Vagabond joue les brises-glaces

  • Vagabond dans le pack

L'ours polaire que nous avons vu sur le pack n'est pas venu nous rendre visite. Au petit matin, il avait repris sa promenade sur la glace et s'était éloigné. Bien qu'une rencontre avec un ours polaire soit dangereuse, nous aurions aimé l'observer de plus près, bien au chaud à travers les grandes fenêtres du carré de Vagabond...

Depuis 4 jours, nous attendions un vent d'est qui éloignerait les glaces de la côte et nous permettrait d'avancer vers le Nord. Dériver dans le pack peut devenir dangereux si une tempête se lève, le bateau peut être écrasé sous la pression des glaces. Il y avait toujours quelqu'un de quart pour veiller et nous faisions très attention à la météo (nous la recevons par radio sur des cartes lues par l'ordinateur portable du bord). Heureusement, aucun fort coup de vent n'est arrivé. De temps en temps, à chaque changement de marée, le pack devenait moins dense et nous pouvions avancer péniblement avec les moteurs, et en s'écartant des blocs de glaces avec de grandes perches. Nous n'allions jamais bien loin...

Au fil des jours, notre situation devenait délicate: un courant s'opposait à notre progression et nous avait beaucoup éloigné de la côte, nous risquions d'être pris définitivement dans les glaces. Eric a décidé de forcer le passage vers la côte en utilisant Vagabond comme un brise-glace. Moteurs en marche, le bateau montait sur les plaques gelées qui parfois se disloquaient sous son poids. Il fallait ensuite s'écarter avec les perches des morceaux de glace qui menaçaient les côtés de la coque. Nous n'avancions pas vite, le travail avec les perches était fatiguant. Heureusement, au bout de deux heures, nous avons réussi à rejoindre la côte. Encore quelques glaces à éviter et Vagabond rejoignait Norwegian Blue dans une petite baie abritée appelée Weld Harbour. Nous allons y attendre ensemble que la situation des glaces soit meilleure pour faire route vers le nord.


Un ours !

  • Ours

Eric, le capitaine, a profité de l'arrêt forcé pour plonger sous Vagabond (avec une combinaison spéciale) et vérifier que les rudes chocs subis depuis 3 jours n'ont pas abîmé la coque et les hélices. Vagabond a beau avoir été construit pour naviguer dans les glaces, il y a des limites à tout. France, en combinaison de survie l'a aidé à s'équiper et à pousser les plaques de glaces avec une perche pour avoir de l'eau libre. Les gants d'Eric ne sont pas suffisamment chauds et il n'a pas pu rester très longtemps dans l'eau.

  • Ours

Alors que Eric se préparait à plonger, Gérard a aperçu un ours polaire. L’ours est resté à bonne distance mais ce soir les odeurs de cuisine l’ont fait se rapprocher. Il fallait des jumelles pour le voir cet après midi, ce soir nous pouvons l’observer à l’œil nu. Nous pensons qu’il est au moins aussi curieux que nous. Lorsqu’il regarde Vagabond, on voit très bien son nez et ses petits yeux noirs qui contrastent avec son pelage blanc un peu jaunâtre.

Peut-être viendra-t-il nous rendre visite cette nuit ?


Vagabond fait route vers le Nord

Nous avons quitté Gjoa Haven le 30 août pour remonter vers le nord entre l'île du Roi Guillaume et la péninsule de Boothia. C'était la première fois que je naviguais sur Vagabond. J'avais hâte de voir de la glace et j’allais être servie : nous recevons par radio des cartes indiquant la position des glaces et la dernière en date indiquait que le pack se trouvait à environ 70° de latitude Nord. Nous étions déjà par 68°30'Nord… (Le pack est une vaste étendue de glaces flottantes où l’on ne peut pas naviguer)

La navigation à bord de Vagabond est très agréable, on peut barrer (conduire) au chaud à l'intérieur du bateau. La température de l'air était de 5°, celle de l'eau de 4°. Nous avions mis les voiles et allumé les moteurs car il n'y avait pas beaucoup de vent.

Après 24 heures de navigation, nous avons commencé à voir des growlers (blocs de glace) et j’ai pris en photo mon tout premier « glaçon ». Par rapport à aujourd'hui, je réalise que ce n’était vraiment pas grand chose !


L'arrivée du bateau ravitailleur

Une grande barge (grand bateau à fond plat poussé par un remorqueur) est arrivée dans le village. C'est un évènement exceptionnel car il ne se produit que 2 fois par an, en été. La barge apporte tout ce dont le village a besoin pour une année : de la nourriture, des bateaux, des voitures, du matériel de construction pour les maisons... Dans la barge, il y a beaucoup plus de place que dans un avion et cela coûte moins cher. Une autre barge devrait arriver en septembre avant l'hiver. Après la mer sera gelée et ce sera impossible de naviguer !

Je suis retournée à l'école de Gjoa Haven. Les enfants m'ont donné des dessins expliquant la vie quotidienne dans le Grand Nord : la chasse, la pêche, les modes de locomotion. Nous avons joué à des jeux traditionnels, les enfants m'ont montré comment réaliser des figures à l'aide d'une ficelle qu'on tire entre ses doigts. Ensuite j'ai appris comment sauter à la corde à la manière inuit. Je n'ai pas réussi le jeu de ficelle mais j'ai su sauter à la corde !


Ma rentree a l'ecole de Gjoa Haven

  • L'ecole de Gjoa Haven

Cela fait maintenant cinq jours que je suis arrivée à Gjoa Haven et j'ai rencontré beaucoup de monde. J'ai demandé à Martin, l'agent de police du village de me parler de la vie dand le grand Nord et je l'ai enregistré pour vous car il parle français (il est québécois d'origine).

Je suis aussi allée à l'école primaire pour y renconter les maîtres. Aujourd'hui, je suis allée avec France et Eric parler de Vagabond dans les classes de CM1 et CM2 car les enfants voulaient savoir d'où venait le bateau. Nous leur avons aussi parlé de la France et je leur ai montré les dessins que les enfants bretons m'avaient donné avant de partir. Ici, il n'y a pas d'arbre, de vache, de cochon... mais il y a plein d'autres animaux et d'autres choses intéressantes. Les enfants de Gjoa Haven vont aussi essayer de me donner des dessins que je rapporterai en Bretagne. Demain, jeudi 28 août, je retourne à l'école chercher ce que les enfants ont préparé. Nous allons peut-être bientôt pouvoir partir car, en lisant les cartes que nous recevons par internet, on voit qu'il y a moins de glaces sur notre ro


Vagabond arrive !

J'ai passé 2 jours à bord de "Norwegian Blue. Le 25 août, un surprise nous attendait au réveil: Vagabond était bien là, juste à côté de nous dans la baie. C'est ainsi que j'ai retrouvé Eric et France et que j'ai fait connaissance avec le reste de l'équipage: Gérard, qui a longtemps vécu avec les Inuit du Canada et du Groenland, Jacques et Pierre qui réalisent un film sur le Passage du Nord-ouest. A bord il y aura aussi Christophe qui a fait le voyage avec moi depuis la France. Quand à Matthieu et Catherine, ils quittaient le bateau pour prendre l'avion. Nous serons donc 7 à bord.

Sur le site internet de Vagabond, vous pourrez lire toutes les aventures du bateau de Béring jusqu'à Gjoa Haven. Ca n'a pas été facile de naviguer jusqu'ici !

Eric nous a expliqué que nous allions rester plusieurs jours ici : il y a trop de glace dans le Nord pour pouvoir naviguer. Il faut se rendre à l'évidence, pour l'instant, le Passage du Nord-ouest est bouché...


Je découvre Gjoa Haven

  • Gjoa Haven

Le 23 août, j'ai pris l'avion pour Gjoa Haven. Avant l'atterissage, j'ai cru apercevoir Vagabond dans le port. J'étais contente de retrouver mes amis France et Eric et de rencontrer enfin les autres membres de l'équipage. Quand je suis sortie de l'avion, il n'y avait pas de neige ni de glace mais il faisait tellement froid que j'ai vite mis mon bonnet, mon anorak et un collant sous mon pantalon : bienvenue dans le Grand Nord ! J'ai marché jusqu'au village avec mes bagages et j'ai réalisé que Vagabond n'était pas encore arrivé : il y avait bien un voilier dans le port mais il était vert. Les rendez-vous dans l'Arctique ne sont pas aussi précis que chez nous... Dans le village, il n'y a qu'un seul hôtel, j'y ai posé mes bagages et je suis allée me promener.

Gjoa Haven est un petit village d'un millier d'habitants auquel on ne peut accéder que par avion ou bateau. Aucune route n'y mène. Pourtant on voit quelques voitures qui permettent de se déplacer dans le village et surtout des quads, sortes de motos tout-terrains à quatre roues. Devant chaque maison, un traîneau attend l'hiver et le retour de la neige. Ce sont les chiens huskies attachés un peu partout dans le village qui les tireront. Il y a aussi beaucoup de motoneiges. Ce sont des sortes de scooters montés sur des skis.

Les maisons sont en bois, grises, vertes, marrons ou rouges, surrélevées d'un mètre pour que la porte ne soit pas couverte de neige en hiver. Il n'y a pas de rues, les maisons sont éparpillées un peu partout, à quelques mètres les unes des autres. De toutes façons, ici il n'y a pas d'arbres, juste du sable, des cailloux et des plaques d'herbes jaunes. C'est très étrange et très beau, le paysage a un goût de bout du monde...

Comme c'était samedi, les enfants se promenaient partout, ils venaient me demander mon nom. Ici, tout le monde parle anglais, moi aussi, ça tombe bien car je ne connais pas l'inuktitut, la langue traditionelle inuit.

C'est alors que j'ai rencontré des gens en cirés bariolés sur la plage. Woody, Zoé et Andrew sont arrivés à Gjoa Haven sur le voilier vert, mouillé dans le port, ils sont anglais et font aussi le passage du Nord-Ouest. Ils parlent tous les jours avec Vagabond par radio BLU et ils m'ont proposé gentillement de dormir à bord en attendant Eric et France.


Le voyage au Canada pour retrouver Vagabond

J'ai pris l'avion avec mon ami Christophe à Paris le 9 août à 9h30 et nous sommes arrivés dans la ville de Québec à 12h30. Nous avons passé 9h dans l'avion mais il y a un décalage horaire de 6 heures entre Paris et Québec. Ma première journée au Canada a donc duré près de 36 heures!

Ensuite j'ai visité la province de Québec pendant 10 jours avant de prendre l'avion à Montréal pour Edmonton, puis le bus pour Yellowknife. En 22 heures de bus, j'ai réalisé combien le Canada était grand et peu habité. Nous avons roulé pendant des heures sans voir de village sur une route bordée de sapins et de lacs!

A Yellowknife, il faisait plus frais qu'au Québec mais je n'ai pas vraiment eu froid bien que nous dormions sous la tente. J'ai visité le Centre du Patrimoine septentrional Prince de Galles et j'y ai rencontré des scientifiques qui m'ont expliqué la vie traditionnelle dans les environs de Yellowknife. Avant l'arrivée des hommes blancs, les Inuit et les indiens Dénés en étaient les seuls habitants. J'ai appris à mettre des raquettes que les Dénés utilisaient pour marcher sur la neige, et j'ai joué avec des jeux traditionnels inuit. Wendy et Barbara m'en ont confiés quelques-uns pour les rapporter en France et vous les montrer. Barbara m'a dit que vous pouviez lui écrire par Emails si vous aviez des questions. Elle parle très bien français.


Provideniya, Tchoukotka, Bering Sea

Provideniya, Chukotka, Bering Sea, 3rd September 2002,

After sailing 6 380 nautical miles from Saint-Quay-Portrieux (11 820 km), including 3 770 miles from Murmansk (6 980 km), Vagabond and her crew succeeded the North-East passage when crossing Bering Strait on 31st of August (in the fog...). Champagne ! We reached Provideniya on 2nd of September, harbour created by soviets to control all ships using the Northern Sea Route, and which marks our administrative arrival.

When we leave Tiksi on 19th of August, according to informations received on board, we are expecting a lot of ice pack ahead. But only one or two seals, frequent patches of fog, a strong South-West wind, and a rough sea are met accross the East-Siberian Sea. On 25th of August, Vagabond enters de Long Strait, name of Jeannette's captain, american ship that tried to reach the North Pole in 1879, and which was squashed by ice after 22 months drifting (pieces of the boat were founded later in Greenland and gave the idea to Nansen to drift accross the Arctic with the Fram).

The barometer shows 50 millibars less, swell becomes big, Vagabond is surfing sometimes up to 9 knots, just missing few walrus with their babies, these are much more comfortable than us in the high waves. Suddenly, while the night is coming, ice floes appear all around us. Danger is great, we have to see each piece of ice quickly enough to go around it. Wind and waves are pushing us with a good speed, and it is impossible to slow down if we want to keep handling the yacht. For a better watchfulness, France, Gerard and I are shifting every half hour to steer, until day light is enough again to anticipate our course. Boris, formal ice pilot of the Northern Sea Route, is also watching out, but his look is not so sharp anymore and he probably earned well his retirement. His main job on board is to answer the radio and to talk with other ships and authotities, as he is the only one who can speak russian.

Vagabond crosses the antimeridian on 27th of August, south of Wrangel Island that unfortunately weather and ice conditions take away from our route. We are now getting closer to Brittany. The Chukchi Sea is giving us a very nice welcoming : a perfect weather, a nice shore, some whales and especially a polar bear, swimming for some time in front of the stem. Little later, while we are passing some ice floes, we meet again several white bears sleeping on ice, or running, jumping into the water, swimming around, climbing on the next ice floe. This day is unforgettable.

Less than 200 km from Bering Strait, we stop where Vega spent winter, where Nordenskjold had to wait for 10 months before succeeding the first North-East passage in 1878-1879. We find there some old Chukchi camp, and we build our cairn. Further, in Nieshkan, we are among the first foreigners to come and Vagabond receive a lot of visitors; villagers give us some berries and some reindeer meat. The following day, just before entering the Pacific Ocean, in Uelen, not only Boris but also the coast-guards make us understand that we cannot disembark here without specific permission. We arrange a short visit despite everything, and by a strange coincidence, we meet a french man making his third film about walrus hunting and inhabitants of Uelen, for the same TV than Vagabond (the film of our expedition is planned for spring 2003).

The North-East passage is achieved few hours after passing the polar circle, one month after leaving Murmansk. We did it ! Then, in front of Cape Dezhnev (Bering Strait), we receive congratulations from the head of marine operations, from the Murmansk Shipping Company. This official message is as much important for me that the paperwork part of the expedition was the most difficult and the most tiresome, and that proper permissions were finally obtained without assistance of any agency, without any corruption. As for celebrating the success of the expedition being prepared for 3 years, the sea is flat and few whales let us watch them in the Bering Sea... A last one, splendid, comes to greet us as we are dropping anchor in front of Provideniya.

Vagabond becomes the first yacht to cross the North-East passage without wintering, the first foreign yacht to succeed it since soviet time, and the first yacht having done the 2 passages, North-West (1988) and North-East (2002).

"At least, it was reached, this aim pursued by so many countries, since sir High Willougby left Greenwich harbour, on 20th May 1553, cannon firing and sailors shouting hourras. After 326 years, while most competent men declared that it was not possible, the North-East passage was at least realised, without any human loss, without any damage to the ship." (speech of Nordenskjold, 1st March 1880)

Vagabond is getting ready for wintering in the North Pacific Ocean, coming soon...

Don't forget to visit our web site www.vagabond.fr and to see pictures of the expedition.

A bientot,

Eric Brossier


Felicitations

Le 31 août 2002, Vagabond passe le détroit de Béring et devient le premier voilier à réussir le Passage du Nord-Est sans hivernage et sans l'aide d'un brise-glace. L'équipage est alors primé par Alain Bombard (festival du film d'Aventure de Dijon - Guilde du Raid), et reçoit le Prix du Conseil 2002 du Yacht Club de France, le Prix du Mérite 2002 de l'Océan Cruising Club (Angleterre) ainsi que la médaille de Tilman du Royal Cruising Club (Angleterre).

Mille Bravos !!!

C'est vraiment super ! J'imagine l'ambiance à bord de Vagabond ! Je suis vraiment heureuse pour vous et ai hâte de vous entendre de vive voix!

Plein d'amitié,

Catherine Chabaud

Bravo Eric pour ta réussite dans ce passage du Nord-Est dont tu rêvais. Ta persévérance a payé.

Bravo à ton équipage, à France, et félicitations à tous pour le bel esprit que vous avez su donner à cette aventure. Pour devenir références, il ne s'agit pas seulement de faire les choses, il s'agit surtout de les bien faire (et de les réussir). Dans cet environnement grandiose et précieux, vous avez su tracer un sillage qui inspire le respect.

Gardez-vous bien sur la route qui reste à courir.

Amicalement et à bientôt,

Gérard Janichon

J'adresse mes félicitations les plus vives à Eric Brossier et à l'ensemble de l'équipe du Vagabond, pour le passage réussi de la Route du Nord.

Le Centre d'Etudes Arctiques et le Fonds Polaire Jean Malaurie du Muséum National d'Histoire Naturelle se joignent à moi pour saluer ce remarquable exploit français.

Si vous êtes passé non loin de l'île Yttagran, peut-être avez-vous salué ce remarquable site chamanique de l'Allée des Baleines ?

Bon retour, et encore toutes nos chaleureuses félicitations à toute l'équipe.

Professeur Jean Malaurie

Bravo à vous et à votre équipage ! Je vous félicite de tout coeur d'avoir surmonté les glaces et la bureaucratie. Pour l'une et pour l'autre il vous a fallu beaucoup de persévérance et de volonté. La réussite est d'autant plus belle.

Willy de Roos

Bravo pour votre passage du Nord-Est.

On se verra un jour pour en parler.
Cordialement

Jean-Louis Etienne