Par France Pinczon du Sel.
Eric est le roi des surprises. Pour mon anniversaire, Liza débarque "à
l'improviste" pour midi, complice avec Eric ! En plus d'une belle peau de
phoque et d'une fourrure de loup, elle m'offre le meilleur : partager son
expérience de chasseur le temps d'un après midi ! Nous partons toutes les
deux à la chasse aux phoques, qui commencent à se montrer sur la banquise. A
plusieurs reprises nous stoppons à distance raisonnable, Liza appuie son arme
sur le pare brise de son skidoo, vise et tire. L'animal est au moins à 300m.
Parfois le phoque plonge trop tôt dans son trou. Enfin elle en blesse un, qui
néanmoins se glisse dans son trou. Nous nous postons alors tout proche en
attendant que l'animal ressurgisse, il a besoin de respirer. Liza est prête à
tirer, moi à crocheter. Cinq minutes plus tard j'entends souffler doucement,
puis de plus en plus fort, enfin le museau du phoque apparaît dans la glace
rouge sang. Liza le crochette par la gueule, je le maintiens tandis qu'elle
l'achève d'une dernière balle. La peau se déchire mais je le rattrape en
crochant dans son dos. Tandis que je le maintiens la tête hors de l'eau, Liza
va chercher le tuk pour assurer la prise et aider à le sortir de l'eau. Je
tente de le hisser doucement mais la peau se déchire à nouveau, cette fois il
coule ! C'est en faisant des erreurs que l'on apprend... Un phoque est
trop lourd pour être hissé par un seul crochet sur la glace. Plus loin, nous
nous mettons à l'affût devant un trou de respiration. Je comprends la
distance, la position de tir pour ne pas être vue mais tirer quand même assez
verticalement. Et surtout, patience et silence. Liza voit bien avant moi tout
ce qui vit sur la banquise. Je sens son plaisir et son expérience... elle a
commencé à chasser à l'âge de 5 ans ! Cet apprentissage me servira
bientôt, j'espère. D'autant que ce jour m'apporte l'outil rêvé, le ulu qui
sert à traiter les peaux de phoque, autant qu'à les manger. Le couteau de
femme inuit. C'est Aksakjuk, le mari de Liza qui l'a fabriqué, en trois jours.
C'est donc le cadeau de Eric, complice de nos meilleurs amis de Grise Fiord.
Les beaux dessins de Léonie si bien empaquetés ont aussi marqué mes 42
ans !
Arrive le week end, au village. Eric s'envole pour Resolute avec Tom, pour des
mesures de banquise jusqu'à Vagabond. Ils rejoignent Christian Haas, pour qui
nous travaillons depuis cet été. Après son départ, nous avons pu survoler
Vagabond avec les cameramen, accompagnés de quelques amis de Grise Fiord.
Aurore s'est endormie dès le décollage mais Léonie a pu profiter des couleurs
magiques du soir, de l'étonnement de nos quatre chiens à voir l'avion tourner
et virer bon nombre de fois autour d'eux.
Dimanche, j'ai pu enfourcher notre skidoo et me joindre à un groupe jusqu'au
dessus du village, en profitant du glacier derrière la montagne. Les plus
hardis escaladent les pentes verticales avec leurs engins et les dévalent
ensuite à pleine vitesse. Bonne et belle équipée... sans enfants ! Dès
16h, en ré-attelant le qamutik, j'étais ravie de conduire une joyeuse petite
troupe d'enfants au pique-nique, au bout de la "ice road". Les familles ont
l'art et la manière d'installer rapidement les réchauds, les victuailles, la
neige à fondre, le phoque gelé et découpé sur place, les morceaux de
caribou... Chacun cuisine dans une joyeuse ambiance, insolite de par la glace
si vive que les déplacements se font en glissant plus qu'en marchant. Les
glissades d'ailleurs vont bon train, certains ont leurs patins pour une partie
de hockey et puis soudain, un moment de recueillement présidé par Aksakjuk
devant les plats rassemblés, et enfin, le régal. Retour à 20h, avec la fournée
d'enfants dans le qamutik, heureux.
Aksakjuk nous a parlé de son passé à Grise Fiord. Son histoire ainsi que celle
de Liza, depuis leur enfance, sont fortes. Elles donnent un éclairage
supplémentaire à tout ce que l'on a pu entendre sur l'incroyable histoire de
la "relocalisation" inuite à Grise Fiord.