans le bassin de Foxe.

L'arrivée à Igloolik est plus éprouvante. Yves tente de trouver une passe entre les hauts-fonds depuis le nid de pie, tout en se faisant joyeusement secouer. En général, on voit bien mieux les fonds depuis le haut du mât que depuis le poste de barre. En vain, il nous faut rebrousser chemin et faire tout le tour d'un petit îlot avant de pouvoir entrer dans la baie très protégée de cette importante communauté du Nunavut.

Selon les instructions nautiques, "Il n'est pas possible pour des navires autres que des brise-glaces d'essayer de passer par Fury and Hecla Strait". L'absence de glace cette année est exceptionnelle. Nous apprenons que notre collègue David Cowper, à bord de Polar Bound, est passé dans l'autre sens la semaine dernière. Vagabond serait le premier voilier à emprunter cette route. Un bateau de croisière devrait franchir le détroit dans deux jours. Nos amis à bord du voilier Pachamama prévoient aussi de passer par là dans quelques jours.

Il semble que désormais, c'est l'absence de cartes marines qui rend difficile la navigation dans cette région, et non les glaces dérivantes. Pour les petites embarcations des chasseurs, moins de glaces signifie plus de vagues, ce qui est bien plus périlleux.


Ours et prospection

  • Ours pres du detroit de Bellot

Cherchez de la coralline et vous trouverez...des ours ! Au bout du chapelet d'îles au sud du détroit de Bellot, où les multiples recherches en annexe s'avèrent infructueuses, nous discernons un roc blanc; mais ce dernier se met à l'eau. Exactement au point où nous devons faire une recherche, le pauvre ours parti vers le sud s'en retourne sur son île tandis que cette fois nous descendons à trois dans l'annexe plutôt que deux, pour garder un oeil sur lui tout en plongeant la caméra jusqu'au fond.

Prince Regent Inlet n'est pas généreux en coralline. Après plusieurs jours et nuits de navigation sans mettre pied à terre, maints arrêts de prospection décevants, nous mouillons en fin d'après midi au dernier point avant la traversée du Golfe de Boothia pour le détroit de Fury et Hecla. Nous commençons par faire une bonne balade, indispensable à chacun d'entre nous. Bains de pieds pour les filles qui jouent autant dans la boue que dans l'eau ou le sable. De retour à bord, Céline et Alicia partent prospecter tandis que Yves installe le phare de recherche, utile avec le retour de la nuit, que l'on s'affaire en salle machine ou en cuisine, sinon devant un dessin animé pour les plus jeunes. La prospection est enfin prometteuse. Tôt le lendemain j'emmène Eric et Yves en annexe sur site et tandis que je prends un peu de hauteur dans la belle lumière du matin, ils font enfin une magnifique récolte.

A propos d'ours, un autre pourrait s'appeler "l'ours à l'empannage". Ours tranquille, sur une plage de l'île Prince Léopold tout au nord de Prince Regent Inlet. Pour mieux l'admirer nous allâmes droit sur lui, grand voile haute plein vent arrière. Un effet de côte, du vent plus soutenu, l'empannage nous a tout juste évité de lui donner un baiser !


Détroit de Bellot

  • France ouvre la cabane de Fort Ross

Jochen nous a suggéré cinq sites dans les environs du détroit de Bellot. A chaque fois, c'est devenu une routine, nous cherchons un mouillage abrité pour Vagabond, nous mettons l'annexe à l'eau, et deux personnes partent explorer les fonds avec un sondeur, qui nous assure de rester dans 10 à 20 mètres de profondeur, et avec la caméra sous-marine, qui est plongée jusqu'au fond. Ensuite, les yeux rivés sur le petit écran, il s'agit de repérer la fameuse croute rose sur les rochers et deviner si son épaisseur mérite une plongée pour faire des prélèvements...

Léonie participe a une de ces prospections, un jour de vent soutenu, et revient frigorifiée mais contente d'avoir pris un bon bol d'air !

C'est assez émouvant pour France et moi de retrouver le détroit de Bellot. Il y a 13 ans, nous faisions escale ici, heureux d'être presque sortis du passage du Nord-Ouest. Ce matin, nous revisitons les cabanes de Fort Ross, où la plupart des navigateurs laissent une signature ou un message. Aurore et Léonie s'imaginent déjà passer un hiver ici, dans la belle cabane entretenue par les gardes côtes !

A quelques milles de là, la caméra offre un bel espoir. Par chance la mer est calme. L'ancre est jetée, les combis enfilées, et nous voilà dans l'annexe, lourdement harnachés (environ 50kg de matériel chacun !). France nous dépose sur le site repéré et veille sur le rocher voisin en attendant notre retour. La plongée est magnifique : un tombant vertigineux qu'Yves et moi suivons au gré du courant, en nous maintenant à une quinzaine de mètres de profondeur. La falaise foisonne de vie, la roche est recouverte de coralline rose, mais trop mince. Déception à nouveau.