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Le grand voyage

  • Terre Freuchen Nord Groenland
  • Polarstern-Vagabond

Ma maman Brigitte nous a quitté hier, le 23 avril. La grand-mère de nos filles Aurore et Léonie, et aussi celle de Vagabond, est partie pour son plus grand voyage.

Au même instant, exactement, je décollais à bord d'un Twin Otter de Station Nord pour Eureka, un vol exceptionnel, totalement magique. Pendant près de cinq heures je survolais des paysages époustouflants au nord du Groenland et de l'île Ellesmere. Je n'oublierai jamais ce vol qui me ramenait vers chez moi tandis que ma maman s'envolait pour de bon.

Brigitte savait que l'équipage de Vagabond allait enfin être rassemblé, quelques heures plus tard. Elle savait qu'après une longue séparation de cinq mois pour Mosaic, cette expédition scientifique internationale très spectaculaire sur la banquise dérivante, notre petite famille poursuivrait ses missions plus modestes, fidèles à l'esprit Vagabond.

Depuis deux mois je négociais pour rejoindre Vagabond au plus vite, en restant dans l'Arctique, sans passer par le sud. Un ours est même passé tôt hier matin, comme pour s'assurer que j'avais bien quitté la mission. D'un bateau pris pas les glaces à l'autre, du Polarstern à Vagabond directement, objectif atteint !

Aurore, Léonie, France, Stone le chien et la pulka étaient là hier au bord de la piste, lorsque l'avion de Kenn Borek s'est posé. Quelles retrouvailles ! C'est ensuite à pied sur la banquise que nous avons rejoint Vagabond, d'où j'ai pu enfin communiquer plus facilement avec mes proches confinés en France. Que d'émotions dans une seule journée.

Aujourd'hui nous entamons sereinement une quarantaine à bord de Vagabond, tout en poursuivant les travaux scientifiques. Seule différence par rapport à notre mode de vie habituel en hivernage, nous attendrons avant de rendre visite à nos amis d'Arctic Bay, le village voisin.


Jours trop courts au Nunavut

"En mars 2020, nous sommes partis, Maude Fumey et Mathurin Gasparini, rencontrer les habitants d’Arctic Bay et les interroger sur les modifications de leurs modes de vie liées au réchauffement climatique, afin d’en faire un spectacle de rue. Nous étions accueillis sur le bateau d’exploration polaire Vagabond. Naturellement, rien ne s’est passé comme prévu..." Lire le carnet de voyage de Maude et Mathurin, après leur résidence d'artiste à bord de Vagabond du 10 au 22 mars 2020 à Arctic Bay. Télécharger.


La science à bord de Vagabond... sans Eric le scientifique

  • Leonie et Aurore site numero 1
  • Leonie reine du labo
  • Niskin Leonie France

Avec l'équipage actuel composé de Aurore 10 ans, danseuse gracieuse, Léonie 13 ans, heureusement scientifique dans l'âme et moi artiste, presque 50 ans, nous parvenons à faire une petite partie du programme scientifique, au prix de tâtonnements que n'auraient pas connu Eric.

Par une belle après-midi toute notre petite troupe s'ébroue avec chien, pulka remplie de tout le nécessaire et bonne humeur, jusqu'au site le plus proche, à 2,3 km du bateau. Guillerettes, nous trouons la banquise en trois trous de tarière, cassons à coups de tuk ce qui reste de glace entre les trous (de loin le plus long!) pour n'en faire qu'un gros, afin d'envoyer vers le fond la bouteille Niskin ré-apprivoisée auparavant. Après avoir prélevé la précieuse eau du fond de la mer et rhabillé de neige isolante notre petit chantier, une heure de marche joyeuse nous ramène au bateau, où les choses sérieuses commencent. Avec Léonie en reine du labo; je ne fais que l'assister. Carbone, chlorure de mercure... dûment gantée et outillée de pipette et seringue, elle filtre, elle assure... jusqu'à la dernière goutte disponible, alors qu'il reste deux prélèvements à faire ! Rage, déception, trois heures de manip dehors pour faire la moitié du boulot...

En plus, on comprend qu'il faut faire les prélèvements d'eau sur les deux sites dédiés le même jour. Déjà, trouver le deuxième site. Chargée de mes inébranlables souvenirs, je pars légère en reconnaissance. Mon but est aussi d'entraîner Stone le chien à tirer une skieuse avant d'y atteler une pulka. 12 km et trois heures plus tard, après bien des suées pour cause d'éducation canine, je suis de retour au bateau, bredouille ! Rien vu du tas de glace et de son piquet qui auraient dus y être ! Deux jours plus tard je repars munie d'un GPS, ré apprivoisé lui aussi, et arrive droit sur la vision espérée. Avec tuk et tarière, je peux faire les trous en avance, et admirer les progrès de Stone comme tracteur.

Arrive enfin le grand jour, nous sommes fin prêtes. Ce matin, laissant Léonie et Aurore à leur école-bateau, pulka chargée et chien devant, je traverse la baie et pratique les trois trous avant de m'apercevoir que le tuk a disparu ! Sans m'encombrer je repars seule à ski en suivant nos traces, mais Stone arrache sa broche à glace pour me rejoindre. Je me ficelle à lui tant bien que mal avec la broche coupante pendante et refais presque toute la route jusqu'à Vagabond avant de retrouver le tuk. De retour près des trous je m’énerve : cette fois c'est la broche à glace que j'ai semée. Le chien, longe enroulée autour d'un gros bloc de glace le traîne comme un boulet, lentement mais sûrement autour de moi... Ce prélèvement d'eau n'est pas de tout repos. De retour au bateau, broche à glace retrouvée, Léonie officie dans la cuisine-labo, je grignote le déjeuner tout prêt puis repars. Trois heures plus tard me voilà de retour du deuxième site, après une manip comme je n'en avais jamais encore faite : comme sur des roulettes ! Il est 18h30, Léonie a fini le labo et nous avons enfin réussi à faire une journée de prélèvement d'eau comme il se doit !


Seules à bord

  • Aux falaises embrumees
  • Maud Mathurin Christian Leonie et ananas du pole nord
  • Chant de gorge en peignat devant un comedien et un photographe

À Arctic Bay tout va plutôt bien, le Corona virus (Covid 19) se répand doucement, les gens d'ici sont au courant de tout grâce à Internet. Ils ne le voient pas comme un obstacle, mais plus comme quelque chose de gros, mais ils ne paniquent pas, ils restent calme. On ne sait pas exactement comment ni quand papa va rentrer... C'est un peu dur mais on garde espoir et on se dit que papa rentrera en prioritaire. Christian, (photographe), qui nous a accompagné depuis le début est reparti le 20 mars avec Maude et Mathurin (comédiens), qui étaient censés rester jusqu'au 28 mars. Ça fait bizarre de se retrouver seules toutes les trois si vite. Normalement, c'était au départ de Maude et Mathurin... Non!!! Même pas!!! Jamais, normalement, puisque papa devait arriver 2-3 jours après Christian et nous début mars...


Changements d'équipes

  • Kapitan Dranistsyn et Polarstern
  • La banquise craque sur MOSAIC

Aujourd'hui, 12 mars, le soleil s'est levé pour la première fois sur MOSAIC depuis le 5 octobre. Mais il resté caché par les nuages, et le vent fort a fracturé la banquise de part et d'autre de notre zone de travail, spectaculaire. Les instruments et installations scientifiques ont été épargnés, miraculeusement.

Je suis donc toujours à bord du brise-glace allemand Polarstern. Mes collègues du Leg2 sont finalement repartis vers la Norvège le 6 mars à bord du brise-glace russe Kapitan Dranitsyn. Ils devraient arriver début avril à Tromso avec un mois de retard sur le planning initial. J'ai décidé de rester avec l'équipe du Leg3 car j'ai obtenu une place dans le premier avion de la campagne aéroportée de MOSAIC. Je devrais arriver alors à Longyearbyen au Svalbard, début d'un long voyage jusqu'à Arctic Bay au Canada où ma famille m'attend à bord de Vagabond.

Le premier vol était prévu aujourd'hui sur la banquise à côté du Polarstern, mais toute l'équipe de la campagne est actuellement en quarantaine à cause du virus Corona ! Mon retour depuis presque le pôle Nord est reporté pour une durée indéterminée... L'impact du virus est bel et bien global.

Le Polarstern est devenu le navire le plus au nord de l'histoire en hiver en atteignant 88°36'N le 24 février 2020, au fil de sa dérive transpolaire. Quant au Kapitan Dranitsyn, il détient désormais le record de latitude en hiver pour un navire en navigation (88°28'N le 26 février 2020).

L'équipe du Leg3 est arrivée pleine d'énergie, après ce très long périple depuis Tromso, et la relève a été assurée plus rapidement que le transfert des 40 tonnes de cargaison (ravitaillement et matériel scientifique), qui a duré une semaine en raison du froid intense (-40°C, jusqu'à -60°C ressenti).

Le changement d'équipe à bord de Vagabond, en hivernage près d'Arctic Bay, a été bien plus bref : une demi-heure ! Depuis le 3 mars, France, Léonie et Aurore ont repris leurs marques et démarré la résidence d'artistes avec Christian Morel.


Première semaine à bord

  • Light painting petites vagabondes
  • Retrouvailles avec Vagabond

Georges, le pilote du Pilatus, a fait du bon boulot avec un vol assez technique à cause du froid : il nous a posé à Arctic Bay le 2 mars par des températures avoisinant les -35°, pour repartir avec Louis au bout d'une demie heure, sans laisser au Pilatus le temps de se refroidir. Pas de longue passation de consigne, mais juste le temps de chanter Happy Birthday à Louis pour ses trente ans et de partager son gâteau d'anniversaire avec les amis de l'aéroport !

Après quatre mois d'absence nous trouvons Vagabond presque inchangé, un peu plus de glace à l'intérieur et rien que du blanc tout autour. Somptueux. Nous nous organisons dans ce froid qu'il faut ré-apprivoiser. Différence majeure d'avec nos retours habituels : nous sommes trois filles et un garçon mais ce n'est pas Eric, malencontreusement retenu sur le brise glace Polarstern sans date de retour certaine, bien plus au nord que nous ! Seules les voies d'internet nous relient...

Christian, premier artiste en résidence sur Vagabond cette année s'est lancé et... émerveille les aficionados de la page Facebook du village avec se photos de light painting : les "modèles" se pressent pour prendre leur tour ! Et nous, on se décale vers la nuit dont Christian a besoin pour ses photos, nuit qui recule de 10 minutes chaque jour. A bord on prend notre rythme, l'école française le matin, avant les tours au village où les habitants d'Arctic Bay nous retrouvent chaleureusement.

Après une demie douzaine de nuits par -39°C, les journées ne sont pas chaudes-chaudes et on ne reste pas encore des heures d'affilées dehors ;)


Fin du Leg2 de Mosaic, ou presque !

  • Tom assiste Louis pour plongee site pH
  • Louis plonge sur site pH
  • Louis a la chasse au phoque pres d Arctic Bay
  • Mosaic Leg2

Le Leg3 de la mission Mosaic aurait du commencer depuis le 15 février. Sauf que nos remplaçants sont toujours à bord du Kapitan Dranitsyn qui progresse à 1 km/h en moyenne en consommant 80 tonnes de fioul par jour... Le brise-glace russe a quitté les fjords norvégiens le 3 février, il était attendu le 15 à côté du Polarstern pour relever la quasi totalité de l'équipage et des scientifiques (100 personnes), et pour transférer près de 40 tonnes de ravitaillement et équipements. Nous avons même fêté la fin du Leg2 le 8 février, afin d'être prêts pour la rotation mi-février !

Aucun navire n'a jamais atteint le pôle Nord en hiver. Les 145 voyages réussis depuis 1977 l'ont été entre fin mai et mi-octobre, 81% d'entre eux par des brise-glaces nucléaires. Même si l'épaisseur et l'étendue de la banquise diminuent de façon spectaculaire depuis une trentaine d'années, affréter un brise-glace de moyenne capacité pour une rotation près du pôle en hiver reste un réel défi ! Si le Kapitan Dranitsyn ne parvient pas à rejoindre le Polarstern, l'expédition Mosaic fera probablement appel à une logistique aérienne... A suivre sur le blog de Mosaic.

En attendant, les travaux scientifiques continuent, intenses et fructueux. La dérive nous entraîne toujours vers le nord-ouest, la mission est actuellement au nord du 88ème parallèle à 200 km du pôle. Le soleil ne se lèvera pas avant mi-mars, mais le crépuscule se manifeste un peu plus chaque jour, couronné par Vénus bien visible au-dessus de l'horizon depuis deux semaines. Outre les sorties à pied ou à ski qui permettent à tous de s'aventurer sur la banquise, la dernière pleine lune a été célébrée par un deuxième bivouac pour les plus courageux. Très peu d'animaux ont été observés depuis notre arrivée sur la mission mi-décembre : un poisson attrapé dans un filet par 1000m de fond, un phoque aperçu à la surface du trou du ROV (robot sous-marin), un ours pris en photo près des instruments de télédétection, un renard tournant autour du Polarstern. Avec les nutriments et le plancton régulièrement prélevés, la chaîne alimentaire symbolique de l'Arctique est représentée, même en hiver au coeur de l'océan polaire. Tous attendent le retour de la lumière.

France, Léonie et Aurore seront de retour à bord de Vagabond le 2 mars. J'espère les y rejoindre au plus vite pour la suite du programme scientifique (étude hivernale de la coralline) et pour la résidence d'artistes ! La fin de l'hiver et le printemps s'annoncent riches, de même que la campagne d'été (août et septembre) qui fera suite à celle de l'été 2019.

Le 9 février, Louis était invité à une chasse au phoque près d'Arctic Bay. Il raconte : "Départ à 8h pour une chasse avec Rex, Olayuk, Tom et Logan. On croise une bonne dizaine de skidoos sur le chemin et aux diverses pauses thé. On se rend près du bord de la banquise, c'est génial de voir la mer; le vent se lève et ça pince. On met plus d'une heure à se rendre là-bas, le terrain est très accidenté à cause du vent des derniers jours. Il fait -41°C. Le froid est mordant, même pour quelques Inuit qui bien que plus résistants prennent quelques gelures. On attrape 5 phoques. On traîne pas et on rentre vers 17h30 pour le match de volley ball, mais avant on se retrouve tous pour manger chez Tom le fruit de la chasse, dans un bouillon avec des pommes de terre. Le lendemain c'est chez Rex qu'on mangera du phoque rôti à la sauce barbecue. J'ai cousu une parka avec l'aide et les conseils de Rex et Darlene ! Premiers soleils depuis deux jours."

Tom a aussi proposé son aide à Louis pour plonger samedi dernier. Louis a réussi à se changer à l'intérieur de son pick-up, stationné à côté du trou sur la banquise, et y était au chaud pour télécharger les données des capteurs (pH et salinité) entre les deux plongées. La visibilité sous l'eau est excellente !


Histoires de banquise

  • Mosaic camping pres du pole nord
  • Balade pleine lune mission Mosaic
  • Un ours inspecte les instruments de Mosaic
  • Plongee par-36C pour collecte coralline

La mission Mosaic suit son cours, au fil de la dérive transpolaire qui nous rapproche doucement du pôle Nord (moins de 300km), et au rythme d'un intense programme scientifique.

A 87°30' de latitude Nord, même pendant la nuit polaire, les aurores boréales sont très rares; celle observée récemment était frangée de rouge. Superbe spectacle également lors de la pleine lune du 10 janvier et de l’éclipse partielle. Ou bien sous le ciel magnifiquement étoilé lors de la sortie camping que j'ai proposée samedi dernier : une vingtaine de scientifiques ont ainsi quitté le cocon du Polarstern, le temps d'une nuit, pour mieux ressentir l’océan Arctique qu'ils sont venus étudier.

Un ours bien léché a visité avec attention une partie des innombrables installations, il n'a rien endommagé, et a même évité de marcher sur la neige sous les radiomètres qui mesurent la température de la surface de la banquise et les radiations émises. Seul un appareil photo automatique a vu l'ours, peu après minuit le 19 janvier. Ses traces nous ont racontés son parcours.

La banquise craque allègrement dans les environs du Polarstern ces jours-ci. Hier, alors que je veillais sur deux équipes qui souhaitaient travailler de l'autre côté d'un crack, la glace grinçait, gémissait. En poste près des zones d'ouverture et de friction, avec deux motoneiges et trois traîneaux stationnés du 'bon' côté, j'ai assisté soudain à une rupture multiple. La banquise se dérobait sous mes pieds. Un des traîneaux s'est trouvé à cheval sur une fracture qui a vite atteint plus d'un mètre de large. A peine le temps de démarrer les skidoos pour les déplacer, l'un des skis était déjà dans l'eau ! Heureusement le moteur était encore chaud et la machine a bondi hors de la crevasse en échappant au naufrage (4500m de fond...). Simultanément, une crête de pression poussait rapidement, il était temps de rassembler tout le monde et de regagner notre vaisseau. Que va devenir la banquise de Mosaic ?

Du côté de Vagabond et d'Arctic Bay, Louis a eu l'aide de un ou deux phoques pour entretenir les trous dans la banquise et lui faciliter le travail avant de plonger ! Par -36°C hier, l'eau devait presque lui sembler chaude, à -1,8°C. Dans ces conditions, c'est un réel défi technique et logistique d'aller chercher une dizaine d'échantillons de coralline, installés sur le fond depuis septembre, et de récupérer les données des capteurs de lumière, température, salinité et pH. Johan, le professeur de Léonie était là pour assister Louis en surface, et les amis du village pour réchauffer notre plongeur avec des festins de caribou, d'omble arctique et de phoque.


Un peu d'hiver à bord de Vagabond à Arctic Bay, par Natasha Leclerc

  • 20200114 Louis et Natasha ©Jack Willie
  • 20200111 Copains Arctic Bay ©Natasha Leclerc

Novembre dernier, j’ai laissé mon chez moi au sud du pays et tous les conforts de la grosse ville pour vivre sur le seul bateau restant dans la glace de la baie en avant de la petite communauté inuit Arctic Bay au Nunavut. Mes amis et ma famille pensaient que j’étais folle et « brave » de bouger ma vie et mon travail doctoral pour une vie simple et froide au nord pour deux mois. Mais je ne me sentais pas brave du tout, je sentais que c’était simplement quelque chose que je devais faire. Après trois jours de vols entre diverses communautés, j’ai rencontré Vagabond en grande amitié. Autre que la différence de température apparente depuis l’expédition de l’été passé, le bateau n’avait pas changé du tout. Depuis l’été passé au Groenland, j’ai commencé à reconnaître le magnétisme de l’Arctique et la vie en mer, ce qui avait attiré tellement de gens au désert blanc plein de vie, sous l’eau ainsi que dans ses villages côtiers. C’est pourquoi la vision de Vagabond, maintenant pris dans la glace, était tellement invitante. Pas longtemps après mon arrivée, j’ai joins Louis pour continuer le programme scientifique de l’année.

La première plongée était… comment devrais-je dire… riche en évènements. Nous étions peut-être trop ambitieux pour notre propre bien. Nous voulions relever 10 échantillons d’algues corallines pour une étude sur leur croissance mensuelle, ainsi que des instruments captant l’information environnemental des algues, calibrer les instruments, et puis les remettre sur leur plateforme 15 mètres sous la surface. Après avoir monté la tente contenant le poêle réchauffant l’air à peine au-dessus de 0 centigrade, et installé la ligne de sécurité avec la surface de la glace, nous avons vite préparé Louis pour la plongée. Mais nous avons mal jugé comment le froid allait tout affecter. Louis est revenu à la surface après sa première plongée avec des détendeurs gelés, les échantillons d’algues, et seulement quelques instruments, ne pouvant pas tous les récupérer à cause des doigts gelés. Les instruments recueillis ont vite pris froid et ne voulaient pas faire le transfert de données. Entretemps, Louis continuait à se refroidir en attendant la calibration des instruments. Nous avons finalement concédé aux conditions, décidant de retourner sur Vagabond pour finir le travail à bord, et remettre les instruments sur la prochaine plongée. Notre routine s’est améliorée durant les prochaines manœuvres, même si le froid continuait à présenter de nouveaux obstacles. Heureusement, par ce temps nous avons fait de magnifiques connaissances dans la communauté qui sont venues à notre aide.

Les gens de Arctic Bay sont très gentils et accueillants. On nous a souvent offert de venir nous doucher et se réchauffer chez plusieurs personnes. Nous avons rit quand nous avons pensé qu’on devait vraiment sentir mauvais ou avoir l’air de vrais vagabonds pour que les gens nous arrêtent au supermarché pour nous inviter chez eux pour la douche. Jours par jours, on a commencé à se sentir très proches de la communauté. Un évènement qui nous avait vraiment rapproché était la période de jeux de Noël. Durant les deux semaines de jeux et de danse nous avons peut-être manqué une soirée. Comme enfant unique, les Noëls étaient plutôt tranquilles, mais ici la tranquillité était remplacée par le son des rires et de musique d’accordéon accompagnant la danse carrée. Cette musique nous remplissait les oreilles même lorsque nous n’étions pas aux jeux et restait avec nous jusqu’au prochain soir. Nous étions contents que nos amis pouvaient traduire les règles des jeux pour nous puisque notre inuktitut était presque non-existant. On aimait beaucoup demander aux gens comment ils préféraient manger leurs viandes locales, dont nous avons rapidement prit le goût, pour comprendre les préparations diverses pour déguster leur nourriture favorite : frit, cuit au four, cru, après la chasse, gelé, en soupe, avec de la sauce barbecue, sauce piquante etc. Approchant la fin de ma visite, j’ai galéré à trouver une bonne façon de les remercier pour leurs bienveillances. Après les cadeaux, je pouvais seulement leur promettre qu’un jour je reviendrais.


Bonne Année 2020 !

  • Natasha et Louis
  • Eric mission Mosaic par MarkusBeck

Le Kapitan Dranitsyn a rejoint le Polarstern le 13 décembre, à 350 kilomètres du Pôle Nord. Il est reparti le 18 décembre avec nos prédécesseurs, après passages de consignes, transfert de carburant, de vivres et d'équipements. La veille au soir, c'était partie de foot et vin chaud sur la banquise pour tout le monde, 250 personnes !

Nous sommes actuellement 100 personnes, dont la moitié de scientifiques, à bord du Polarstern pour le Leg 2 de la mission Mosaic. Notre petite communauté internationale (18 nationalités), la plus au nord de la planète, dérive doucement vers le nord avec son incroyable réseau d'instruments. Je fais partie de l'équipe logistique-sécurité pour assister les travaux sur la banquise, veiller aux ours, déplacer les installations malmenées par les mouvements incessants de la banquise, trouver de nouveaux accès... l'ambiance générale est excellente, malgré le froid (-34°C aujourd'hui, -50°C ressenti avec le vent) et la nuit permanente que certains participants découvrent. Loin de nos familles et amis, nous avons néanmoins célébré le solstice d'hiver, Noël, et tout récemment la nouvelle année !

Le périple à bord du Dranitsyn fût mémorable. Nous étions monté à bord au Groenland en 2001, puis l'avions côtoyé à Mourmansk en 2002. A l'époque, je n'imaginais pas naviguer un jour à son bord avec une flopée de scientifiques presque jusqu'au pôle, dans la nuit, à travers de la glace de plus en plus épaisse... Notre vitesse est tombée à 1 noeud en fin de parcours ! Pas sûr que le Dranitsyn parvienne seul à nous récupérer lors de la prochaine rotation mi-février, et diverses options sont envisagées : assistance brise-glace nucléaire, hélicos russes, avions canadiens... A voir où la dérive nous mènera d'ici là !

Pendant ce temps, Natasha et Louis veillent sur Vagabond, au nord de l'île Baffin. Ils assurent les plongées mensuelles et les prélèvements d'eau pour le programme scientifique. Ils maîtrisent de mieux en mieux la logistique et les protocoles délicats dans le froid et la nuit, en particulier la récupération des données des capteurs installés au fond, à 15 mètres sous la banquise, à côté des échantillons de coralline. Après la plongée du 28 décembre, Louis m'écrivait "il faisait -20°C (-30°C lors de la plongée précédente), le kiff d'avoir trop chaud en se préparant !".

Ils participent également à la vie sociale de la communauté voisine, Arctic Bay. Traditionnellement, des jeux sont organisés tous les jours pendant près de deux semaines lors des fêtes de fin d'année. C'est une période très chaleureuse et conviviale, idéale pour mieux se connaître, déguster de l'omble arctique, du caribou congelé ou du morse fermenté, se faire inviter à la chasse au phoque, apprendre à fabriquer une parka ou un ulu (couteau courbe des femmes), réparer une motoneige, faire du ski de fond avec les jeunes du village...

Bonne Année 2020 à tous !